Quand en 1937, à l'occasion de l'Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne, le palais de Tokyo est achevé dans le XVIe arrondissement, il est un rare exemple d'édifice parisien construit expressément pour les besoins d'un musée. Et même, pour être précis, de deux établissements. Dans les deux ailes conçues par un quatuor d'architectes - Jean-Claude Dondel, André Aubert, Paul Viard et Marcel Dastugue - sont abritées, à l'ouest, les collections nationales d'art moderne et, à l'est, celles de la municipalité.
Huit décennies plus tard, le musée d'Art moderne (MAM) de la Ville de Paris est toujours logé dans la partie qui lui avait été dévolue. Mais jusqu'au récent chantier de réhabilitation dont le bâtiment a bénéficié, mené par l'agence h2o architectes, le public venu découvrir les expositions temporaires pouvait ignorer combien l'institution était vaste et sa collection riche de chefs-d'œuvre, exposés dans une cascade complexe de salles accrochées au bas de la colline de Chaillot.

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Volume épuré. Depuis le hall d'entrée, l'accès à ces espaces était en effet peu visible. L'opération menée de 2016 à 2019 a permis de remodeler un volume déjà transformé à maintes reprises. « Depuis 1937, il y a eu plusieurs campagnes de travaux et, dans ces cas-là, la tendance est plutôt à ajouter des strates, explique Antoine Santiard, l'un des trois associés de l'agence h2o. Notre travail, au contraire, a consisté à ôter des éléments. » Démolies, les cimaises qui empaquetaient les colonnes centrales, coupaient l'espace et obstruaient la vue. Envolé, le faux plafond qui masquait le haut des baies ouvrant sur le parvis. Et surtout, disparu le plancher qui couvrait le niveau inférieur et ne laissait émerger que deux petites trémies d'escaliers menant vers les collections permanentes. Désormais, deux grands balcons dissymétriques se font face et créent une large ouverture vers l'étage du parvis. Débarrassés de leur gangue, les deux escaliers qui permettent d'y accéder ont gagné en lisibilité. « On perçoit mieux l'appel des collections, en contrebas, et le public se laissera plus facilement happer, estime Laurie Szulc, la secrétaire générale du MAM. L'espace a aussi gagné en qualité de lumière. Si les hautes fenêtres ont toujours existé, le sentiment d'être dans la ville n'était pas le même. »
L'opération a aussi été l'occasion d'interventions ponctuelles dans l'édifice, permettant, ici et là, d'abaisser des planchers ou de compacter des installations techniques dans le but de dégager des espaces supplémentaires. Le restaurant a, par exemple, été largement agrandi. Un travail d'ordre chirurgical et sans cicatrice apparente. En effet, le hall semble afficher la majesté de l'architecture de 1937, qui hésitait alors encore entre le moderne et le néoclassique. L'aménagement aux sobres teintes grises, le mobilier d'accueil « fantôme » conçu par le Studio GGSV et dont les lignes fluides, tout juste soulignées de bandes de laiton, se fondent dans le cadre général, ou encore les luminaires en verre soufflé aux nettes influences Art déco concourent à laisser croire que rien n'a tellement changé depuis les premiers jours. « Tout, dans notre intervention, est en retrait. Nous nous sommes mis au service du public et du bâtiment, affirme Antoine Santiard. Nous faisons des projets qui ne se voient pas, mais cela nous convient bien. »