Selon un principe bien connu en droit des marchés publics, les personnes publiques peuvent résilier un contrat pour motif d’intérêt général, sous réserve d’indemniser le cocontractant du préjudice qu’il subit le cas échéant (CE, ass. 2 mai 1958, « Distillerie de Magnac-Laval »). Mais peut-on prévoir contractuellement que le droit de résilier le contrat se fera sans indemnisation ? Oui, a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 décembre 2012, reprenant une solution dégagée en 1982 (CE, 10 décembre 1982, « Loiselot » n°22856 ).
En effet, si le Conseil d’Etat refuse toute clause privant la personne publique de ce droit de résiliation (CE, 6 mai 1985, « Association Eurolat »), il admet en revanche, au nom de la liberté contractuelle, que le contrat organise les conséquences de la résiliation (voir la fiche de la Direction des affaires juridiques de Bercy). Et le fait de ne pas prévoir d’indemnisation en fait partie.
Dans le cas d’espèce, le Préfet de la région Bretagne avait conclu un marché à bons de commande sans minimum ni maximum avec une société pour le transport de farine animale. En cours d’exécution, le préfet a résilié le marché pour motif d’intérêt général. L’article 11 du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoyant que « la personne responsable du marché pourra mettre fin au marché sans indemnité et à tout moment par décision de résiliation », le Préfet n’a pas indemnisé sa cocontractante.
Mécontente, l’entreprise a saisi les juridictions compétentes. Mais la cour administrative d’appel (CAA) de Nantes lui refuse l’indemnisation du préjudice allégué pour la période postérieure à la résiliation du contrat. Et, sans surprise, le Conseil d’Etat donne raison à la CAA. Il commence par mentionner le fait que « les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques sans qu’aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu’aucune stipulation contractuelle ne le prévoient, de résilier un contrat pour un motif d’intérêt général, sous réserve de l’indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant ». Il précise ensuite que « ces mêmes principes ne s’opposent pas à ce que des stipulations contractuelles écartent, comme en l’espèce, tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique ».
A noter que la société n’aurait de toute façon obtenu aucune indemnisation… même en l’absence de motif d’intérêt général. En effet, le contrat en cause est un marché à bons de commandes sans minimum. Or, sans minimum, la personne publique ne s’est engagée sur aucun montant de commande. Le cocontractant ne peut donc prétendre à aucune indemnité si l’Administration ne passe aucune commande.
Pour retrouver la décision du 19 décembre 2012 n°350341 du Conseil d’Etat, cliquez ici.