Certes, la menuiserie métallique est utile à la fabrication d'un vélo. Mais la route qui sépare la petite reine de l'activité de l'entreprise Guilleminot de Vincent Mathieu est longue. Elle a même été sinueuse. C'est en 2008 que le destin de l'entrepreneur a rencontré celui de la PME. Trois ans auparavant, il avait décidé de tourner la page d'une riche carrière de dix-huit ans dans l'industrie du cycle. D'abord chez Peugeot Cycles, au bureau d'études, puis dans la filiale japonaise, ensuite en Suède chez Cycleurope, le fabricant repreneur de l'activité vélos de la marque française.
Lassitude. Des postes à haute responsabilité ont fait rayonner Vincent Mathieu dans toute l'Asie du Sud-Est, l'ont frotté à l'exercice de la constitution de joint-ventures en Chine, lui ont donné la haute main sur les achats de pièces dans le monde entier… Puis est venu le tournant, en 2005, à 41 ans. « J'ai connu de gros soucis de santé, probablement liés à mon rythme de travail trépidant. J'ai commencé à ressentir aussi la lassitude de l'appartenance à un groupe, familial certes, mais qui changeait de génération, avec une approche quelque peu différente. Bref, j'ai eu le sentiment que c'était le moment de passer à autre chose », relate-t-il.
La tentation de « buller » le gagne. Mais elle quitte très vite ce boulimique d'activité : « Si je ne fais pas plusieurs choses à la fois, je m'ennuie. » Il se met en quête d'entreprises à racheter. Par l'intermédiaire d'un expert-comptable, sa boussole finit par vibrer aux portes de Guilleminot, PME familiale de métallerie-serrurerie et menuiserie aluminium que le représentant de la troisième génération ne souhaite pas reprendre. L'affaire de 26 salariés est située en périphérie de Troyes, dans l'Aube. Pas tout à fait une coïncidence pour Vincent Mathieu, ce département étant celui d'origine de son épouse, et lui-même ayant accompli là un bout de carrière, à Romilly-sur-Seine.
« Je me suis transformé en conseiller de jeunes dirigeants pour les aider à franchir le cap de la transmission de père à fils et à aller voir ailleurs quelques années avant de prendre les rênes. » Vincent Mathieu, dirigeant de Guilleminot
L'entrée dans le monde du bâtiment, en revanche, relève du hasard le plus complet, au contraire de l'industrie du vélo que ciblait en priorité à sa sortie de BTS de mécanique le jeune diplômé, par ailleurs coureur cycliste de niveau pré-professionnel : « Je ne voulais pas passer pro, je n'aurais été qu'un porteur de bidon. » Il l'avoue sans ambages, le monde local du BTP a accueilli « avec quelque distance et scepticisme » l'arrivée de cet homme lesté des pratiques de gestion de l'industrie… et qui a rapidement cherché à secouer le cocotier. « Pas pour embêter les gens, mais j'ai perçu plusieurs fois le risque que courait telle entreprise locale du bâtiment à se refermer sur elle-même. Je me suis transformé en conseiller de jeunes dirigeants pour les aider à franchir le cap de la transmission de père à fils et à aller voir ailleurs quelques années avant de prendre les rênes », témoigne-t-il.
« Redonner ce qu'on a reçu ». Ce rôle, Vincent Mathieu le conçoit en application du principe qu'« il faut savoir redonner ce qu'on a reçu », dans son cas, les legs « d'un papa militaire dont les mutations nous ont fait bouger tous les cinq ans et nous ont donc appris à évoluer, et de quelques managers et patrons qui ont su me faire confiance ».
Et l'adoubement du BTP est venu. Le patron de Guilleminot - auquel il a ajouté la reprise de la métallerie auboise Beaugrand qu'il a transformée en magasin Monsieur Store - devient en effet trésorier de l'Union des métalliers en 2013 et président du cluster local Patrimoine bâti 4.0 qu'il a créé en 2018. Il dirige également le Medef de l'Aube depuis l'an dernier, comme si cela ne suffisait pas… Mais c'est bien connu dans le vélo : si tu fais du surplace, tu tombes.