Que ce fut compliqué pour Bruno Le Maire. Le projet de loi Pacte, porté par le ministre de l’Économie et des Finances, est enfin arrivé au bout de son parcours parlementaire. Après l’échec de la commission mixte paritaire – qui a notamment achoppée sur la question de la privatisation d’ADP -, il a été définitivement adopté le 11 avril par l’Assemblée nationale. Soit plus de dix mois après sa présentation officielle, et alors que la procédure accélérée était engagée. En attendant la - très probable - saisine du Conseil constitutionnel, retour sur les mesures phares intéressant le secteur du BTP.
La fin des ordres de service à zéro euro
C’est désormais officiel. La loi Pacte prévoit que « les prestations supplémentaires ou modificatives demandées par l’acheteur au titulaire d’un marché public de travaux qui sont nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage et ont une incidence financière sur le marché public font l’objet d’une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat ».
Autrement dit, cette disposition marque la fin de la pratique - fortement contestée par les fédérations professionnelles du BTP - des ordres de service à zéro euro dans les marchés publics de travaux.
Promotion de l’affacturage inversé collaboratif
Autre mesure intéressant directement les acteurs de la commande publique : la loi fait la promotion de l’affacturage inversé collaboratif. Pour mémoire, ce dispositif permet, à l’initiative du client public, de faire payer de façon anticipée les factures des entreprises par un tiers (généralement un établissement bancaire), charge au client ensuite de rembourser le tiers. L’objectif étant de réduire les délais de paiement et de sécuriser la trésorerie des entreprises, notamment celle des PME. En outre, le II de l’article concerné précise que « la mise en œuvre de [l’affacturage inversé] ne fait pas obstacle aux contrôles que les comptables publics exercent conformément aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la gestion budgétaire et comptable publique. »
A noter que ce genre de pratique a déjà fait ses preuves dans le secteur public, comme par exemple au CHU de Créteil.
Transposition de la directive sur la facturation électronique
L’article 63 modifie le Code de la commande publique – en vigueur depuis le 1er avril - pour procéder à la transposition de la directive 2014/55/UE relative à la facturation électronique. Initialement, le projet déposé par le gouvernement proposait d’habiliter ce dernier à prendre par ordonnance les mesures législatives afin de transposer la directive. Les parlementaires ont préféré garder la main sur ce dossier.
Dans les grandes lignes, cette transposition prévoit notamment : de soumettre la totalité des acheteurs publics à l'obligation d'accepter les factures électroniques établies selon la norme européenne ; d'insérer une dérogation au bénéfice des marchés de défense et de sécurité ; et enfin de prévoir explicitement que les factures électroniques contiennent les éléments essentiels imposés par la directive et définis règlementairement, à compter d'une date d'entrée en vigueur différée.
Confirmation de la réorganisation des chambres de métiers et de l’artisanat
Introduit par un amendement des députés lors de la première lecture, un article de la loi généralise l’organisation administrative du réseau des chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) autour d’un établissement unique régional. Il indique en particulier que « la chambre de métiers et de l’artisanat de région est constituée d’autant de chambres de niveau départemental que de départements dans la région. Les chambres de niveau départemental agissent notamment sur délégation de la chambre de métiers et de l’artisanat de région grâce à un budget d’initiative locale afin d’assurer une offre de services de proximité dans chacun des départements, adaptée aux besoins et particularités des territoires et des bassins économiques. »
Le texte précise, par ailleurs, les conditions transitoires de fonctionnement des chambres de métiers et de l’artisanat entre le 1er janvier 2021 et jusqu’au plus prochain renouvellement général intervenant au plus tard le 31 décembre 2021.
Fin de l’obligation du stage de préparation à l’installation pour les artisans
Les sénateurs n’auront pas réussi à faire plier les députés sur la question du stage de préparation à l’installation (SPI) des artisans. Ils voulaient alléger certaines contraintes du dispositif actuel ; mais finalement, la loi supprime l’obligation de suivre ce stage pour les futurs artisans. L’Assemblée nationale avait préalablement adopté un amendement rédactionnel précisant l'obligation qui impose aux CCI et aux CMA de continuer à proposer des stages d'initiation à la gestion aux professionnels qui en font la demande.
Extension du périmètre de l’autoconsommation confirmée
La loi Pacte élargit le périmètre des opérations d’autoconsommation collective, selon des critères de proximité géographique fixés par voie réglementaire, sur le réseau basse tension (voir décryptage « Autoconsommation collective », "Le Moniteur" n° 6026 du 19 avril 2019). Jusqu'à présent, la réglementation imposait aux producteurs et consommateurs liés entre eux d’être situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité. Avec cette mesure très attendue chez les professionnels du solaire, le gouvernement espère ouvrir ces opérations au plus grand nombre de personnes et accélérer le développement de ce marché encore balbutiant dans l’Hexagone (dix opérations ont vu le jour depuis deux ans).
La simplification des seuils d’effectif adoptée
C’est une des mesures phares du projet de loi Pacte : la simplification des seuils d’effectifs imposant de nouvelles obligations sociales et fiscales pour les entreprises. Dorénavant, ils sont au nombre de trois : 11, 50 et 250 salariés.En outre, une nouvelle méthode de calcul est instaurée. Il faut que l’entreprise dépasse un seuil pendant cinq années consécutives pour se voir appliquer les nouvelles obligations. Ainsi, si une entreprise du BTP, à la suite d’une commande, voit son effectif passer de 47 à 52 salariés, et qu’après trois ans, elle redescend à 47, elle n’aura aucune obligation sociale ou fiscale supplémentaire.
Simplifications administratives pour les entreprises
Toujours dans un souci de simplification, le premier article de la loi Pacte crée un guichet unique pour faciliter les démarches que les entreprises sont tenues d’accomplir lors de leur création, de la modification de leur situation et de la cessation de leur activité.
Dans le même ordre d’idées, l’article 2 habilite le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions permettant la création d'un registre dématérialisé des entreprises ayant pour objet de centraliser et de diffuser les informations les concernant. L’objectif de cette mesure est de faciliter les démarches des entreprises, réduire les coûts et améliorer l’accès aux informations relatives à la vie des affaires. Il habilite également le gouvernement à simplifier les obligations déclaratives des entreprises et les modalités de contrôle des informations déclarées.
Le droit des sûretés va être réformé
La loi habilite le gouvernement à réformer, par voie d’ordonnance, le droit des sûretés. L’étude d’impact du projet de loi précise l’objectif de cette mesure : « Clarifier et améliorer la lisibilité du droit des sûretés, dans un souci de sécurité juridique et d’attractivité du droit français, et renforcer son efficacité, afin de faciliter le crédit et donc le financement de l’activité économique, tout en assurant l’équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants. »
Réseaux et infrastructures électriques intelligents
Aux termes de la loi Pacte, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ou les services de l’Etat peuvent « accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents. »
A noter que ces dérogations sont accordées pour une durée maximale de quatre ans et renouvelable une fois au plus pour la même durée et dans les mêmes conditions que la dérogation initiale. Autre condition : elles ne peuvent pas être octroyées si elles contreviennent au bon accomplissement des missions de service public des gestionnaires de réseau ou portent atteinte à la sécurité et à la sûreté des réseaux ou à la qualité de leur fonctionnement.