Produire 100 logements d'urgence déplaçables à Nantes (Loire-Atlantique). C'est à cette commande peu ordinaire qu'a répondu le spécialiste de la construction modulaire et hors site Avelis, aux côtés de l'agence Moon Architectures. Soixante-quinze modules autostables en ossature bois, comprenant l'ensemble des chambres ainsi que les parties communes, ont parcouru 500 km sur autant de camions, depuis le site de production situé à Torcy (Saône-et-Loire). Ils ont ensuite été assemblés sur un exosquelette en acier de trois niveaux au rythme de six modules par jour.
Désormais, les compagnons s'attellent aux 15 % de travaux de finitions intérieures qu'il reste à réaliser ainsi qu'à la mise en œuvre du bardage préfabriqué pour livrer le bâtiment à l'association Aurore cette fin d'année.
Qualité constructive. Exemplaire, le projet a obtenu la certification QB 53 modulaire du CSTB, attestant de sa qualité constructive. « Son indice carbone (Ic) construction s'élève à 654 kg éq. CO2/m2, ce qui lui permet d'atteindre le seuil 2025 de la RE 2020 pour le logement collectif », précise Jean-Jacques Korosec, directeur du développement chez Avelis. A l'avenir, celui de 2028 (580 kg éq. CO2/m2) sera atteignable à condition de recourir à des matériaux disposant de fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) performantes. « Par exemple, l'emploi d'acier bas carbone suffira à rendre le bâtiment conforme à ce niveau. Une attention particulière pourra aussi être portée à l'impact carbone des lots façades et cloisons, qui représentent ici 29 % de l'Ic, soit plus que la superstructure qui pèse 24 % des émissions de CO2 », indique-t-il, preuves à l'appui.
Ce chantier a en effet fait l'objet d'une étude d'impact environnemental particulière (lire ci-dessous). « Pour assurer l'objectivité de l'exercice, nous avons utilisé les méthodes de calcul de la RE 2020 et les FDES. Malheureusement, nous avons dû utiliser beaucoup trop de données environnementales par défaut (DED), dont les valeurs sont loin de la réalité », souligne l'architecte François-Gabriel Perraudin, fondateur de BIMfox, en charge de la coordination de l'étude. Pour le calcul de l'impact carbone, la laine de roche initialement prescrite a notamment dû être remplacée par de la laine de verre uniquement parce que la FDES sur les isolants en 5 cm d'épaisseur n'existe pas. Sur les menuiseries intérieures, la fiche indique une consommation d'eau délirante - avec 600 m3 pour leur fabrication - alors qu'elle n'est, en réalité, que de 6 m3. « Des efforts restent à fournir pour que les données soient fiables. C'est d'autant plus important que le seul moyen de réduire les émissions de CO d'un projet est de choisir les matériaux en fonction de leur impact, donc à partir des données de leurs FDES », appuie l'expert.
Prévoir le démontage. Un autre moyen de baisser l'empreinte carbone consiste à allonger la durée de vie de l'ouvrage. Ici, le bâtiment est posé sur des pieux vissés, ce qui autorise à la fois démontage et réemploi, conformément au cahier des charges. Pour autant, ces deux aspects restent le plus souvent d'ordre théorique. Jean-Jacques Korosec ne connaît qu'une seule opération où le démontage a effectivement eu lieu : « Il s'agit d'une unité de logements d'un hôpital lyonnais démontée par Arbonis fin juin. » Pour aller plus loin en la matière, Avelis focalise sa R & D sur les réseaux CVC, qui constituent un point de blocage important aussi bien lors de la construction que pour de futurs déplacements d'un bâtiment. La société a ainsi répondu à un appel d'offres afin de déplacer un ensemble modulaire et acquérir une expérience solide en la matière.
L'opération nantaise gagne le match environnemental
Avec ses 828 t, la construction modulaire de 100 logements en R + 2 édifiée à Nantes pèse quatre fois moins que son équivalent en béton coulé en place. C'est l'un des principaux enseignements de l'étude comparative publiée en juin par le syndicat des Acteurs de la construction industrialisée et modulaire (Acim). Selon ce document, l'Ic Construction du bâtiment modulaire est plus performant de 8,5 % que son jumeau en construction classique simulée numériquement. L'impact carbone global est réduit de 5,7 %. La construction réalisée par le spécialiste du hors-site Avelis recourt aussi trois fois moins aux transports (main-d'œuvre, camions, véhicules exceptionnels).
Enfin, 34 % de déchets sont évités sur l'ensemble du cycle de vie. Ces analyses ont été menées par deux bureaux d'études indépendants, Ceteam et Tribu Energie. « A partir du modèle numérique, d'un planning de chantier théorique, d'une quantité de matériaux et d'une estimation de la main-d'œuvre, ils ont pu livrer des données chiffrées utiles », constate François-Gabriel Perraudin, architecte-fondateur de BIMfox, en charge de la coordination de l'étude. Disponible en open source, celle-ci doit permettre de faire progresser l'ensemble de la filière en lui donnant accès à toutes les données et à la méthodologie.
Information technique
Maîtrise d'ouvrage : Atlantique Habitations, Hors Site Conseil (AMO). Partenaires privés et publics : Métropole de Nantes, préfecture de la région des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique, Banque des territoires, Action Logement.
Maîtrise d'œuvre : Moon Architectures (architecte), Landscape-U-Need (paysagiste). BET : Sobretec (TCE), NRGYS (thermique et fluides), L'Acoustique Appliquée, Ageis (VRD).
Entreprise principale : Avelis. Bureau de contrôle : Socotec.
Surface : 2 300 m2 S P.
Poids carbone : Ic Construction 654 kg éq. CO2/m2.
Livraison : fin 2024.
Montant des travaux : 5,2 M€ HT.