Fiche pratique

Ce que prévoit la circulaire de Matignon sur les surcoûts pour les marchés de l’Etat

Le Premier ministre a donné ses instructions aux acheteurs de l’Etat le 9 juin sur le mode opératoire pour prendre en charge, en tout ou partie, les surcoûts induits sur les chantiers par l’épidémie du coronavirus et les mesures barrières.

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L’Etat se veut exemplaire pour aider les entreprises de la construction à traverser la crise sans y laisser toutes leurs plumes. Comme annoncé dans le cadre du plan de soutien au BTP dévoilé le 10 juin, Matignon a adressé aux services étatiques une circulaire datée du 9 juin visant à clarifier les dispositions à adopter en matière de prise en charge, par la maîtrise d'ouvrage, d'une partie des surcoûts directement induits par cet événement exceptionnel et par le respect des préconisations du guide OPPBTP sur les chantiers. Voici les grands principes de ce dispositif d’accompagnement plus incitatif que contraignant… (et qui laisse les entreprises de TP plus que sur leur faim).

Champ d’application

Les instructions données concernent uniquement les marchés publics (et pas les concessions) de travaux publics ou de bâtiment conduits sous maîtrise d’ouvrage de l’Etat.

Par ailleurs, seuls les services de l’Etat sont directement concernés, mais le texte leur propose d’inviter les opérateurs de l’Etat sous leur tutelle « à suivre les mêmes recommandations, dans le respect de leur autonomie ».

Enfin, ces règles s’appliquent sauf stipulations particulières au sein par exemple des CCAP des marchés concernés.

Principe général

Le texte ne pose pas d’obligation absolue de prise en charge des surcoûts : tout repose sur la négociation, et sur le devoir d’exemplarité. Au moment de la reprise des chantiers ou après, les maîtres d’ouvrage doivent « mettre en place un dispositif formalisé de concertation en vue d'évaluer, avec les entreprises, les surcoûts de différentes natures induits par la pandémie Covid ». Mais attention, précise le Premier ministre, « il ne s'agit en revanche pas de rouvrir des discussions pour les chantiers ayant repris pour lesquels des accords ont déjà été trouvés ».

En cas de difficultés pour les parties à se mettre d’accord, la Médiation des entreprises ou, si l’urgence est moindre, les comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges (CCRA), pourront donner un coup de main.

Et, pour le futur, les acheteurs devront prendre en compte la reprise de l’épidémie ou une nouvelle épidémie en bâtissant leurs nouveaux appels d’offres.

Types de surcoûts et prise en charge

•    Surcoûts directs liés à la période d’interruption

Outre l’application des mesures de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars pour prolonger le délai d’exécution contractuel et renoncer aux pénalités pour les retards résultant du confinement, les acheteurs de l’Etat doivent « faire chiffrer les coûts directs d'interruption correspondant aux mesures de mise en sécurité du chantier, de démobilisation des matériels, de gardiennage et de maintien en condition ayant permis une reprise rapide du chantier, dès lors qu'elles sont raisonnables et justifiées ». Ne pourront être indemnisés en revanche les coûts liés à des dommages résultant des « négligences ou défaillances des entreprises » dans la mise en sommeil des chantiers.

La prise en charge totale ou partielle de ces coûts, si elle est décidée, devra alors se faire « rapidement » après la reprise du chantier. Un accord devra être formalisé, par le biais d’un avenant par exemple. Lequel devra acter qu’en contrepartie, les constructeurs assument les surcoûts indirects tels que les « immobilisations du matériel, les frais de personnels non déjà pris en charge en partie par l'Etat au titre du chômage partiel, les frais généraux, la marge, la perte de chiffre d'affaires, et tout autre surcoût indirect ». Et renoncent «  à toute indemnité pour les coûts d'études et de conduite d'opération en vue de la préparation de la reprise du chantier ».

•  Surcoûts liés aux préconisations du guide OPPBTP

La prise en charge des nouvelles modalités d’exécution des chantiers repose, elle aussi, sur une concertation entre les parties. Celles-ci devront, précise Matignon, s’efforcer de « limiter les impacts financiers et de calendrier » générés, et même de les compenser si possible par des mesures d’organisation ou d’économie indolores pour la sécurité des travailleurs et la qualité de l’ouvrage.

Dans le détail, les services de l’Etat pourront tout d’abord assumer tout ou partie des coûts des mesures sanitaires nécessaires (équipements de protection, nettoyage, modalités d'acheminement voire d'hébergement des personnels…) en commandant des prestations supplémentaires ou en modifiant celles initialement convenues au motif de « circonstances imprévues », via des avenants. La circulaire précise que cela exclut les variations de prix déjà absorbées par les clauses de révision.

Plus délicate est la question des pertes de rendement et surcoûts indirects résultant notamment de la coactivité sur les chantiers. Pas d’urgence, estime Matignon, à régler dès maintenant la question de leur prise en charge, car le chiffrage a priori est délicat et la situation est évolutive – la productivité pouvant s’améliorer au fil du temps. Les acheteurs sont donc invités simplement dans l’immédiat à rester vigilants pour que les entreprises « fassent leurs meilleurs efforts pour tracer et réduire progressivement ces surcoûts sans porter atteinte à la sécurité sanitaire du chantier » ; et, le cas échéant, à remanier les calendriers d’exécution des marchés après négociation avec les titulaires.

Là encore, un avenant ou un protocole transactionnel devra acter les décisions prises sur le calendrier et éventuellement la prise en charge des surcoûts. Mais la circulaire n’exclut pas que ces conditions particulières de reprise des chantiers conduisent à une suspension du chantier si les surcoûts s’avèrent excessifs, voire à une issue fatale, la résiliation du marché.

Autres mesures

Enfin, au-delà de la stricte question des surcoûts, le texte incite les services étatiques à préserver la trésorerie de leurs cocontractants. « En dehors des chantiers hors normes (plus de 100 millions d'euros), vous accueillerez favorablement le versement d'avances forfaitaires majorées mais avec des dispositifs garantissant et démontrant le ruissellement [sic !] de ces avances, au prorata de leur participation au chantier, auprès de l'ensemble des sous-traitants ».

Pour consulter la circulaire n° 6177/SG du 9 juin 2020, cliquer ici

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