A l'approche des fêtes de fin d'année, le Conseil d'Etat en appelle à la clémence des acheteurs publics, ou du moins à leur bon sens. C'est l'esprit qui se dégage d'une récente affaire. Les faits sont relativement simples. Une commune a lancé une procédure de passation d’une délégation de service public pour l’exploitation d’une plage. La date et l'heure limites pour le dépôt des candidatures par voie dématérialisée étaient fixées au 17 mai 2021 à 17 heures. Une entreprise candidate a transmis sa candidature le 11 mai 2021, puis une pièce complémentaire le 16 mai 2021. En application de l'article R. 2151-6 du Code de la commande publique, la commune n’a tenu compte que du dernier pli envoyé par l’entreprise, celui du 16 mai, c'est à dire la pièce complémentaire. Elle a alors rejeté l’offre de l'entreprise car incomplète.
L'entreprise a décidé de saisir le juge administratif et c'est le Conseil d'Etat qui se prononce en dernier ressort.
Article R.2151-6 du Code de la commande publique
Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres.
Le pragmatisme du juge administratif
La Haute juridiction administrative estime que les dispositions de l'article R. 2151-6, "outre qu'elles ne sont pas applicables à la passation des concessions, n'ont pas pour effet de conduire à regarder toute transmission comme une offre". De plus, elle va faire preuve de pragmatisme en considérant que "le seul renvoi par le règlement de la consultation à un guide d'utilisation de la plateforme où devaient être déposées les offres sur lequel figurait la mention selon laquelle : « Si vous devez modifier ou rajouter une pièce à votre réponse déjà déposée : tout déposer à nouveau et au complet car le dernier envoi prévaut !!! », ne pouvait, en tout état de cause, dispenser l'autorité concédante de constater que la seconde transmission ne comportait qu'un document et ne pouvait être raisonnablement regardée comme se substituant au dossier de candidature transmis antérieurement".
En rejetant la candidature de l'entreprise, la commune a donc manqué à ses obligations de mise en concurrence. Le Conseil d'Etat lui enjoint de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures en reprenant celle de l'entreprise évincée. Au regard de cette jurisprudence, il apparaît évident que les entreprises, mais aussi les acheteurs publics, doivent faire preuve de vigilance en cas d'envois successifs de plis.