La rationalisation du contentieux administratif se poursuit au profit du juge du contrat. Depuis quelques années maintenant, les tiers qui veulent contester la validité d’un contrat peuvent former un recours de plein contentieux. Et le tribunal administratif (TA) de Versailles vient d’ouvrir cette voie au tiers mettant en doute la validité d’une décision de résiliation d’un contrat.
Dans cette affaire, une commune a conclu avec une société une convention de projet urbain partenarial (PUP). Dans ce cadre, il était prévu que la collectivité réalise les équipements publics, et que l’entreprise prenne en charge une fraction de leur coût, et apporte à la commune les terrains non bâtis et viabilisés nécessaires au projet.
Par une décision du 19 janvier 2015, le conseil municipal a autorisé le maire de la commune à résilier la convention. Puis, le 23 janvier 2015, ce dernier a informé une entreprise tierce qui participait à l’exécution du contrat (elle était titulaire d’autorisations d’urbanisme et a procédé à l’apport de parcelles et au versement d’une contribution), de la résiliation de cette convention. Cette dernière a alors contesté cette résiliation et demandé la réparation de son préjudice.
Continuité de la jurisprudence « Tarn-et-Garonne »
Le TA va alors s’inscrire dans la lignée du recours dit « Tarn-et-Garonne », issu de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 14 avril 2014 (n°358994). Pour ce faire, il pose le principe suivant : « Un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la résiliation de ce contrat est recevable à contester devant le juge du contrat la validité de cette résiliation en vue d’obtenir la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi ».
En revanche, il précise dans un second temps qu’ « un tiers à un contrat administratif ne peut pas demander l’annulation pour excès de pouvoir de la mesure de résiliation de ce contrat » (ménageant toutefois le cas particulier des tiers que sont, s’agissant d’un contrat conclu par une collectivité territoriale, le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité, « compte tenu des intérêts dont ils ont la charge »).
En d’autres termes, si un tiers lambda s’estime lésé par une décision de résiliation d’un contrat, il doit contester la validité de celle-ci devant le juge du contrat via un recours de plein contentieux. Il ne peut pas en demander l’annulation via un recours pour excès de pouvoir.
Requalification en recours de plein contentieux
Une fois ce principe posé, le TA de Versailles va requalifier le recours de l’entreprise, pour passer d’un « recours excès de pouvoir » à un « recours de plein contentieux » visant à obtenir indemnisation.
En ce sens, il considère qu’« en demandant l’annulation de la délibération du conseil municipal [...] du 19 janvier 2015 et de la décision du maire du 23 janvier 2015 portant résiliation de la convention [...], la société [requérante] doit être regardée comme contestant la validité de cette résiliation en vue d’obtenir la réparation du préjudice qu’elle estime en conséquence avoir subi. »
Pas d’indemnisation sans lien avec la résiliation
Pour autant, cette requalification ne permettra pas à la société d’obtenir une indemnisation, celle-ci n’établissant pas d’intérêt à agir. En effet, le TA estime que « les circonstances mises en avant par la société [requérante] ont affecté ses intérêts dans le cadre de la mise en œuvre de la convention, avant que celle-ci ne soit résiliée. Elles ne se rattachent donc pas aux conséquences que la rupture prématurée des relations contractuelles aurait pu avoir sur la situation de la société requérante ».
Ainsi, la société n’apportait aucun élément de nature à établir que la résiliation de la convention aurait lésé de façon suffisamment directe et certaine les intérêts dont elle se prévaut. La requête est de fait rejetée.
A noter que cette décision n’est pas sans rappeler celle du Conseil d’Etat du 30 juin 2017 (n°398445) qui a autorisé la voie du recours de pleine juridiction aux tiers contestant une décision refusant de mettre fin à l'exécution du contrat.