Au cœur de Paris (VIe), dans le quartier Latin, le lycée Fénelon présentait depuis plusieurs années des désordres structuraux, comme en témoignent les fissures visibles sur l’ensemble du bâtiment.
Vieux de plus de 200 ans, il abritait au XVIIIe siècle un hôtel particulier avant d’héberger le lycée et d’être agrandi en plusieurs étapes au cours des siècles suivants.
Le dernier aménagement significatif a consisté en 1993 à construire un gymnase enterré à 8 m de profondeur sous la cour de sport. La Seine étant à 200 m de là, il a fallu pomper les eaux en continu pour éviter les infiltrations. Malgré ces précautions, l’écoulement des eaux vers le fleuve a tout de même entrainé les fines du sol jusqu’à provoquer des tassements de terrain. Une inondation du gymnase a achevé de fragiliser l’ouvrage car les infiltrations ont généré d’importantes fissures.
Investigations en sous-sol
Face à l’urgence des mesures de sauvegarde de ce patrimoine, la société d’ingénierie Arcadis a été missionnée dès l’été 2021 pour concevoir et superviser les travaux de renforcement de la structure. « Les données existantes étant insuffisantes à la compréhension du sol, nous avons entrepris des travaux préparatoires pendant la phase des études. Il s’agissait pour nous de disposer d’une excellente connaissance du lieu et d’établir un cahier des charges précis afin de minimiser les aléas durant les travaux de renforcement et de tenir les délais imposés par le calendrier scolaire », explique Youssef Jaradeh, directeur technique chez d’Arcadis. Outre les sondages du sol, le terrain a été préparé en enlevant les réseaux et autres ouvrages non répertoriés susceptibles d’impacter le chantier.
Couples de micropieux
Les travaux de consolidation de l’édifice ont, eux, démarré au début de l’année 2022. Les ouvriers ont dû faire face à de grosses difficultés d’accès qui se sont donc imposées aux techniques à mettre en œuvre. Ainsi, le renforcement des fondations de la cour intérieur par micropieux a nécessité d’opérer avec de petites machines de forages, capables d’évoluer dans seulement 2,30 m de large, sous les arbres et l’auvent historique en fonte.
« Il a tout d’abord fallu réaliser par passe une tranchée blindée le long des façades en pierres anciennes, sur près de 120 mètres linéaires », raconte Youssef Jaradeh. Dessus, une semelle filante en forme de U a été réalisée en béton armé. Rendue solidaire aux soubassements de la façade, elle transmet ainsi par effet de console leurs charges à la première rangée de micropieux, fondés le long de l’édifice, qui travaillent en compression. Ces forces soulèvent l’autre rangée de micropieux, installés le long des poteaux de l’auvent, qui fonctionnent alors en traction.« Nous avons donc joué sur un couple de micropieux, l’un comprimé et l’autre tendu, pour stabiliser le tout », résume le directeur technique.
La semelle de cette tranchée a de surcroît été fondée suffisamment profondément pour remplacer les réseaux enterrés, déviés lors des travaux, et les appuyer sur ces nouvelles fondations solidement ancrées. Le terrain a ensuite été remblayé avec 270 m3 des 500 m3 de gravats préalablement excavés.
Poutres en sous œuvre
Une fois les murs extérieurs stabilisés, les équipes pouvaient renforcer les structures internes depuis les sous-sols. Or, là aussi l’accès était limité, car les étroits couloirs et escaliers ne permettaient pas de descendre des engins. Difficulté supplémentaire, le lycée comporte des galeries souterraines, qui ont servi de refuge pendant la Seconde Guerre Mondiale, et présentent donc une forte valeur patrimoniale. La maîtrise d’œuvre a donc opté pour des techniques manuelles de renforcement : « Les ouvriers ont créé au moyen de petits équipements des fondations linéaires. Ils ont creusé sous chaque mur par tranche de 1,50 m de long. Ils coulaient ensuite une poutre de la même longueur avant de passer au tronçon suivant.
Les poutres ont ensuite été liaisonnées entre elles, et cela sur 80 m de long au total. Ils pouvaient répéter l’opération pour descendre jusqu’à 3 m de profondeur, soit juste au-dessus du niveau de la nappe », détaille Youssef Jaradeh. Une fois l’ensemble des fondations stabilisées, les voûtes intérieures ont été renforcées par de nouveaux arcs cintrés en béton.
Ce n’est qu’à l’issue de l’ensemble de ces reprises en sous-œuvre que la structure elle-même pouvait être traitée. Toutes les fissures ont alors pu être réparées par injection, y compris dans les étages.
L’escalier monumental emblématique du lycée, qui lui était étayé et condamné, a été renforcé au moyen de poutres métalliques fixées dans le mur à ossature bois et plâtre, avant d’être floqué et staffé.
Désormais des capteurs installés au droit des principales fissures mesurent l’évolution des tassements. Ils vont permettre d’évaluer la qualité des renforcements et leur efficacité. Si les résultats sont toujours probants après une année, la porte d’entrée de l'escalier principal pourra, à son tour, être réparée.
Maîtrise d’ouvrage : Région Ile-de-France (propriétaire des bâtiments du lycée Fénelon), Ile-de-France Construction Durable (MOA délégué)
Maîtrise d’œuvre : Arcadis (BET structure, TCE et VRD - mandataire), MFI Architectes (architecte du patrimoine), CSTB (conseils diagnostics géotechniques), Géotechnique Appliquée Ile de France (géotechnique),
Entreprises principales : Balas (lots TCE et VRD), Spirale (gros œuvre), Chanin BTP (fondations profondes)
Bureau de contrôle : Veritas
Budget total pour la préservation du lycée : 12,4 millions d’euros dont 4,50 pour les travaux de renforcement