Combattre le risque « soleil » sur les chantiers

Prévention -

Une panoplie de mesures s'offre aux entreprises pour préserver leurs équipes des dangers liés à la canicule et aux rayons ultraviolets.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Franck Ollivier, directeur prévention d’Eurovia.

Alors que le mercure a dépassé les 40 °C dans de nombreux départements français le jeudi 25 juillet, battant ainsi des records historiques, les entreprises du BTP doivent redoubler de vigilance pour protéger leurs salariés sur les chantiers. Il faut à tout prix prévenir le coup de chaleur qui peut, dans les cas les plus graves, conduire au décès. Les dangers de la surexposition aux rayonnements ultraviolets (UVA et UVB) sont quant à eux désormais bien connus : atteintes oculaires (cataracte, dégénérescence de la rétine…), réactions cutanées, comme par exemple l'apparition de lésions d'eczéma, mais aussi cancers de la peau, dont le mélanome représente la forme la plus agressive.

Sensibilité aux UV. « Tenus de protéger la santé et la sécurité de leurs salariés, les employeurs concernés doivent intégrer dans le document unique le risque “ UV ” solaire et le risque “ fortes chaleurs ” lié aux ambiances thermiques, puis bâtir un plan d'action sur le sujet », expose Michel Ledoux, avocat chez Ledoux & Associés. Il leur incombe aussi d'informer le personnel sur les dangers liés à la canicule et aux rayons ultraviolets, ainsi que sur les mesures protectrices adaptées. « Il faut souligner que l'intensité des UV, qu'on ne sent d'ailleurs pas sur la peau, n'est aucunement diminuée par les nuages », insiste Cosmin Patrascu, expert d'assistance conseil à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

En période de canicule, il est recommandé d'éviter les activités à l'extérieur entre midi et 16 heures.

« Il s'agit de prendre en compte également les facteurs de prédisposition individuels : certaines personnes sont plus sensibles que d'autres aux UV », relève Nicolas Froment, responsable de la prévention de l'usure professionnelle à l'OPPBTP. Michel Ledoux suggère ainsi de prévoir une visite spécifique auprès du médecin du travail pour ces salariés, mais aussi « pour ceux qui seraient plus vulnérables vis-à-vis de la chaleur, en raison par exemple d'antécédents médicaux ». L'organisme de prévention conseille également un dépistage précoce et régulier des cancers de la peau par un dermatologue pour les travailleurs les plus exposés, avec un suivi pour les personnes à risque.

Cosmin Patrascu préconise de son côté le port de vêtements couvrants et de lunettes filtrant les UV, ainsi que de couvre-chefs à bords larges. « Un vêtement en coton devenu humide à cause de la transpiration n'arrête pas les ultraviolets. Les protections doivent être efficaces sans donner trop chaud, afin d'être acceptées par les salariés : il faut trouver le bon compromis. » Autre précaution : « renforcer avec des filtres les vitres des engins de chantier ou des camions, qui ne protègent pas toutes des rayons UVA », complète Nicolas Froment.

Adapter les horaires. En période de canicule, l'employeur doit d'autre part s'informer au quotidien des conditions météorologiques, et mettre à disposition de chaque salarié au minimum trois litres d'eau par jour, ainsi que, dans la mesure du possible, des zones d'ombre ou des aires climatisées. Dans les locaux fermés, il convient de veiller au renouvellement de l'air, et de vérifier l'état de la ventilation et sa conformité à la réglementation. Il est en outre recommandé d'adapter l'organisation du travail en débutant plus tôt la journée, et en évitant les activités à l'extérieur entre midi et 16 heures. « Une modalité plus aisément envisageable à la campagne qu'en milieu urbain, où les travaux démarrent rarement avant 7 heures », tempère Nicolas Froment. Autres mesures : faire tourner les équipes en cas de présence de zones ensoleillées et ombragées sur le terrain, reporter les tâches trop contraignantes et multiplier les pauses, mais aussi encourager une surveillance mutuelle accrue entre les personnes.

Reste que pour Jean-Marc Candille, secrétaire national à la CFDT Construction, « ces différentes solutions ont montré leurs limites. Elles sont avant tout appliquées sur les grands chantiers. Mais sur ceux des trois quarts des entreprises, on ne trouve pas d'abri, ou alors des constructions en tôle ! Le dispositif du chômage intempéries doit donc pouvoir être déclenché durant ces périodes, pour soustraire les salariés à la situation dangereuse ».

Si la canicule ne figure pas au nombre des circonstances retenues à ce titre par deux lettres ministérielles de 1947 (neige, verglas…), la profession du BTP admet une prise en charge pour les arrêts de chantiers situés dans une zone déclarée par le préfet en niveau d'alerte 3 (orange) ou 4 (rouge). L'entreprise doit avoir étudié toutes les solutions lui permettant de poursuivre son activité. Les déclarations d'arrêts devant être déposées par l'employeur au plus tard à la fin du mois suivant la reprise d'activité, il est trop tôt, à ce jour, pour avoir une idée précise du nombre de requêtes présentées depuis l'arrivée des fortes chaleurs cet été.

Arrêts au cas par cas. Lors du premier épisode caniculaire qui a frappé l'Hexagone fin juin, certains chantiers du groupe Legendre en Ile-de-France ont été suspendus dans ce cadre. « Le déclenchement du régime du chômage intempéries représente le dernier recours, une fois épuisées toutes les mesures organisationnelles (décalage des horaires, mise à disposition d'installations supplémentaires…), que nous déterminons en fonction de l'avancement des travaux, commente Philippe Louppe, directeur qualité sécurité environnement. Le recours à ce régime ne saurait ainsi être généralisé à la totalité de nos chantiers, mais doit s'appliquer au cas par cas. Nous sommes certes confrontés à des pics de chaleur plus importants et plus longs qu'auparavant, mais nous sommes accoutumés à faire face à la canicule : ce sujet doit demeurer naturel. » Un appel à « éviter la surenchère », et à « garder la tête froide ».

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !