La crise en Ukraine se poursuit, et l’Union européenne a décidé d’utiliser la commande publique comme arme de sanction. Le règlement n° 2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 vise ainsi les contrats dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens. Certains contrats exclus du champ des directives, parmi lesquels les concessions portant sur la location ou l’acquisition de bâtiments existants ou encore les marchés passés à fins de revente ou de location d’eau ou d’énergie à des tiers sont également concernés.
Interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution d’un contrat
Dans une fiche technique publiée sur son site Internet, la Direction des affaires juridiques de Bercy souligne que depuis le 9 avril 2022 (lendemain de la publication du règlement), les pouvoirs adjudicateurs, entités adjudicatrices et autorités concédantes ont l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution d’un contrat dans quatre hypothèses :
- si l’attributaire est un ressortissant russe ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme établi sur le territoire russe ;
- si l’attributaire est détenu à plus de 50 %, et de ce manière directe ou indirecte, par une entité établie sur le territoire russe ;
- si l’attributaire est une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou sur instruction d’une entité établie sur le territoire russe ou d’une entité détenue à plus de 50 % par une entité elle-même établie sur le territoire russe ;
- si le sous-traitant, le fournisseur ou toute entité aux capacités de laquelle il est recouru se trouve dans l’un des trois cas susmentionnés, et le montant de ses prestations représente plus de 10 % de la valeur du marché.
Pour identifier les opérateurs économiques concernés par ces sanctions, la DAJ de Bercy donne quelques conseils. Elle explique notamment qu’il peut être utile de se reporter à l’adresse et à l’immatriculation qui figurent dans l’acte d’engagement, l’offre, ou dans les données relatives à la candidature. Autre précision : concernant la détention directe ou indirecte du capital d’une société, « il conviendra de se référer aux règles du droit des sociétés ou des associations puis d’effectuer les recherches correspondantes ».
Exceptions sectorielles
Plusieurs exceptions sectorielles à ces règles sont à noter. Certaines sont directement énumérées, telle la coopération intergouvernementale dans le domaine des programmes spatiaux ou encore l'achat, l'importation ou le transport de gaz naturel et de pétrole, y compris de produits pétroliers raffinés, ainsi que de titane, d'aluminium, de cuivre, de nickel, de palladium et de minerai de fer depuis ou via la Russie vers l'Union. Le règlement prévoit également une exception générale qui devra préalablement avoir été autorisée, au cas par cas, par l’autorité de contrôle nationale : pour la France, il s’agit des services de la Direction générale du Trésor.
Résiliation des contrats en cours
Le règlement du 8 avril impose, par ailleurs, de résilier tout contrat passé avec des entités russes et qui aurait été conclu avant le 9 avril 2022. Les acheteurs et les autorités concédantes ont jusqu’au 10 octobre 2022 pour procéder à cette résiliation qui ne pourra pas donner lieu à indemnisation des cocontractants visés par les sanctions.
A noter enfin que l’acheteur qui ne respecte pas ces règles s’expose à des sanctions pénales et notamment une peine d’emprisonnement de cinq ans.