C’est l’un des ouvrages les plus reconnaissables du métro parisien : l’escalier métallique qui monte vers les quais des stations aériennes, avec sa structure d’acier riveté, ses colonnes en fonte et ses façades vitrées issues de l’esthétique industrielle du début du XXe siècle mise en vedette par les ouvrages de Gustave Eiffel. A bientôt 120 ans, l’escalier de la station Cambronne, sur la ligne 6 qui dessert le sud de Paris cède pourtant la place à une structure neuve. « Nos inspections ont montré que différentes pathologies, principalement de la corrosion, étaient en train de se développer, explique Matthieu Rudinger, responsable de l’entité contrôle du patrimoine chez RATP Infrastructures qui assure la maîtrise d’ouvrage. Pour garantir la sécurité des usagers et l’exploitation de l’escalier, il fallait le remplacer intégralement ».

Le nouvel escalier doit conserver son aspect d'origine pour s'intégrer dans l'esthétique de la ligne 6 qui date de 1906.
Indétectable à l’œil
L’aspect de l’équipement construit en 1906 restera cependant inchangé. « Nous nous devons de conserver les contraintes architecturales d’origine pour maintenir une cohérence sur la station et sur la ligne », explique Quentin Denéchaud, responsable études et travaux chez RATP Infrastructures, maître d’œuvre. Objectif : « que ce remplacement ne soit pas détectable à l’œil ». L’ouvrage est donc reconstruit à l’identique, avec « les mêmes formes, les mêmes dimensions et le même type de fabrication ». Le chantier emploie notamment le rivetage à chaud pour assembler les éléments de structure. Très utilisée tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, cette technique n’est aujourd’hui maîtrisée que par quelques spécialistes en France. Ici, l’entreprise ardennaise GForgé, qui opère au sein d’un groupement dont le mandataire est SGS.
Relevés 3D
« De l’escalier d’origine, nous ne conservons que les éléments en fonte à l’exception de ceux qui sont trop abîmés », indique Quentin Denéchaud. Ainsi les colonnes du palier central ont dû être remplacées par de nouveaux supports dont les moules ont été réalisés à partir de relevés 3D. Les colonnettes qui soutiennent la charpente de l’escalier ont été conservées après un traitement en usine – leur fabricant, le fondeur GHM créé en 1857, a d’ailleurs retrouvé dans ses réserves leurs moules originaux.
Le chantier a permis de rétablir la fonction d’évacuation des eaux pluviales de ces appuis. « Certaines poutrelles métalliques sont à la fois des éléments de structure de la charpente et des chéneaux qui recueillent les eaux et les acheminent vers les colonnettes où elles sont ensuite distribuées vers le système d’assainissement », explique Quentin Denéchaud. Un ingénieux système pensé par les ingénieurs de 1906 qui avait été obstrué au fil du temps et remplacé par une conduite en PVC bien peu élégante. Enfin, les motifs floraux qui ornent les poutrelles ont pu, dans leur majorité, être conservés.

Les motifs floraux qui ponctuent la charpente métallique, peu endommagés, ont été réutilisés.
Un an de conception
Les impératifs architecturaux n’empêchent pas la RATP de procéder à de discrètes améliorations : ainsi les marches de l’escalier sont recouvertes d’un grillage qui offrira une accroche aux dalles, évitant qu’elles se soulèvent au fil des ans. Certains assemblages métalliques sont réalisés par des boulons à tête bombée dont l’aspect est similaire à celui des rivets mais dont la mise en œuvre est plus rapide et moins coûteuse. Au final, le remplacement de cet ouvrage de 15 m de large et 12 m de haut a nécessité un an de conception initiale, quatre mois d’étude et de préparation pour 100 jours de travaux pendant lesquels la station est fermée au public. La RATP a déjà rénové sept autres escaliers sur la ligne 6 et envisage une campagne similaire sur la ligne 2 qui traverse la capitale par le nord.