« A l’heure où la carte des régions est redessinée, la mobilisation de tous nos services et de nos opérateurs est indispensable pour concevoir et mettre en œuvre une stratégie immobilière adaptée à la nouvelle présence de l’Etat dans les territoires. Cette réforme constitue une opportunité majeure pour accélérer la modernisation de la politique immobilière de l’Etat, la professionnalisation des acteurs, et la mutualisation de moyens, tout en contribuant à libérer du foncier mobilisable pour le logement », a indiqué en préambule à son discours Christian Eckert, qui avait invité le 5 juin tous les services déconcentrés de l’Etat chargés de la gestion immobilière et les préfets de région à un séminaire sur "la politique immobilière de l’Etat dans la réforme territoriale".
Un bilan en demi-teinte
Deux ans après le nouvel élan donné par Bernard Cazeneuve, alors ministre du budget, Christian Eckert estime que la politique immobilière de l'Etat s’est améliorée : « sur la période, 600 000 m² de surface de bureaux occupées par l’Etat ont été libérés. Des économies non négligeables ont été réalisées grâce à ces réductions de surfaces et à la renégociation de baux. Plus de 5 milliards d’euros de produits de cession ont été encaissés en cumulé, sans qu’il n’en résulte un appauvrissement de l’Etat propriétaire puisque la valeur comptable du parc immobilier de l’Etat a augmenté de près de 20%, passant de 50 à 59 milliards entre 2007 et 2014 ».
Pour autant cette amélioration n’est pas suffisante et des marges de progrès existent pour que la politique immobilière de l’Etat entre dans sa phase de maturité. « L’enjeu financier, et les économies que l’on peut en attendre au moment où le contexte budgétaire l’exige le plus, est colossal : j’ai parlé des ventes, mais la qualité de la gestion immobilière ne se mesure évidemment pas au volume des cessions », temporise Christian Eckert. L’Etat dépense près de 7 milliards d’euros par an pour son parc immobilier, et même 10 milliards en intégrant les opérateurs de l’Etat.
Par ailleurs, les réorganisations et les rapprochements de services de l’Etat menés par la RéATE (réorganisation de l’administration territoriale de l’Etat) n’ont pas eu les effets attendus sur la politique immobilière de l’Etat. Même si environ 200 000 m² ont été libérés (soit deux fois la tour Montparnasse) et 7 millions d’euros de dépense annuelle économisés sur les loyers externes (soit une réduction de 6%), les objectifs fixés initialement n’ont pas été atteints, notamment sur les surfaces utilisées ou la densification (atteints aux 2/3), mais surtout sur le plan financier où le solde apparaît négatif, alors qu’il devait s'établir à 60 millions d’euros.
Plusieurs raisons, avancées par le secrétaire d’Etat au Budget expliquent ce bilan négatif : « moins de la moitié des produits de cession prévus ont été encaissés, en raison du retournement de conjoncture entre l’estimation et la vente, ou en conséquence de plans de financement parfois optimistes, une sous-évaluation des prévisions de dépenses avec surcoûts notamment sur des opérations complexes ». Au rang des échecs, le lancement « symbolique de grandes opérations, sans préparation adéquate dont certaines sont toujours bloquées aujourd’hui ou suspendues en vue d’un redimensionnement, voire d’un abandon, entraînant évidemment un sentiment d’incompréhension au plan local. D’autres enfin ont bien été lancées, mais ont donné lieu, en cours de route, à un changement de cap aussi dommageable pour l’efficacité et la crédibilité de la politique immobilière que désastreux sur le plan financier », déplore Christian Eckert.
Généraliser les schémas directeurs immobiliers régionaux
Pour améliorer la gestion du parc immobilier de l’Etat, Christian Eckert a invité les services déconcentrés à réaliser un état des lieux précis du parc actuel et des besoins futurs à l’échelle régionale, en recourant aux nouveaux outils de diagnostic et d’aide à la décision mis à leur disposition par France Domaine, notamment les schémas directeurs immobiliers régionaux (Sdir). Il les a également encouragés à s’appuyer sur l’expertise de ce service pour concevoir des stratégies immobilières performantes et adaptées aux enjeux, respectueuses de la trajectoire des finances publiques.
Testés dans 5 régions (Réunion, Rhône-Alpes, Haute-Normandie, Basse-Normandie et Pays-de-la-Loire) depuis le 1er janvier, le Sdir doit permettre de décloisonner les parcs et des pratiques à l’échelle régionale et d’associer toutes les administrations, les opérateurs de l’Etat et même, "lorsque c’est possible", les collectivités territoriales. Il repose sur le principe de rationalisation de la décision immobilière, « grâce à une analyse systématique et normée de la performance économique et immobilière des opérations ». Le secrétaire d’Etat au Budget rappelle que « la première étape du Sdir est celle du diagnostic. Dans les régions fusionnées, ce diagnostic doit être simplifié, pour tenir compte de l’échéance de la remise des propositions d’organisation par les préfets préfigurateurs fin juin ». L’objectif est dans un premier temps d’obtenir un panorama du parc occupé par l’Etat (en domanial comme en locatif), mais aussi de celui du parc tertiaire privé disponible et « d’opérer un premier tri entre les impasses manifestes à écarter et les pistes à creuser ». Une première étape qui doit conduire au déploiement complet du Sdir.
Mobilisation du foncier public pour le logement
Persuadé que la réforme territoriale constitue une opportunité majeure pour accélérer la modernisation de la politique immobilière de l’Etat, Christian Eckert estime qu’elle peut contribuer aussi à libérer du foncier mobilisable pour le logement. Après un démarrage difficile du dispositif de décote, il considère que « l’Etat est désormais être en ordre de bataille et les opérations se font plus nombreuses ». 260 000 m² de terrain ont été cédés pour la réalisation de 3 000 logements, dont plus des 2/3 sont des logements sociaux. Le taux de décote moyen est supérieur à 50% et le montant cumulé des décotes s’élève à 36 millions d’euros.
Il regrette toutefois que sur « les 250 biens figurant sur les listes régionales, une petite minorité ait fait l’objet d’une marque d’intérêt des collectivités et bailleurs » et que des opérations avancées aient pu être remises en cause par les nouvelles majorités municipales ». Il rappelle aux préfets de « concentrer leurs efforts sur un nombre restreint de biens pouvant donner lieu à une cession rapide ». Sites qui devront être cédés d’ici la fin de l’année.