Le titre même de l’exposition - «Illuminations» - dit l’importance accordée à la lumière dans le processus de création de l’architecte Christian de Portzamparc (de l’îlot ouvert des années 1970 aux grands équipements actuels), qu’elle soit naturelle, artificielle, réverbérée par des surfaces colorées ou qu’elle suive les courbes d’un volume… Cependant, qu’un architecte peigne, et se pose immanquablement la question de sa légitimité, tout particulièrement en France où les différents champs de la création artistique restent très sectorisés.

Pour cette première exposition des peintures de Portzamparc, un acteur majeur du monde de l’art, Jean-Hubert Martin (qui a dirigé notamment le musée d’art moderne du Centre Georges-Pompidou), a poussé l’architecte à dévoiler au public sa production artistique et a endossé le rôle de commissaire. C’est d’abord en peintre que le futur architecte s’imagina, suite logique d’une enfance où l’observation du monde passa par le dessin. «En découvrant un croquis de Le Corbusier du Palais des Assemblées à Chandigarh, dans lequel figurait une silhouette d’homme en train de marcher, j’ai vu tout à coup que la peinture pouvait être habitée. Et, de là, j’ai choisi l’architecture» explique Portzamparc.

Dans les années 1960-1970, l’architecte ira à contre-courant de la doxa alors dominante de remplacer le dessin par le discours. «Parce que le dessin permet d’explorer, de laisser place à la surprise» (cf. la compilation de ses croquis dans son ouvrage Les dessins et les jours, publié chez Somogy). Cette pratique continue de la peinture - sur toile et parfois sur des murs, comme la fresque réalisée au Café Beaubourg - qui laisse un coin réservé à la libre exploration, permet aux projets de résister au poids des innombrables contraintes, techniques, financières, temporelles de l’architecture. «Cinq ans, dix ans et même parfois quinze ans séparent le projet de sa réalisation. Avec, pendant tout ce temps, des milliers de documents graphiques à produire, des centaines de réunions à tenir. Dessiner, peindre et obtenir ce que l’on cherche en quelques heures ou quelques jours, c’est un grand bonheur et une liberté immense» confie-t-il.

De fait, Christian de Portzamparc, qui construit beaucoup, reste avant tout un rêveur. Ce que vient souligner cette série de tableaux en noir et blanc nommée «Illuminations», où le rêve est tel qu’il est pour le dormeur dans l’obscurité de la nuit : une lumière. Mieux encore : c’est la science qui fait rêver Portzamparc, comme l’analyse son galeriste Kamel Mennour, voyant dans les réseaux lumineux qui parcourent ces tableaux «les heures anciennes qu’il passa à regarder les phénomènes de projections et réflexions nocturnes en pensant aux turbulences des photons que la physique quantique nous présente à la fois comme ondes et comme particules». Ce que l’intéressé qualifie plus simplement de «fascination». Dans le parcours de l'exposition, deux sculptures blanches flottent dans l’espace de la galerie, tels deux nuages de lumière sortis des tableaux.

Peut-être avec une pointe de sentiment d’illégitimité, l’architecte reconnaît que, chez lui, les sources d’inspiration sont nombreuses, alors que généralement les artistes identifiés en tant que tels orientent leurs recherches en suivant une même ligne. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous plongeons ici dans un univers à la fois extrêmement personnel et universel, propre à l’art et à Portzamparc.
«Illuminations», Christian de Portzamparc. Galerie Kamel Mennour, Paris VIe. Jusqu’au 18 janvier 2020.