C’est en tant qu’ingénieur en calcul de structure chez TotalEnergies que Jean-Philippe Court, fondateur et président de Cold Pad, s’est intéressé aux techniques de collage. « Les opérations de maintenance sur plateforme pétrolière se font essentiellement par soudure, or la flamme fait mauvais ménage avec ces infrastructures, explique-t-il. Et mettre une unité à l’arrêt pendant deux mois pour faire ces travaux représente un gros manque à gagner ». L’ingénieur, qui observe les techniques de collage structural utilisées dans le BTP, se demande alors comment « mariniser » ces procédés qui sont particulièrement peu compatibles avec l’humidité.
Créer des conditions idéales
C‘était en 2011. Depuis, Cold Pad a mis au point une technique de collage à froid, sans perçage ni soudage, sur des supports en acier ou en béton qui ont fait leurs preuves dans l’offshore pétrolier sur les actifs de TotalEnergies et dans le nucléaire. L’entreprise est déjà intervenue sur cinq des centrales d’EDF.
Le principe : un opérateur dépose sur la surface un connecteur mécanique équipé d’adhésif, puis le couvre d’une cloche reliée à une console de polymérisation dans laquelle il fait le vide. « Cela permet d’isoler le volume interne de l’extérieur et donc de reproduire des conditions idéales pour le collage que que soit le contexte environnemental », détaille Jean-Philippe Court.
Adhésif encapsulé
La cloche est ensuite descendue et applique une pression de 130 kilos sur le joint torique intégré dans le connecteur, évitant ainsi à l’adhésif toute exposition à l’humidité, à l’huile, au pétrole, aux UV ou encore à l’environnement salin. « La maîtrise des paramètres atmosphériques pendant la mise en œuvre assure la fiabilité du procédé et l’encapsulation de l’adhésif garantit sa durabilité », résume Jean-Philippe Court. Plus besoin de percer ou de souder, donc, et les connecteurs assurent une capacité réglementaire de 300 kg à 1 tonne.

Levage d'un colis de plus d'une tonne par l’intermédiaire d’une structure en acier et d’un palan, dans une centrale nucléaire. Quatre connecteurs de type C-blocks sont fixés au mur en béton par collage et font le lien entre le mur et la structure de levage.
Du réacteur nucléaire au monument historique
Les domaines d’application sont nombreux : « les zones comportant un ferraillage très dense, des canalisations, du béton précontraint, des câbles électriques encastrés dans du béton, des revêtements d’étanchéité, des revêtements toxiques comme de l’amiante ou des peintures au plomb », liste le président de Cold Pad. Mais aussi les monuments historiques puisque les connecteurs peuvent être désinstallés sans laisser de traces – à condition de l'anticiper.
Note technique d’EDF
L’innovation a retenu l’attention d’EDF : suite aux multiples retards de son EPR de Flamanville, l’électricien est venu trouver l’entreprise pour accélérer l’installation de points d’ancrage sur le site. « Installer un boîtier de jonction sur un mur dans cette centrale très fortement ferraillée pouvait prendre un mois car il fallait s’assurer de ne pas toucher d’armature, explique Jean-Philippe Court. Or il y a des dizaines de milliers de points d’ancrage à Flamanville ».
Les travaux menés conjointement avec EDF ont permis de développer une technologie de collage sur béton qui tolère même les surfaces fissurées pour répondre aux obligations de sûreté en cas de séisme. Des travaux qui ont abouti à un brevet en copropriété et à une note technique d'EDF autorisant son utilisation dans les centrales françaises, en attendant le marquage CE.
Moins d’acier sur les éoliennes
Cold Pad ambitionne maintenant d’élargir ses marchés et veut s’ouvrir au BTP et à l’éolien. « Souder ou percer des points d’ancrage pour fixer des câbles électriques ou des échelles de maintenance sur une éolienne engendre une fragilité associée à la fatigue des matériaux et nécessite de surépaissir la structure, explique le fondateur de l’entreprise. Nos connecteurs permettent d’économiser 5 à 10% d’acier sur des turbines de 15 à 20 MW, ce qui représente jusqu’à 1000 t d’acier et 300 000 euros ». L’entreprise est actuellement en discussion avec une major européenne de l’éolien en vue d’un projet pilote qui pourrait démarrer en fin d’année.

Jean-Philippe Court, fondateur et président de Cold Pad, et Julien Bec, directeur général de l'entreprise, ont de grandes ambitions pour celle-ci.
7 M€ pour cibler le BTP et l’éolien
Pour déployer plus largement ses innovations, Cold Pad a mis au point dans son laboratoire du 15e arrondissement parisien un outil manuel autoportant qui permet d’installer un connecteur en une minute.
Fin juin, l’entreprise annonçait une levée de fonds de 7,1 M€ qui va lui permettre d’adapter sa technologie à ces nouveaux marchés. « Aujourd’hui nous employons des techniques de petites séries et des matériaux nobles mais nos coûts de fabrication ne nous permettent pas de viser les marchés du BTP, indique Jean-Philippe Court. Nous devons maintenant concevoir des connecteurs moins chers qui conservent néanmoins toutes leurs performances pour aboutir à des prix de vente concurrentiels par rapport aux solutions classiques ». L’entreprise y croit et anticipe un chiffre d’affaires en forte croissance dans les années qui viennent.