Si la qualité de l’air intérieur (QAI) est désormais un enjeu connu de santé publique, les acteurs du tertiaire le maîtrisent encore mal. De plus, le Dispositif éco énergie tertiaire (DEET), oblige les professionnels à réduire de 40% les consommations énergétiques pour 2030. Comment améliorer l’un et l’autre de manière concomitante ? Pendant 24 mois, le Hub Air Energie (HAE) a planché sur le sujet. Il regroupe des acteurs publics comme privés, des propriétaires, des constructeurs, des gestionnaires de sites et des locataires.
Cette communauté est pilotée par l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb), pour son expertise sur les sujets énergie, et par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), pour la partie QAI. Le programme, qui vient de s’achever par la publication d’un rapport d’une trentaine de pages ce mois de décembre 2024, était financé par l’Agence de la transition écologique (Ademe) et la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) du ministère de la Transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Quinze sites à la loupe
Concrètement, douze maîtres d’ouvrages ont mis à disposition dix établissements scolaires, quatre bâtiments de bureaux et une galerie marchande pour y mener des mesures et des expérimentations. Grace à ces contributions, le Cerema et l’Ifpeb ont pu établir des recommandations à destination des décideurs et des gestionnaires de site. La première d’entre elles consiste à caractériser les objectifs d’une bonne QAI, mesurables et compréhensibles par tous, de la même manière que de se fixer un objectif de 19 °C pour la sobriété énergétique.
De tels éléments existent, dans la réglementation ou via les valeurs guides de l’air intérieur (VGAI) par exemple. Néanmoins, la multiplicité des composés à suivre, des méthodes à utiliser ou même des durées de mesure, voire la traduction de ces paramètres (en indice, en pics, en moyenne, en diverses unités) apportent un foisonnement d’informations complexes à appréhender.
Des seuils clairs pour le CO2, les COVt et les PM 2,5
Le Hub propose donc de fixer des seuils autour de trois polluants caractéristiques : 800 ppm pour le dioxyde de carbone (CO2), marqueur du taux d’occupation et du renouvellement d’air, 1 000 μg/m3 pour les composés organiques volatils totaux (COVt) dont les sources de pollution sont principalement issues des produits de construction comme les peintures et les colles ou du mobilier, et 10 μg/m3 pour les particules fines (PM2,5) issues majoritairement de l’extérieur du bâtiment.
Le respect de ces seuils présage d’une bonne QAI générale. Un choix qui n’exempte pas de tenir compte d'autres polluants dangereux tels que le radon, le benzène et le formaldéhyde qui doivent être suivis pour certains établissements recevant du public (ERP) à travers des campagnes de mesures réglementaires. Ils doivent d'ailleurs être mesurés en continu et sur le long terme.

Synthèse pédagogique, à destination des exploitants et occupants, des seuils de QAI © Cerema/Ifpeb
Cumuler les effets de la ventilation mécanique et manuelle
Une fois les polluants clairement identifiés et mesurés, le second volet de l’étude porte sur leur évacuation, qui ne doit pas grever le bilan énergétique. Les différents diagnostics ont démontrés que la ventilation mécanique améliore significativement la qualité de l'air pour le dioxyde carbone et les particules fines. Cependant, des pics de COVt restent malgré tout visibles sur certains sites.
Pour évacuer ces polluants, l’Ifpeb et le Cerema recommandent de mobiliser activement les occupants afin qu'ils ouvrent régulièrement les fenêtres. L’étude préconise aussi d’élargir le système d’étiquetage sur les émissions dans l’air intérieur des produits de construction (sols, peintures, colles, etc.) au mobilier comme aux produits de nettoyage.
Le bon débit au bon endroit
Pour les bâtiments existants concernés par l’obligation d’installer des systèmes de pilotage dans le cadre du décret BACS, le Hub préconise d’ajouter une obligation d’un suivi en continu de la QAI avec des micro-capteurs sur un échantillon de locaux (1 pour 1000 m² par exemple). L’installation de ces capteurs, à lecture directe, disposant d’une remontée des données sur la supervision, avec un système d’alarmes en cas de dépassement des trois seuils précédemment définis, est envisageable à moindre coût pour le bâtiment (<1 €/m².an).
La supervision doit aussi faciliter le pilotage des centrales de traitement d’air (CTA) en intégrant un point de consigne en m3/h sur le débit d’air neuf et sur le débit de soufflage maximal lorsque l’installation est en débit fixe. Les périodes de fonctionnement devront aussi être optimisées selon les plages horaires d’occupation. Objectif : le bon débit au bon endroit !
La maintenance, indispensable pour ne pas sur-consommer
La maintenance des équipements constitue évidemment en ce sens une étape clé pour assurer une bonne QAI sans sur-consommer. Cette mission essentielle permet de réaliser une vérification périodique du débit des bouches, des organes d’équilibrage, de l’étalonnage des sondes CO2 et de la bonne consigne d’ouverture des registres motorisés, ou encore de contrôler l’étanchéité du réseau aéraulique.
S’assurer du bon fonctionnement de l’installation aéraulique dans la durée est d’ailleurs une préconisation de la Directive européenne sur la performance énergétique du bâtiment EPBD 20 d’avril 2024.
Lire les polluants en temps réel
En ce qui concerne les sites non équipés d’un système de ventilation mécanique, il est possible d’évacuer les polluants en aérant mieux. Sur une école élémentaire, le protocole d’aération renforcée (ouverture de fenêtres à minima de 5 min/h) a permis de diminuer de 50 % la concentration moyenne en COVt, sans toutefois atteindre les niveaux des sites ventilés mécaniquement.
Attention toutefois, ce protocole doit tenir compte des émissions extérieurs pour ne pas rehausser le taux de PM2,5. En ce sens, une lecture directe des niveaux de polluants atteints via des capteurs est un outil pertinent, pour permettre aux occupants de contrôler les effets de leurs comportements.