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Nul n’ignore la difficulté de faire face aux besoins quantitatifs et qualitatifs de logements : ils sont en France, en ce début de XXIe siècle, considérables.

Quantitatifs ? On parle d’au moins 1 200 000 personnes en attente d’un logement. Qualitatifs ? Il paraît bien loin le temps où le logement social était le laboratoire de la qualité architecturale.

Que faire ? Prenez ce problème avec les meilleures intentions et cherchez une idée séduisante. Munissez-vous d’une ferme volonté d’innover. Voyons : qui dit « logement », dit… « Maison » bien sûr ! Oui, mais qui dit : « attente d’un logement » sous-entend « difficultés financières » pour y accéder. Or, tout idéal supposé qu’elle soit, la maison individuelle n’en est pas moins considérée comme un luxe difficile à atteindre.

Qu’à cela ne tienne : pour trouver une solution innovante, il faut souvent rapprocher des contraires. Et justement : pourquoi ne pas inventer des maisons à petit prix ? C’est parfait pour concocter un beau slogan avec des chiffres ronds. Le low-cost n’est-il pas dans l’air du temps ?

C’est ainsi qu’était née en 2005 l’idée de bâtir des maisons à 100 000 euros. Idée qui fut immédiatement alourdie d’une interrogation : le foncier était-il compris dans ce prix affiché ? Qu’il l’ait été ou non, la transposition de l’idée s’est heurtée à de dures réalités, au point que seulement quelques maisons virent effectivement le jour.

Malgré ce flop, une idée de nature similaire vient de resurgir en remplaçant le montant du prix d’acquisition de la maison, avec ses 5 zéros, par celui d’un loyer journalier. A des primo-accédants, il est maintenant proposé de débourser « 15 euros par jour » pour devenir en 20 à 25 ans les heureux propriétaires d’une maison puis, au terme d’une dizaine d’années supplémentaires, ceux du terrain sur lequel cette maison est située. Tel est le nouveau dispositif mis au point par le ministère du Logement et de la Ville avec l’ambition de livrer les premières maisons dès la fin de cette année.

Des précautions sont mises en avant et des assurances sont données : les maisons ne seront pas « au rabais » ; sur un terrain de 250 m2, elles auront une surface d’au moins 85 m2 ; et surtout, elles « seront largement au-dessus des normes » en matière énergétique… Promis, juré, elles n’auront rien à voir avec leurs aînées mortes-nées.

Il ne s’agit pas de douter des bonnes intentions qui ont conduit à l’élaboration patiente de ce nouveau dispositif. Il a certainement fallu de longues réunions et multiples expertises pour domestiquer la machine de dispositifs financiers complexes afin de parvenir à afficher les symboliques 15 euros par jour. Certains se souviennent encore qu’ils équivalaient – jadis – à un autre chiffre rond : 100 francs français ! De toute évidence, il ne s’agit pas non plus de regretter que des familles puissent être rapidement logées dans des conditions qui leur sembleront certainement inespérées. Reste que le signal donné par ces dispositions est loin d’être à la hauteur des enjeux environnementaux, architecturaux et urbains auxquels toute politique du logement devrait être fermement attachée. Encourager la maison individuelle par un nouveau dispositif financier, c’est conforter aux yeux des Français l’idéal qu’elle représente. Pourtant, dans la foulée du Grenelle de l’environnement, il devrait être définitivement admis qu’à cet idéal doivent être opposés ses inconvénients. Des inconvénients que Lionel Dunet, président du Conseil national de l’Ordre des architectes, a récemment dénoncés, stigmatisant « la multiplication des besoins automobiles et l’augmentation de la pollution induite, la pauvreté architecturale et environnementale générée par une offre de modèles de catalogues [qui] sont quelques-unes des conséquences de ce type d’habitat, avec des dégâts sociétaux irréversibles. »

Ce numéro d’amc paraît à quelques jours d’élections qui vont renouveler les exécutifs municipaux. Aux nouveaux élus, reviendra la mission de maîtriser l’étalement urbain et le devoir de ne plus dégrader des paysages trop souvent enlaidis par des lotissements.

Ces élus auront à inscrire leurs actions dans le fil d’une transformation en cours depuis une bonne vingtaine d’années grâce aux constructions publiques. Leur qualité s’est indéniablement renforcée dans beaucoup de toutes petites communes aussi bien que dans les agglomérations plus vastes. Progressivement de la diversité s’est ainsi instillée tandis qu’une certaine richesse architecturale se concrétisait à toutes les échelles.

Le phénomène est sensible sur le territoire bien au-delà de l’agglomération parisienne. Que l’architecture soit devenue un vecteur de communication apprécié des responsables de collectivités territoriales est un gage de sa continuité. Mais ce n’est pas suffisant.

Les nouvelles équipes municipales auront à greffer de l’habitat dans des zones déjà construites, favoriser le développement de nouvelles typologies de logements, les rapprocher des moyens de transport collectifs… Bref, résorber les problèmes du logement dans une perspective de développement durable ; et pour cela l’incitation à la propriété d’une maison individuelle ne leur sera pas utile.

Ce durable rêve n’est pas un rêve durable. Il est trop coûteux pour la société.

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