Enquête

Collectivités : la commande publique emprunte des voies durables

Les schémas de promotion des achats socialement et écologiquement responsables - Spaser -, incarnés politiquement et co-construits, permettent d'engager une démarche efficace.

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Publiée à l'été 2021, la loi Climat et résilience a donné un cap à l'achat public : celui de devenir pleinement durable à l'horizon 2026. Pour y parvenir, le législateur mise notamment sur les schémas de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (Spaser). En effet, depuis le 1er janvier 2023, les acheteurs dont le montant annuel d'achats est supérieur à 50 M€ - au lieu de 100 M€ auparavant - ont l'obligation d'en élaborer un. Le nombre de collectivités concernées passe de 117 à 277 alors qu'une récente étude du Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) indique que seul un tiers des obligés étaient dans les clous fin 2022… Cette mesure semble néanmoins provoquer une certaine émulation. « Depuis cette loi, et même s'il est encore trop tôt pour tirer les conséquences de cette mesure, on observe une réelle dynamique, constate Chloé Sécher, déléguée générale adjointe de RTES, avec notamment une forte participation des collectivités locales lors des journées d'études dédiées. »

Incarnation politique. De la métropole de Lyon à celle de Montpellier, en passant par la communauté urbaine de Reims, elles se sont ainsi lancées dans l'aventure. D'autres, plus expérimentées à l'image des villes et métropoles de Nantes et de Lille (MEL) ou du département du Nord, en sont déjà à la deuxième version de leur schéma. Dans tous les cas, le mouvement est impulsé par une volonté politique. « Lors de notre étude, il est apparu clairement que l'objectif d'un Spaser est d'en faire un outil de politique publique et pas juste un outil juridique ou technique », indique Chloé Sécher. Nicolas Lallemand, directeur de la commande publique unifiée des Yvelines et des Hauts-de-Seine, abonde en ce sens : « Il faut associer les élus pour que la démarche soit efficace. » D'ailleurs, le vote du Spaser a symboliquement été programmé le même jour dans les deux assemblées départementales.

   La première étape du Spaser consiste en un diagnostic des politiques publiques de sa structure

Faire le point. Si l'implication des élus apparaît comme un essentiel, ou du moins un facilitateur, l'élaboration d'un Spaser demande surtout du temps et une approche méthodique. « C'est un travail de longue haleine, insiste Isabelle Caron, directrice de la commande publique de la métropole de Lyon. Cette étape nous a quasiment pris une année. » La première étape consiste en un diagnostic des politiques publiques de sa structure. « C'est le moment de faire le point sur l'ensemble des actions menées dans sa collectivité, qu'il s'agisse des plans d'actions, des feuilles de route, des schémas d'orientation, etc. », explique Emeline Baume, vice-présidente de la métropole. C'est aussi à ce moment-là que les acheteurs sollicitent les prescripteurs internes. « Notre objectif était vraiment d'associer les directions techniques pour ne pas faire du Spaser une feuille de route portée uniquement par le pôle juridique, précise Constance Bottaro, juriste, chargée de mission Spaser à la Ville et la métropole de Montpellier. Le but est de co-construire un outil qui s'appliquera à tous. Pour cela, au cours de cinq ateliers avec les directions métiers, nous avons sensibilisé les agents à notre démarche, collaboré avec eux pour connaître nos marges de manœuvre afin que notre Spaser soit réaliste et réalisable. »

Travailler de concert avec le monde économique. Certaines collectivités choisissent d'associer les entreprises à la construction du schéma dès cette étape. C'est le cas de la métropole de Lyon où le Spar - autre nom du schéma que l'on retrouve ici et là - est perçu comme un outil de promotion des nouveaux modèles économiques. Les entreprises du territoire ont ainsi été sollicitées via des entretiens, web conférences, ateliers de co-construction, questionnaire en ligne, etc. Le message envoyé, politique là encore, est clair : « Nous voulons guider les entreprises dans une direction où elles seront en mesure de conserver un modèle de prospérité », développe Emeline Baume.

A la MEL aussi, le monde économique a été associé à la démarche. « Pour notre premier Spaser, nous avons invité la FNTP afin de recueillir ses suggestions », témoigne Vincent Place, directeur adjoint en charge des achats. Même constat à Reims. « La construction de l'axe économique de notre schéma repose sur la charte de l'achat public à destination des TPE/PME que nous avons signée avec les organisations professionnelles », commente Mario Rossi, vice-président de la communauté urbaine. A l'inverse, à Montpellier, la question du dialogue avec les opérateurs économiques a été laissée de côté lors de cette étape pour mieux revenir ensuite. « A présent, grâce à nos liens avec les réseaux locaux - à l'instar du Rés'Occ, dédié aux achats responsables en Occitanie - nous voulons ouvrir notre démarche au monde économique. Elle ne se fera qu'en lien étroit avec nos fournisseurs », précise Constance Bottaro.

Une fois cette première phase achevée, arrive le moment de définir les objectifs et les actions associées. A la MEL, les agents ont capitalisé sur leur première expérience. « Grâce à notre service d'évaluation des politiques publiques, nous avons pu mesurer l'avancée de chacune des actions et surtout les ré- opérationnaliser quand nécessaire, relate Vincent Place. Mais nous avons gardé nos trois axes classiques - économique, social et environnemental - que l'on retrouve partout sous des appellations diverses. »

Programme d'actions. Si certains schémas se contentent de formulations assez générales, d'autres fixent des actions très précises. A l'instar de celui adopté par la métropole de Lyon, qui entend notamment « favoriser le recyclage des déchets de chantiers en mettant en place un dispositif d'échange de matériaux entre chantiers publics et privés et une plateforme mutualisée de traitement et reconditionnement des déchets ». Ou encore, de celui de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui prévoit « une clause de récupération de certificats d'économie d'énergie dans les marchés porteurs ou [spécifiant] de les faire apparaître dans le détail des offres afin de proposer des solutions performantes ». Certaines collectivités font des choix audacieux. A Nantes, par exemple, les délégations de service public font partie intégrante du Spaser « alors que les textes ne le prévoient pas », remarque Laurent Gollandeau, directeur de la commande publique. A Dunkerque, on vise « le non-achat chaque fois que c'est possible ». Dans les schémas de dernière génération, les collectivités vont encore plus loin. La promotion de l'égalité femmes-hommes se retrouve ainsi régulièrement intégrée.

Indispensables indicateurs. Arrive enfin une étape cruciale qui déterminera l'animation du Spaser : le choix des indicateurs de suivi. Sur ce sujet, Nantes Métropole a fait jouer son expérience. « Nous nous sommes aperçu que nous avions été trop ambitieux sur les indicateurs, ce qui faisait perdre le sens global de l'action, explique Laurent Gollandeau. Nous avons ainsi profité du renouvellement du schéma pour repenser la construction, la fiabilité et la disponibilité des données qui nourrissent ces indicateurs. Et, in fine, nous avons simplifié notre Spaser. »

Le choix des indicateurs de suivi est une étape cruciale du schéma

Lors de cette étape, rien ne se sert toutefois de se presser. Comme le rappelle France Urbaine dans un récent guide, « il n'est pas nécessaire que tous les indicateurs soient opérationnels dès l'adoption du Spaser ».

Ainsi, à la Ville et à la métropole de Montpellier, « nous avons délibéré un premier Spaser en 2022 avec nos axes et quelques objectifs, explique Emilie Barbenoire, responsable de l'unité programmation et pilotage. Et prochainement, nous allons le réviser pour y intégrer des indicateurs de performances. » Dans le Nord, le département a même prévu un chantier « indicateurs » directement dans son schéma. « Nous avions lancé notre premier Spaser en septembre 2020, mais nous l'avons révisé en 2022 après l'arrivée d'un contrôleur de gestion environnemental, précise Claude Lemoine, directrice des affaires juridiques et de l'achat public. Il nous a apporté une vraie technicité sur les indicateurs, que nous juristes, n'avions pas. Cela a boosté la démarche ».

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