Il existe déjà beaucoup de livres qui parlent de l’histoire des ponts. Pourquoi en écrire un nouveau ?
Pascal Lobgeois : Beaucoup de ces ouvrages témoins de cet état de l’art se cantonnent à une période bien définie. Aucun n’offre une synthèse sur 20 siècles de l’histoire de notre pays, de l’époque gallo-romaine à nos jours.
J’ai voulu retracer cette expérience passée et montrer que dans chaque pont, il y a une histoire cachée. La petite histoire, qui relève bien souvent de l’anecdote, participe souvent à façonner les grands événements. Ce sont finalement ces expériences acquises au fil des siècles qui font que nous avons acquis un tel niveau de connaissances aujourd’hui sur les ouvrages d'art.
Dans le livre, vous multipliez les récits mettant en scène des individus. Que ce soit à propos de l’entrevue de Mansart avec le roi Louis XIV, des déboires de la dynastie des Capitouls face à l’interminable construction du pont-neuf à Toulouse, ou encore sur la traversée de la Seine d’Henri IV et de Marie de Médicis… est-ce une façon de rendre plus ludique un sujet d’apparence sérieux ?
P. L : L’anecdote historique est en effet un excellent moyen de raconter des faits plus sérieux. Celle d’Henri IV et de Marie de Médicis en train de traverser la Seine par barque, qui tombent à l’eau avec leur personnel et leur calèche est en ce sens assez remarquable. Suite à ce chavirage, le roi décide de construire à un pont afin de traverser le fleuve sans encombre.
Un ouvrage en bois verra le jour sous la direction de l’ingénieur-entrepreneur Christophe Marie, celui-là même qui a donné son nom au pont Marie à Paris, sur l’Ile-Saint-Louis. Cette construction sera ensuite remplacée en 1774 par le fameux pont de Neuilly construit par Jean-Rodolphe Perronet, qui sera le premier pont moderne à arc surbaissé. Pour la première fois, les ingénieurs construiront un ouvrage d'art avec des piles avec un gabarit optimisé. C’est un véritable jalon technique qui sera alors franchit.
Au-delà de la performance technique des ingénieurs, il y a souvent à l'origine une anecdote d'où l'innovation a germé.
De nombreuses photos accompagnent les textes, conférant à cet ouvrage une apparence semblable à celle des livres d’art. Etait-ce l’effet recherché ?
P. L : Plus de 300 photographies agrémentent l’ouvrage. Elles ont été prises par une photographe, Marie-Louise Bernard, qui a sillonné pendant trois ans les routes de France. C’est un énorme investissement professionnel et personnel de sa part, et je luis suis redevable.
Nous avons effectivement essayé de conférer une dimension esthétique à ce livre. J’ai parfois essayé de le faire à travers les mots, étant moi-même parfois touché par la beauté de certains ouvrages qui me procurent une certaine émotion, mais je n’y suis parvenu qu’en partie.
Votre livre est préfacé par deux pointures de la profession. L'un est architecte (Rudy Ricciotti) et l'autre ingénieur (Michel Virlogeux). Pourquoi avoir choisi deux préfaces au lieu d’une ?
P. L : Ce choix est volontaire, car je voulais à la fois le regard de l’ingénieur et de l’architecte. En effet, pour qu’un pont atteigne le statut « d’ouvrage d’art », il faut bien souvent que ces deux métiers travaillent de concert.
Il était impensable pour moi de donner la parole à l’un et pas à l’autre.
« La France, d’un pont à l’autre »
Editions du Signe
336 pages ; prix : 30 euros