« Le Conseil national de la refondation (CNR, NDLR) dédié au Logement ne sera pas un CNR de constat, mais de solutions », pose le ministre du Logement Olivier Klein, le 24 novembre, à l’occasion d’un point presse pour expliquer ses attentes à l’endroit de ce Conseil, qui se réunira pour la première fois lundi 28 novembre à Paris, à la maison de l’architecture d’Ile-de-France.
Trois ateliers seront lancés : « Redonner du pouvoir d’habiter aux Français » ; « Réconcilier la France avec l’acte de construire » et « Faire du logement l’avant-garde de la transition écologique ». Chacun animé par deux personnalités qualifiées (lire encadré).
Concédons au ministère du Logement une forte capacité à rendre cet événement désirable. Qui n’a pas envie d’avoir « le pouvoir d'habiter » où l'on veut, comme l'on veut... ? Mais cette énième réunion de professionnels - 160 sont attendus ! – questionne sur son utilité réelle.
Les membres du gouvernement ont-ils encore une fois besoin de faire plancher les principaux concernés par la crise du logement (représentants d’habitants, associations professionnelles, partenaires sociaux, etc.) pour connaître les mesures qui pourraient débloquer la situation ?
La question est posée sincèrement. Au fil des ans la crise du logement s’est enlisée. Les groupes de travail et rapports se sont alors succédés. Certains diligentés par le gouvernement précédent, d’autres par les parlementaires et même, les professionnels. Ceux-là même qui se retrouvent une nouvelle fois sollicités par la puissance publique. En deux ans, nous avons retrouvé une quinzaine de rapports qui répondent aux questions posées par l’équipe d’Olivier Klein. Les solutions – souvent les mêmes – sont formulées chaque année. Mais si peu sont effectivement prises en compte.
Des rapports publiés par les animateurs du CNR
Comme chaque année, la Fondation Abbé Pierre (FAP) publie son rapport annuel sur « L’état du mal logement en France ». En 2022, il s’agit de son 27e rapport. Ce dernier se compose d’une partie dédiée au constat, et d’une autre aux solutions. Rappelons que Christophe Robert, délégué général de la FAP, est co-animateur du CNR dédié au Logement. Ne doutons pas qu’il saura formuler à nouveau les propositions publiées plus tôt dans l’année. Elles portent essentiellement sur le besoin de production de logements accessibles (souvent sociaux), la régulation des marchés fonciers (le terrain représente le tiers du prix de sortie des logements, voire 50% en zone tendue), la généralisation de l’encadrement des loyers à toutes les zones tendues (la loi Alur le prévoyait déjà, avant que la loi Elan ne détricote cette mesure), etc.
Autre rapport publié en 2022, celui de l'institut des Hautes Etudes pour l'Action dans le Logement (Idheal). Intitulé « Construire où ? Pas ! Les territoires de la (non) production de logements » remet en cause des idées reçues sur le logement. Par exemple, que la concurrence acharnée entre promoteurs ne fait pas baisser les prix. Au contraire, la course à l’échalote menée sur le foncier fait grimper leur coût d’acquisition, et donc, les prix de sortie des logements, puisque les promoteurs immobiliers construisent leur bilan économique à rebours, en partant du prix d’acquisition du terrain.
Autre idée reçue malmenée par Idheal : le fameux zonage, qui conditionne l’accès aux dispositifs fiscaux d’aide à la construction (comme le Pinel) ou aux PTZ. Selon cette étude, 11% des territoires classés B2 et 11% de ceux classés en C, jugés détendus et sans enjeux, sont très actifs en matière de construction. Le zonage A-B-C serait-il déconnecté de la réalité de terrain ? Cela fait plusieurs années que les professionnels demandent sa révision (lire l’interview de l’ancienne présidente de la FPI). D’ailleurs, l’expérimentation réalisée en Bretagne sur le Pinel depuis 2020 ( !), le prouve. Idheal compte parmi ses partenaires Action Logement, Gecina, Groupamma Immobilier, Nexity... Et justement, Véronique Bédague, directrice générale du leader de la promotion immobilière en France, co-anime – aux côtés de Christophe Robert – le CNR. Il y a fort à parier que Véronique Bédague soit en capacité de relayer les incohérences de la politique du logement pointée par Idheal… D’autant que Catherine Sabbah, déléguée générale d’Idheal, co-animera un atelier (voir encadré).
Commission Rebsamen, Rapport Girometti-Leclercq, etc.
Remontons à peine plus loin dans le temps, en 2021. La commission Rebsamen – 30 personnalités qualifiées réunies tout de même ! – rendait non pas un, mais deux rapports. Beaucoup de propositions ont été appliquées, sauf celle proposant de supprimer les incitations fiscales à la rétention foncière.
Toujours en 2021, la Cour des Comptes proposait à l’occasion d’un audit flash, des axes d’amélioration pour MaPrimeRenov’, principal outil de financement de la rénovation énergétique des logements aux côtés des certificats d’économie d’énergie. Peu avant, le Haut Conseil pour le Climat s’inspirait des bonnes pratiques européennes pour publier ses préconisations visant à massifier les rénovations globales.
En matière d’acceptabilité, rappelons la publication en 2021 du rapport « sur la qualité du logement » (aussi appelé Girometti-Leclercq) qui a conduit à la création du « Pinel + ». Mais ce document de 90 pages formulait bien d’autres propositions sur l’amélioration de l’acte de construire. Rappelons qu'il était publié dans le cadre de la grande concertation lancée par l'ancienne ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, intitulée "Habiter la France de demain".
Expertise des parlementaires
En seulement deux années, une petite dizaine de rapports sur le logement ont été publiés. Et c’est sans compter sur l’expertise des parlementaires. Le rapport sénatorial dédié à la revitalisation des centre-bourgs propose, par exemple, de renforcer le Denormandie (qui aide la rénovation des logements anciens). Un autre dédié à la politique du logement dans les Outre-mer formulait des solutions pour améliorer la situation. Celui-ci concernait cette même année la politique d’hébergement d’urgence. Les sénateurs ont même publié un rapport dédié à la filière du bâtiment et à la RE 2020 formulant des mesures à 360 degrés pour accompagner le secteur (les professionnels mais aussi les acquéreurs) dans cette transition.
Les députés n’ont pas chômé ! En 2022, ce rapport était dédié à la reprise de l’activité économique dans le bâtiment. En 2021, un rapport était dédié au logement des jeunes. Un autre portait uniquement sur la rénovation des bâtiments.
Olivier Klein attend de ce CNR « un certain nombre de propositions opérationnelles ». Il pourrait sans doute en trouver dans la liste des rapports relayés ci-dessus.