C'est un chantier spectaculaire en site occupé qui se déroule à Strasbourg (Bas-Rhin). Depuis l'été 2023 jusqu'à celui de 2026, le plus que centenaire stade de la Meinau s'étend et se modernise, se transformant en une enceinte prête à vibrer aux exploits du Racing, le populaire club de football local. Une à une, les tribunes dénommées selon leur orientation sont restructurées selon un timing contraint.
« Celui-ci doit permettre la poursuite des matchs, chaque phase étant calée sur le calendrier sportif. Après une jauge réduite à 19 600 places durant la saison 2024-2025, le stade retrouvera sa capacité précédente de 26 000 au démarrage du prochain championnat en août de cette année, puis il passera à 30 000 places, et enfin à sa taille définitive de 32 000 début 2026 », expose Frédéric Thommen, directeur du projet pour l'Eurométropole de Strasbourg qui est propriétaire de l'enceinte et maître d'ouvrage.
6 000 places supplémentaires en tribune sud. La tribune ouest qui abrite le « kop », le groupe des supporters les plus fervents, a servi de hors-d'œuvre. Elle a fait l'objet d'un reprofilage des gradins en béton supprimant la césure entre leurs parties haute et basse, ainsi que d'un réaménagement de la coursive de tête, qui sert désormais de desserte périphérique complète. Elle reliera ainsi les tribunes est puis nord dont les gradins connaîtront des travaux analogues d'ici 2026, tout en offrant de nouveaux services (boutiques, restauration…) et des espaces généreux. Les spectateurs peuvent d'ores et déjà trinquer - avec modération - au nouveau bar, le plus long de France : il aligne 48 tireuses à bière !
Avant de les rejoindre, les entreprises, réunies autour du mandataire GTM Hallé, d'Urban Dumez (deux filiales du groupe Vinci Construction) et de Demathieu Bard Construction, devront avoir avalé le plat de résistance : la restructuration et l'extension en partie haute de la tribune sud, l'espace des officiels qui abrite loges et salons VIP. Sa surélévation apportera les 6 000 places supplémentaires attendues.
Depuis le 11 mars et pour quelques semaines encore, l'opération atteint son point culminant, au sens propre comme au figuré. La charpente métallique qui supportera les 8 500 m2 de toiture est en passe d'être mise en place à 40 m de hauteur. Cette phase cruciale des travaux requiert l'utilisation d'une grue de 650 t, dont la flèche pointe à 110 m, de façon à manutentionner les éléments qui totaliseront 1 500 t.
L'exiguïté de la zone, cernée par un quartier urbain dense, et l'impossibilité d'installer des moyens de levage en bord de pelouse ont amené le charpentier métallique, Blocotelha, à aménager une zone de montage à l'arrière de la tribune concernée. Les éléments préfabriqués y sont assemblés mécaniquement au sol, pour former 28 modules de 30 à 75 t chacun. Le plus important occupe une surface de 800 m² ! Chacun d'eux est ensuite hissé à la grue, puis intégré à la structure, en l'air, sans aucun étaiement provisoire. Tout repose donc sur le travail des compagnons installés dans une nacelle araignée de 54 m de portée. Cette dernière est posée sur les rails d'une passerelle à galets implantée au milieu des gradins.
Plus de 1 000 t d'efforts de traction. Le principal défi en matière de gestion des charges a consisté à prévoir les dispositifs de redressement du porte-à-faux de 55 m de la charpente. Celui-ci est maintenu par une trentaine de tirants obliques en acier renforcés par des câbles précontraints. Leurs efforts de traction sont eux-mêmes repris par des poteaux. « La reprise de ces 1 000 t au faîtage de la charpente a nécessité d'ancrer les tirants dans des pieux qui descendent à 25 m de profondeur », décrit Matthieu Luttmann, directeur de projet chez Urban Dumez.
L'intérieur de la tribune sud connaît également des remaniements profonds. Dans sa partie inférieure, jusqu'au quatrième étage abritant les espaces VIP, un atrium est aménagé. Il sera accessible via un parc voisin, ce qui contribuera à l'insertion urbaine et paysagère de l'équipement dans son quartier, tout comme la création d'une « fan zone » de 5 000 places.
L'aménagement de cet atrium implique la reprise de crémaillères par des voiles béton épais de 70 cm. Différentes reprises en sous-œuvre se sont également avérées nécessaires pour assainir la structure et reconfigurer les espaces sportifs : vestiaires, salle d'échauffement, salle de presse… De quoi permettre au Racing, actuellement dans le haut de tableau de la Ligue 1, d'écrire une nouvelle page de sa déjà longue histoire.





Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Eurométropole de Strasbourg.
Maîtrise d'œuvre : Populous (architecte mandataire), Rey + de Crécy (architecte associé). BET : OTE Ingénierie (structure, fluides, électricité, VRD, SSI), Maffeis (enveloppe), C2bi (économiste et OPC).
Entreprises : groupement formé de GTM Hallé (mandataire), Urban Dumez et Demathieu Bard Construction (gros œuvre et génie civil), Blocotelha (cotraitant charpente métallique), Lingenheld Travaux spéciaux (cotraitant démolitions).
Calendrier : de l'été 2023 à l'été 2026.
Budget : 160 M€ HT cofinancés par l'Eurométropole, la région Grand Est, la Ville de Strasbourg, la collectivité européenne d'Alsace et le Racing Club.
Réemploi : de l'avion à la tribune
L'Eurométropole de Strasbourg, maître d'ouvrage, voulait que le populaire stade de la Meinau soit associé dans les esprits au réemploi. Objectif atteint puisque ce sont des éléments de fuselage d'avions en fin de vie qui formeront les brise-soleil de la tribune sud. L'idée a jailli dans la tête de l'agence mandataire Populous. Ainsi, à partir de ce printemps, Blocotelha, le charpentier métallique, va s'atteler au travail inédit de découpe des fuselages de 25 anciens Airbus A340, gourmands en kérosène. Au préalable, les autres parties des appareils ont été démantelées par un sous-traitant. L'opération permettra de disposer de 196 pièces de 6,50 m de haut et 2,50 m de large à poser sur la façade de la tribune.
La destination de brise-soleil d'éléments issus du réemploi posait très peu de problèmes réglementaires. D'où le choix de réutiliser les fuselages pour cette fonction plutôt qu'en structure ou pour assurer l'étanchéité. Le seul point de vigilance concerne la dilatation de l'aluminium, les pièces pouvant prendre 15 à 20 mm sous l'effet de la chaleur. Pour tenir compte de ce phénomène, les ex-fuselages ne sont accrochés qu'en partie haute afin de laisser la partie basse libre et sans contrainte.