Jurisprudence

Commande publique : le défaut d’impartialité de l’AMO entraîne l’annulation de la procédure

L’assistant à maîtrise d’ouvrage ayant des liens d’intérêts avec le fournisseur d’un candidat est susceptible de faire naître un doute légitime sur sa neutralité. Nouvelle illustration dans une récente décision du Conseil d’Etat.

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Le principe d’impartialité, principe général du droit, s’impose au pouvoir adjudicateur.
Le principe d'impartialité, principe général du droit, s'impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative.
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2023/02/28N°467455

Trahi par son assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) ou véritable jeu de dupes ? Dans une récente affaire, une entreprise candidate à un marché de fournitures lancé par une commune, portant sur l'extension et la maintenance du système de vidéo-protection urbaine, a vu son offre rejetée. Elle a alors saisi le juge du référé précontractuel du TA de Lille qui a rejeté sa demande. L’entreprise se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat. Parmi les moyens soulevés, elle remet notamment en cause le principe d’impartialité de l’acheteur public.

Rappelons dès à présent que ce principe d'impartialité, principe général du droit, s'impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Ainsi, sa méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. 

Un coup de canif au principe d’impartialité

La Haute juridiction administrative commence son analyse en reprenant les dispositions de l'article L. 2141-10 du Code de la commande publique : « L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens ». En outre, « constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché. »

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que l’AMO de la commune est aussi le dirigeant de la société qui fournit le logiciel utilisé par le groupement déclaré attributaire du marché. La Haute juridiction en déduit que l’AMO qui a participé à l'analyse des offres et à leur notation a été ainsi susceptible d'influencer l'issue de la procédure. 

Retour à l’analyse des offres

En faisant participer l’AMO à l'analyse et l'évaluation des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux, la commune a ainsi méconnu le principe d'impartialité et, partant, ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Le Conseil d’Etat n’a alors d’autre choix que d’annuler la procédure de passation.

Il va néanmoins offrir une porte de sortie à la commune en l’autorisant, si elle entend conclure le marché, à reprendre sa procédure au stade de l’analyse des offres… Sans que l’AMO n’y participe évidemment. En effet, il considère "qu’il n’y a aucune circonstance de nature à faire naître un doute sur le fait que l’AMO aurait élaboré le règlement de la consultation et les pièces du marché de nature à favoriser l’offre qui indiquerait utiliser le logiciel commercialisé par la société avec laquelle elle partage des intérêts."

Conseil d'Etat, 28 février 2023, n° 467455

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