« Faire une aire de jeux est la plus belle intervention pour identifier et qualifier un lieu. Théâtre de 10 années de croissance et d’éducation d’un enfant, elle dispose d’une dimension affective qui la rend bien plus marquante pour un quartier qu’une campagne de plantations ou un ravalement architectural. Surtout si le terrain d’aventure est spécifique et original. Même si l’espace public s’étend (piétionisation de quartiers entiers, reconversion des friches industrielles…), il peine à s’enrichir dans son traitement. Comme mode d’occupation poétique, le jeu lui permet d’exprimer autre chose que la circulation des flux ou les réglementations de type PMR. D’autre part, les enfants ont une imagination bien plus développée que les adultes qui leur permet d’interpréter de mille façons un lieu. Ils vivent l’espace de manière distanciée et mouvante et l’aire de jeux doit favoriser ça. Il faut créer des lieux à l’opposé du décor de cinéma figé, des structures qui laissent libre cours à toutes les interprétations sans pour autant tomber dans l’abstraction. Un cube rouge ne serait pas adéquat mais il suffirait d’y percer un hublot ou d’ajouter une échelle pour que cela fonctionne. L’aire de jeux du parc de Belleville (photo) à Paris et réalisée en 2008, est à la fois une cabane, une piste de ski et un bateau. Vu la pente du terrain – équivalente à celle d’un escalier – il était indispensable de créer une structure sur-mesure. C’est au moment de la concertation que les habitants du quartier ont émis l’idée directrice du projet, celle que nous mettons désormais en œuvre dans nos propositions ludiques : la prise de risque. Il fallait créer un lieu où les enfants apprennent à connaître et dépasser leurs limites. Ce n’était pas une réflexion de spécialiste mais une volonté de parents éducateurs. Pour que cela fonctionne dans la réalité, il est important de toujours rendre visible la difficulté, il ne doit pas y avoir d’autres pièges que les dangers que l’on voit. La structure a été conçue spécifiquement pour les enfants de 8 à 12 ans. Pour cette tranche d’âge, il faut augmenter le niveau de difficulté et diversifier les modes de pratiques du jeu. Ce qu’ils préfèrent c’est monter pour redescendre en toboggan, nous avons donc multiplié les façons de grimper et de dévaler la pente. »

