Conjoncture : les atouts de la logistique pour rebondir en 2024

Après un fort ralentissement des mises en chantier et un net recul des investissements l'année dernière, le marché des entrepôts devrait mieux traverser les mois à venir que les autres classes d'actifs.

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Après avoir enregistré 12 000 m² commencés en 2023, contre plus de 150 000 m² un an plus tôt, Panattoni compte lancer au moins 30 000 m² cette année. Ici, la plateforme de 62 000 m² qu’il a livrée en janvier à Saint-Léger-près-Troyes (Aube).

Et si le mal-aimé se distinguait en 2024 ? Alors que le secteur résidentiel est secoué par une demande désolvabilisée et que les bureaux attirent de moins en moins entreprises et investisseurs, l'immobilier logistique, souvent brocardé pour sa forte consommation foncière, pourrait mieux résister à la crise. Pourtant, à première vue, rien ne l'y prédispose. Avec une baisse des mises en chantier de 22,7 % sur un an, le marché des entrepôts a dévissé en 2023.

Sur les 12,7 millions de m² logistiques d'offres futures à fin décembre 2023, seuls 7 % étaient en chantier, selon la société de conseil Cushman Wakefield. « Trois quarts des opérations ont été reportées sine die faute d'équilibre économique et/ou de clients, à cause de la rapide remontée des taux entre mi-2022 et mi-2023. C'est toutefois mieux que le logement, dont 90 % des programmes prêts au démarrage n'ont pas été commencés pour les mêmes raisons », explique François Le Levier, directeur général adjoint de la société de conseil CBRE chargé du marché industriel et logistique en France.

Un stock de permis purgés

Nombre de développeurs d'entrepôts lisent dans ces chiffres que le plus dur est passé. Mieux, certaines données annonceraient un regain de forme. Ainsi Cushman & Wakefield note que 34 % des surfaces à créer disposaient d'un permis de construire en fin d'année dernière. Une proportion élevée qui rassure. « En raison du temps que mobilisent notamment les études d'impact et les recours, il s'écoule deux à quatre ans entre l'achat du terrain et le démarrage des travaux. L'étape la plus facile, c'est finalement le chantier, qui dure douze mois en moyenne », estime Gabriel Franc, président du groupe Franc Architectures, dont l'essentiel du chiffre d'affaires provenait des segments de marchés poreux de la logistique, de l'industrie et des parcs d'activités.

Vincent Sadé, directeur du développement et de l'investissement de Prologis, confirme : « Nous ne rencontrons pas de problèmes liés aux permis car ils sont majoritairement purgés. Nous attendons la baisse des taux [annoncée pour le printemps par la Banque de France, NDLR] pour lancer les projets. » A défaut de chiffrer son objectif, Vincent Sadé annonce que Prologis « développera plus en 2024 qu'en 2023 ». Pourquoi cet optimisme ? « Nous observons une baisse des coûts de construction de 5 à 15 % chez nos voisins, qui devrait se ressentir chez nous dans les prochains mois », anticipe-t-il.

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Un coût de construction plus élevé que le prix du terrain

Inquiètes pour leur carnet de commandes à cause des reports de mises en chantier, « les entreprises de dallage, de charpente béton ou de VRD ont commencé à baisser leurs prix », observe Gabriel Franc. Résultat, pour un entrepôt classique de 40 000 m², hors terrain, « nous sommes passés de 500 euros/m² en 2021 à 700 euros/m² en 2023, puis à 550 euros/m² aujourd'hui », calcule- t-il. Une tendance profitable pour ce segment où le coût de construction pèse plus sur le bilan économique d'un projet que le prix du terrain. A l'inverse des programmes résidentiels, en particulier dans les zones tendues.

Le groupe européen Panattoni fait partie des développeurs logistiques qui devraient rebondir dès cette année. « Nous lancerons au moins 30 000 m², selon les autorisations et les financements », déclare Salvi Cals, directeur général de l'antenne française. Plus de 150 000 m² avaient été commencés en 2022, contre seulement 12 000 m² en 2023. Et encore, il s'agissait d'un parc d'activités et non d'un entrepôt, son cœur de métier. A contre-courant du marché qui refuse la prise de risques hors zones ultra-tendues, Panattoni a continué « les lancements en blanc », c'est-à-dire sans avoir commercialisé les m² à construire.

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C'est le cas sur une friche de l'agglomération d'Orléans (Loiret), où démolition rime avec densification. Un premier bâtiment de 29 000 m² doit y être livré d'ici la fin d'année, un deuxième de 33 000 m², en 2026. « Pour justifier un lancement en blanc, il faut une localisation de premier rang et être capable de lever des fonds, en propre et en dette », résume Salvi Cals. Sur les marchés lyonnais et marseillais où très peu d'autorisations sont purgées, son homologue de P3 Logistic Parks voudrait lui aussi tenter le coup car il est « certain » de trouver preneur pendant les travaux en raison de la « très forte demande ». Pour l'heure, il a fait chou blanc. « Nous cherchons des terrains greenfields [vierges, NDLR] mais il n'y en a plus, regrette Adrien Beuriot. Il faudrait en acheter aux quelques concurrents qui en ont. Mais ils préfèrent attendre les clients pour démarrer les chantiers plutôt que de nous vendre les fonciers. »

Pas besoin de plan social

En parallèle, le stock d'opérations à lancer dans des localisations secondaires grossit. « Loin des marchés établis, les loyers ne sont pas assez élevés, on ne s'y retrouve pas économiquement », explique le directeur général France de P3 Logistic Parks. Et François Le Levier de compléter : « Le producteur d'entrepôts est bloqué car il ne peut pas marger à cause du coût de l'argent qui a amputé de 25 % le bilan de ses opérations. Mais contrairement à Nexity, qui a annoncé un plan social à ses milliers de salariés, les développeurs et promoteurs de 10 à 15 personnes dans la logistique continuent de faire tourner leur boutique. » Reste à séduire les utilisateurs, attentistes depuis un an. « A Laon (Aisne), nous disposons d'une importante réserve foncière de 137 000 m², reprend Adrien Beuriot. Nous ne commencerons les travaux que si nous trouvons preneurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui à cause de la conjoncture. »

Un autre indicateur invite à l'optimisme. Après une chute de 67 % sur un an en 2023, les volumes investis en immobilier logistique devraient « repartir à la hausse cette année au vu de l'appétit des acteurs », estime-t-il. En témoignent les 20 concurrents qui se disputent actuellement un actif de 80 000 m2 à rénover dans la région lyonnaise. En outre, le plongeon de l'investissement l'an dernier montre que « le chemin de la baisse des prix, réclamée par les acquéreurs, a été entièrement parcouru. Cela fait consensus chez les experts du marché », insiste François Le Levier. Autrement dit, les opérateurs, investisseurs et utilisateurs en quête d'une bonne affaire ne devraient plus pointer du doigt les vendeurs de fonciers ou d'entrepôts qui refuseraient de faire un geste, adapté aux nouvelles conditions de financement.

Enfin, la majorité des potentiels acheteurs - locaux ou étrangers - ne sont pas allés au bout du processus de diversification de leur portefeuille, encore dominé par le bureau. « Il n'y a pas de “logistique bashing”, qui remet en cause le produit, dont souffrent le bureau et le commerce », analyse Simon-Pierre Richard, directeur du département industriel et logistique France de la société de conseil JLL.

Une demande stimulée par les industriels

Une étude prospective de CBRE assure même que la logistique deviendra cette année la classe d'actifs préférée des investisseurs institutionnels, devant le bureau. Une première. Ce succès annoncé s'explique par les taux de vacance sous « le seuil de tension » estimé à 5 % par Cushman & Wakefield, dans la majorité des régions métropolitaines. Le manque de solutions - de seconde main ou neuves - pèse sur les loyers qui continuent de croître. Une mauvaise nouvelle pour les preneurs, mais une bonne pour les investisseurs en quête de rentabilité.

Même les marchés secondaires n'échappent pas à cette tendance. Du Havre à Bordeaux, les loyers des bâtiments de premier rang, c'est-à-dire d'excellente qualité et situés à proximité d'une auto route, ont enregistré une croissance à deux chiffres entre 2022 et 2023, selon Cushman & Wakefield. En Ile-de-France, où l'offre immédiate d'entrepôts de plus de 10 000 m² s'élève à 4,2 %, il faut compter 75 euros/m², contre 60 euros en 2021. Dans les métropoles de Marseille et Lyon, également touchées par un manque criant de terrains et d'entrepôts disponibles, les loyers dits « prime » sont passés de 45 à 62 euros/m² dans la première et de 55 à 67 euros/m² dans la seconde entre 2020 et 2023. « Dans ces zones tendues, les locataires auront peu de choix ces prochaines années et les propriétaires pourront relever les loyers », assure Simon-Pierre Richard.

En tant que propriétaire de 16 bâtiments occupés à 100 %, P3 Logistic Parks s'attend à « une hausse des loyers supérieure à l'inflation », y compris quand celle-ci sera ramenée sous la barre des 2 % en 2025 selon la Banque de France, affirme Adrien Beuriot. De quoi s'assurer un flux de trésorerie pour muscler ses fonds propres et se positionner sur des fonciers prisés.

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