La concertation entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur le projet de réforme d’Action logement, qui devait s’achever fin avril selon Emmanuelle Wargon, la ministre en charge du Logement, se poursuit. De sources proches du dossier, les partenaires sociaux et les représentants des ministres en charge du Logement, et de l’Économie et des Comptes publics, devraient se réunir jeudi 6 mai 2021. Les partenaires sociaux attendraient que le gouvernement leur fasse, à cette occasion, un retour sur les propositions qu’ils lui ont remises il y a une quinzaine de jours. Ce document de 11 pages, qu’AEF info a pu consulter, est titré "Avenir d’Action Logement – Poursuite de la réforme de la gouvernance." Son troisième et dernier chapitre s’intitule "Vers une évolution du modèle économique de la Participation des employeurs à l'effort de construction (Peec)."
La trajectoire de cette contribution et l’efficacité de sa collecte figurent en effet parmi les quatre grands thèmes de la concertation engagée en mars. Dans ce document, organisations patronales et syndicales gestionnaires de l’ex 1 % Logement jugent "important de rappeler que les ressources de la Peec ne sont pas des fonds publics". Elles se redisent donc "opposé(e)s à [s]a budgétisation", c’est-à-dire à un éventuel transfert de sa collecte, aujourd’hui assurée par Action logement services, à l’Acoss ou à la Dgfip, car cela transformerait cette contribution obligatoire des entreprises "en prélèvement obligatoire", expliquent-elles : Action logement services doit au contraire voir son rôle de collecteur de la Peec et d’affectation de cette collecte "confirmé, en raison de sa maîtrise et de son expérience ancienne".
Une participation aux politiques publiques qui "doit rester minoritaire"
Jugeant également que la participation d’Action logement aux politiques publiques "doit rester minoritaire", les partenaires sociaux demeurent "opposés aux ponctions régulières opérées par l’État". Une allusion aux récents prélèvements de 500 millions d’euros et de 1 milliard d’euros respectivement prévus par les LFI 2020 et 2021. "Ces à-coups permanents ne peuvent constituer un chemin satisfaisant pour mener une politique du logement pérenne et efficace", argumente le document.
Action Logement devra ainsi continuer à "contractualiser" avec l’État ses apports financiers aux politiques publiques, afin de "s’assurer que les actions menées sont bien en rapport avec le besoin de logements liés aux emplois." Un "simple" fléchage des sommes concernées vers le Fonds national des aides à la pierre, comme c’est le cas dans le cadre des loi de finances 2020 et 2021, "ne suffirait pas à donner cette assurance", estiment ses gestionnaires. Dans cette perspective, suggèrent-ils, un "processus de dialogue" pourra être mis en place avec l’État, les partenaires sociaux, et la direction générale d’Action Logement en 2021, afin d’être inscrit dans la prochaine contractualisation quinquennale 2022-2027.
Définir un taux plancher de la PEEC
En revanche, les partenaires sociaux n’excluent pas de "s’interroger sur le taux de la Peec", actuellement fixé à 0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de 50 salariés. En effet, "en dépit d’une réduction dans le temps de l’assiette du 1 % logement, les recettes propres du groupe (Action logement) continuent d’augmenter", souligne le document, évoquant les loyers perçus sur son parc de logements locatifs, les remboursements de prêts consentis à des personnes morales et physiques, ainsi que les ventes d’actifs, "jusqu’à atteindre un montant égal aux ressources de la Peec."
Des recettes qu’Action logement "recycle dans sa capacité d’intervention accrue, et dans ses fonds propres en hausse constante", expliquent les partenaires sociaux. Pour ces derniers, "ce modèle de capitalisation progressive", basé sur les recettes propres du groupe et sur sa capacité à recourir à l’emprunt devrait lui permettre de "définir un taux plancher de la Peec, en deçà duquel son modèle économique (rapport entre les investissements programmés, les ressources disponibles et les recettes prévisionnelles) ne serait plus viable".
Indépendance juridique et opérationnelle d’Action logement
Mais toute réflexion sur le niveau de la contribution "doit intégrer des éléments de calendrier, pour ne pas mettre fin brutalement aux actions en cours en faveur du logement", au premier rang desquelles figure le NPNRU, qui a reçu en janvier un budget supplémentaire de deux milliards d’euros, préviennent les partenaires sociaux. Et, ajoutent-ils, "tout scenario relatif à la trajectoire de la Peec ne pourrait être calibré qu’en prenant en compte les éléments suivants" :
- Action Logement devra pouvoir continuer à financer ses actions en s’appuyant sur ses autres recettes propres et sur ses capacités d’emprunt ;
- le résultat annuel consolidé du groupe devra tendre vers l’équilibre, mais sans augmentation "excessive" de ses fonds propres ;
- l’État devra s’engager par la loi à arrêter définitivement les prélèvements sur la trésorerie du groupe ;
- Action Logement continuera à cofinancer certaines politiques publiques dans le cadre du conventionnement pluriannuel déjà en place avec l’État. À cet égard, "un travail interne, entre partenaires sociaux, devra être mené pour définir ce que l’on entend par politiques publiques", en considérant que "le fruit de la Peec ne constitue pas une recette propre de l’État" ;
- les engagements à décaisser sur le moyen et long terme devront être couverts par les réserves d’Action Logement.
Les partenaires sociaux réaffirment par ailleurs "leur volonté de maintenir l’indépendance juridique et opérationnelle du groupe Action logement dans toutes ses composantes." Le cas échéant, et sous réserve d’analyses juridiques et fiscales, en logeant le patrimoine d’ALI dans une structure de type fondation gouvernée par les partenaires sociaux.
Faire d’Action logement un "vrai groupe"
Les deux autres chapitres du document sont consacrés à l’organisation et à la gouvernance d’Action logement, également au menu de la concertation entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur la réforme du groupe paritaire. "Force est de constater que la situation actuelle présente des dysfonctionnements", reconnaissent les partenaires sociaux. Pour lesquels l’enjeu "principal" de la réforme est de faire d’Action logement un "vrai groupe". "Les velléités d’indépendance difficilement compréhensibles d’Action Logement Immobilier et d’Action Logement Services ont conduit, par effet de balancier, à un pilotage centralisateur d’Action Logement Groupe, ainsi qu’à une articulation problématique entre la tête du groupe et ses filiales", regrettent organisations syndicales et patronales.
La réorganisation d’Action logement doit reposer sur "quatre priorités stratégiques" :
- concentration du rôle d’ALG sur l’animation du groupe ;
- évolution d’une culture de "produit" vers une culture de service ;
- renforcement du lien avec les territoires, afin d’éviter "toute distorsion" entre les territoires, ainsi qu’une "distanciation" des liens entre les gouvernances locales (Entreprises sociales pour l'habitat et Cral/CTAL (comités régionaux et territoriaux) et la gouvernance nationale, mais également avec les élus locaux ;
- mise en place d’une véritable culture d’évaluation, en amont et en aval, au sein du groupe.
Quatre objectifs qui impliquent également "la poursuite de la trajectoire de réduction des frais de fonctionnement engagée", soulignent les partenaires sociaux.
Renforcer le paritarisme de gestion
Au chapitre de la gouvernance, le paritarisme de gestion "doit être renforcé et bénéficier d’une instance de débat stratégique adaptée", jugent les partenaires sociaux. Qui proposent donc de transformer les réunions informelles des confédéraux en une entité dotée d’une existence juridique "incontestable." Cette nouvelle instance prendrait plus précisément la forme d’un "conseil d’orientation stratégique du groupe Action logement, qui établirait des "relevés" des avis et propositions émis lors des réunions des confédéraux afin de les communiquer au conseil d’administration.
Quant au comité des partenaires du logement social, créé par l’ordonnance du 20 octobre 2016 mais qui, à ce jour, "est demeuré informel et ne s’est tenu qu’entre l’USH et Action logement, "il doit jouer son rôle partenarial" d’instance de dialogue régulière entre les acteurs-clés du logement social et des territoires, selon les partenaires sociaux. Composé de représentants des organisations de la gouvernance d’AL, de représentants de l’USH (avec ses fédérations) et des collectivités territoriales, l’État y est invité (représentants du ministère du logement, de l’économie et du budget).
Faire véritablement vivre le comité des partenaires du logement social
Les discussions en cours permettront d’expliciter de nouveau le contenu de ce comité, espèrent-ils. Et de rappeler que le premier président élu de ce comité doit être issu du collège des collectivités, le premier vice-président venant du collège USH. "Eu égard au poids d’Action logement", le comité ayant été créé dans le cadre de l’ordonnance de 2016, il semble "souhaitable", pour les partenaires sociaux, qu’ALG obtienne la présidence de cette instance et que la vice-présidence tourne entre les deux autres collèges (collectivités et USH).
S’agissant de la relation entre Action logement et l’État, le dialogue autour de la réforme devrait être l’occasion de définir "un point d’équilibre contractuel" entre le volume des dépenses consacrées à la mise en œuvre de la politique du logement et celui consacré aux engagements propres du groupe, point d’équilibre à inscrire dans la future convention quinquennale, suggèrent les partenaires sociaux. Ils proposent enfin que l’amélioration du pilotage stratégique et opérationnel du groupe passe par l’élaboration d’un "tableau de bord de suivi partagé, susceptible de stabiliser les relations entre le Groupe et l’État".