Centre culturel Jean-Marie Tjibaou à Nouméa L'invention d'un lieu

Matérialiser le symbole fort de la civilisation kanake voulu par le président Mitterrand, dans la foulée des événements d'Ouvéa, constituait un exercice d'architecture hautement périlleux. La réponse sensible de Renzo Piano et de son équipe force d'autant plus l'admiration. Elle repose sur une dialectique subtile entre le site, l'essence d'une civilisation, et des recherches structurelles et climatiques avancées. Le lauréat du Pritzker 1998 s'y montre dans la plénitude de son métier d'architecte, à la fois passeur de mémoire et créateur d'avenir.

Au nord-est de Nouméa, le terrain de 8 ha entre lagune et lagon, exposé aux alizés, fait partie intégrante du projet. La façon dont il est traité et investi par les constructions, égrenées sur la ligne de crête, s'inscrit dans la tradition mélanésienne de symbiose avec la nature. Accessible par un parcours piétonnier, le centre est organisé en trois « villages » reliés par une rue couverte. Le premier est consacré aux expositions, le second à l'administration, le troisième aux activités liées au centre. La forme des dix cabanes qui composent les villages transfigure, sans la plagier, l'architecture des cases traditionnelles. C'est une double coque en bois plus ou moins ventrue selon les hauteurs (jusqu'à 28 m) dont la forme aérodynamique et découpée est conçue pour affronter les vents cycloniques qui peuvent atteindre 240 km/h. La structure, en lamellé-collé d'iroko (une première) est entretoisée par des buttons métalliques, et les barres de contreventement sont encastrées par l'intermédiaire de pièces d'acier dans les membrures de lamellé-collé. Les parois en ventelles d'iroko, plus ou moins ajourées, s'intègrent dans un dispositif de rafraîchissement passif très sophistiqué. Les pans obliques des doubles toitures ventilées sont tantôt en verre, tantôt opaques selon les fonctions des cases. Sur le versant abrité, une rue couverte de 210 m de long les relie entre elles et aux volumes bas qui, en vis-à-vis de chaque « village », abritent les services : auditorium de 400 places, bureaux, bibliothèque, salles de réunion et d'enseignement, ... Les éléments constructifs, mêmes poteaux lamellé-collé d'iroko et doubles toitures ventilées, sont mis en oeuvre simplement. Le paysage de la presqu'île, organisé autour d'un « chemin kanak » qui en fait le tour, enchaîne les scènes végétales de la flore et de l'habitat mélanésien : forêt, mangrove, savane arbustive ou cultivée. Sur la crête, une ligne de pins colonnaires, variété d'araucaria propre à la Nouvelle-Calédonie, souligne l'élan des cases.

FICHE TECHNIQUE

Maîtrise d'ouvrage : Agence pour le développement de la culture canaque, Mission interministérielle des grands travaux, Secal.

Maîtrise d'oeuvre : Renzo Piano Building Workshop, architectes, avec Paul Vincent, architecte associé, Dominique Rat, architecte, W. Vassal, A. Chaaya, C. Jackman, A.H. Temenides, architectes assistants . Consultants : Alban Bensa, ethnologue ; GEC Ingénierie, économiste CET ; Ove Arup/Agibat/CSTB, structures et climatologie ; Végétude, paysage ; Peutz, acoustique ; Intégral, signalétique ; Scène, scénographie ; Qualiconsult, sécurité incendie.

Surface : 7 650 m2 utiles ; terrain de 8 ha.

Coût : 200 millions de francs HT.

Entreprises : Glauser International, contractant général, gros oeuvre ; Parisot/Viry, charpentes bois et métal ; Cegelec, lots techniques ; Batex, couverture ; Seralu, façades.

PHOTOS :

1. Sur la presqu'île de Tina, entre lagune et lagon, les dix cases du centre s'étirent en ligne sur la crête.

2. Les cases tournent le dos aux vents de l'océan ; l'opacité variable des panneaux en lames d'iroko, que Renzo Piano assimile à des tissages, module l'air qui circule entre les deux parois.

3. Tout au long de la rue couverte de 210 m qui irrigue le centre, des volumes bas (accueil, salles de réunion, auditorium, services, etc.) complètent l'espace des cases. Ils sont également construits en lamellé d'iroko.

4. Détail des doubles membrures des cases, en lamellé-collé contreventé par des tiges d'acier. Cette structure complexe (lames d'iroko calepinées, boîtes de liaison en acier moulé encastrées dans le bois) a été étudiée par les ingénieurs d'Agibat.

5. La structure intérieure des cases, tramée sur 0,90 m, permet d'accueillir vitrages fixes ou nacos, bois plein ou perforé, mobilier.

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