Comment se passer du marquage CE en outre-mer

Alors que la réglementation européenne prévoit l’exemption de ce marquage sur les produits de construction dans les territoires ultramarins, se pose la question de savoir comment assurer des constructions de qualité répondant aux règles et normes en vigueur. Une première piste serait d’étudier la faisabilité produit par produit.

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Des travaux à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Quelles alternatives pour s’affranchir du marquage CE sur les produits de construction en outre-mer ? C’est à cette question épineuse que se confrontent les douze territoires ultramarins, réunis lors de leurs Assises de la construction durable. Obligatoire pour les produits couverts par les réglementations européennes, il garantit leur libre circulation dans l’Union européenne. « Seulement, répondre aux exigences du marquage CE (obligatoire pour tous les produits couverts par un ou plusieurs textes réglementaires européens, NDLR) a dans les faits pour conséquence limportation de matériaux sur les territoires insulaires depuis l’Europe continentale, là où se situe principalement le marché, avec tout ce que ça sous-entend en terme d’empreinte carbone et d’économie », rapporte Aurélien Lopes, le référent outre-mer de l’Agence Qualité Construction (AQC) et coordinateur du programme inter outre-mer pour des bâtiments résilients et économes en énergie (Ombree).

L’exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon s’avère tout à fait frappant : « Nous ne pouvons pas utiliser les matériaux de notre voisin canadien parce que leurs règles diffèrent des réglementations françaises et européennes », déplorait le président de la collectivité territoriale Bernard Briand lors des Assises de février.

Un règlement en marche

Une aberration donc, à laquelle les multiples partenaires - réunis notamment autour de l’AQC, la DHUP, la DGOM, le CSTB et la Fedom - entendent bien trouver une solution. La bonne nouvelle, c’est que l’Union européenne doit adopter un règlement d’ici la fin d’année exemptant les territoires ultra-marins du marquage "CE". Il produira ses effets dans le droit français un an après son entré en vigueur.

Mais c’est aussi là que les choses se compliquent.« Si nous pouvons importer des produits du Canada, des Etats-Unis, d’Afrique du Sud, etc, comment pouvons-nous garantir leurs performances au regard des exigences réglementaires et normatives de l’Union européenne, et de l’obligation de la garantie décennale ? » questionne Aurélien Lopes. Il n’existe en effet pas de règles de l’art qui permettent d’utiliser ces produits à priori.

L'impact de l’exemption du marquage CE à l'étude

La Nouvelle-Calédonie a développé tout un dispositif d’accréditation locale de produits étranger de façon à répondre aux exigences de leur propre système

—  Aurélien Lopes, référent outre-mer de l’AQC et coordinateur du programme Ombree

C’est pourquoi le CSTB réalise une étude d’impact sur l’exemption du marquage CE. « Il s’agit d’analyser les conséquences techniques de cette exemption dans les différents territoires et de voir comment ils peuvent continuer à répondre aux exigences précédemment citées, c’est à dire réglementaires, normatives et assurantielles », explique le référent outre-mer de l’AQC.

Une première piste de travail, consistant à reprendre les procédures néo-calédoniennes éprouvées depuis quatre ans, serait d’étudier la faisabilité produit par produit, en se penchant sur leur mode de reconnaissance dans leur pays d’origine (équivalents à des certifications) et d’analyser les performances ainsi reconnues au regard des besoins. « En effet, leur gouvernement n’imposant pas le marquage "CE", ils ont développé tout un dispositif d’accréditation locale de produits étranger de façon à répondre aux exigences de leur propre système », poursuit-il. 

Voici donc un chantier colossal qui attend les territoires ultra-marins. Mais il a été estimé comme étant moins chronophage et fastidieux que la méthode qui consisterait à la mise en place d’équivalences de normes nationales et étrangères. En effet, de tels travaux reviendraient à rapprocher des textes normatifs mouvants et qui ont été rédigés selon des philosophies très différentes. Seule une collaboration au sein de comités de normalisation communs pourrait apporter des résultats à très long terme.

Trois produits sur le banc d’essai

Afin d’identifier concrètement les étapes et freins à l’application de l’exemption au marquage CE, trois produits ont été retenus pour tester la démarche : la tôle de couverture, le carrelage et le bois. « Nous avons choisi la tôle parce que la couverture est un sujet central en zone cyclonique. Le carrelage quant à lui bénéficie d’un marquage Upec. Les pays limitrophes des Drom ont des marquages ressemblants. Peut-être pourrons-nous établir des équivalences. Enfin, le bois sera à l’étude car il permet d'aborder la question des matériaux biosourcés. Peut-être aussi que les bois locaux sont mieux adaptés au climat tropical, ce qui reste à prouver. Il s'agira également d'étudier les conséquences sur nos territoires d’un approvisionnement local et l’impact carbone, ainsi que les questions de mises en concurrence et d’économie », détaille Aurélien Lopes. Tout cela au regard des exigences réglementaires, normatives et assurantiels, rappelons-le.

Après une préparation mutualisée, les études et « mises en situation » se feront localement pour chaque territoire, car, seules des concertations locales pourront identifier les difficultés et opportunités vis-à-vis de l’écosystème existant. L’ensemble de ces dispositions et d’autres seront inscrits dans un livre blanc qui sera présenté au salon Batimat à Paris le 1er octobre prochain.

Une instance outre-mer unique
En parallèle de ces travaux, la création d’une instance outre-mer qui permettrait notamment de favoriser la collaboration entre les territoires ultramarins est à l’étude. Cette structure assurera un rôle d’interface entre les instances nationales et les cellules locales. Elle permettra de mutualiser certains travaux et de proposer à l’État et aux instances nationales un interlocuteur crédible sur la question de l’adaptation des normes, tout en privilégiant les concertations locales.

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