Dans les marchés publics de travaux exécutés avec intervention d’un ou plusieurs entrepreneurs et d’un maître d’œuvre, la conception et la direction des travaux incombent à ce dernier. Ces missions sont décrites dans le marché de maîtrise d’œuvre, par référence à des « éléments de mission » définis légalement et réglementairement.
Lorsqu’il s’agit d’un maître d’œuvre privé, ils sont définis par le décret 93-1 268 du 29 novembre 1993, pris en application de la loi MOP du 12 juillet 1985, et par l’arrêté du 21 novembre 1993. Lorsque le maître d’œuvre est un fonctionnaire (1), ces éléments sont définis en termes voisins par des décrets et arrêtés pris en application de la loi Murcef du 11 décembre 2001. La liberté contractuelle actuelle reste, à notre sens, encadrée par les « règles de l’art » que constituent la loi MOP et ses textes d’application.
Cependant, quel que soit le statut du « maître d’œuvre exécution », les tâches qui lui incombent, c’est-à-dire celles qu’il doit accomplir après notification du marché de travaux, sont encore définies, et de façon beaucoup plus précise et détaillée, par le Cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux (CCAG Travaux) du 21 janvier 1976 (2).
DÉFINITION DES PRESTATIONS DE LA MAÎTRISE D’ŒUVRE-EXéCUTION
Premier degré
Pour les missions confiées à des maîtres d’œuvre privés, la loi MOP (3) définit la « mission de maîtrise d’œuvre » qu’un maître de l’ouvrage peut confier à une personne ou un groupement de personnes (4), en la scindant en un certain nombre d’« éléments de mission », de conception et d’assistance (art. 7), et elle renvoie au décret du 29 novembre 1993. Ce texte marque un premier degré de définition.
Deuxième et troisième degrés
Le décret précité détaille les éléments de mission et renvoie (art. 27) à l’arrêté du 21 décembre 1993 qui précise « les modalités techniques d’exécution » de ces éléments. Cet arrêté définit de façon plus concrète le contenu des divers éléments, en distinguant le cas des travaux neufs de bâtiment (annexe I), de ceux de la réhabilitation de bâtiment (annexe II) et des travaux d’infrastructure (annexe III).
Ce décret et cet arrêté constituent le deuxième et troisième degrés de définition des tâches du maître d’œuvre à l’exécution. Ils sont fréquemment rendus contractuels par leur visa dans les marchés de maîtrise d’œuvre. Rappelons à ce stade que les « éléments de mission » pouvant être confiés à un « maître d’œuvre exécution » sont :
- le cas échéant, les études d’exécution ou, à défaut, l’examen de la conformité du projet et le visa des études d’exécution mises à la charge des entreprises ;
- la direction d’exécution du ou des contrats de travaux ;
- éventuellement, l’ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier ;
- l’assistance apportée au maître d’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de parfait achèvement.
Quatrième degré
Un quatrième degré de définition des prestations, beaucoup plus détaillé, figure dans une vingtaine d’articles du CCAG Travaux, lequel est rendu contractuel dans la plupart des marchés de travaux (5).
La définition des prestations de « maîtrise d’œuvre exécution », à ce quatrième degré de précision, est la seule véritablement opérationnelle, car on se trouve à l’interface précise entre le maître d’œuvre chargé de la direction des travaux et l’entrepreneur exécutant ceux-ci.
EVITER TOUTE AMBIGUÏTÉ
Le maître d’ouvrage (6) et l’entrepreneur s’attendent à ce que le maître d’œuvre respecte les tâches prévues par le CCAG Travaux.
Juridiquement, le non-respect de ces stipulations entraînerait un préjudice pour l’entrepreneur et conduirait à une mise en cause du maître d’ouvrage responsable envers lui des fautes du maître d’œuvre (7).
Mais, comme le CCAG Travaux n’est pas toujours visé en tant que pièce contractuelle dans le marché de maîtrise d’œuvre, si le maître d’ouvrage se retournait ensuite contre son maître d’œuvre, ce dernier pourrait peut-être se défendre en déclarant qu’il n’est en rien concerné par le CCAG régissant un marché à l’égard duquel il est un tiers.
Et si le débat se poursuivait, il pourrait peut-être déclarer que les allusions au CCAG Travaux que l’on pourrait induire de certaines mentions de l’arrêté de 1993 (« ordre de service », « constats contradictoires », « états d’acomptes », etc.) ne lui désignent en rien de façon précise ce CCAG et qu’il est libre d’agir selon ses propres pratiques.
Pour éviter toute ambiguïté sur l’obligation du maître d’œuvre de se conformer strictement aux interventions et aux procédures prévues par le CCAG Travaux, qui constituent des modalités d’exécution des « éléments de mission » dont il a la charge, il nous paraît souhaitable de faire figurer systématiquement dans le CCAP du marché de maîtrise d’œuvre une clause dérogeant à l’article 4 du CCAG Prestations Intellectuelles et ajoutant à la liste des pièces contractuelles « le CCAG applicable au(x) marché(s) de travaux en ses dispositions concernant les éléments de mission confiés au titulaire ».
Outre son intérêt juridique, une telle clause aurait d’ailleurs une utilité pédagogique pour nombre de maîtres d’œuvre. Elle signalerait à ces derniers l’importance accordée à l’application stricte du CCAG Travaux (8).
LE CCAG TRAVAUX, PLAN D’ASSURANCE QUALITÉ
On veut croire que les maîtres d’œuvre connaissent, dans leur majorité, l’existence du CCAG Travaux et ont conscience qu’ils sont impliqués dans leurs actions de « visa » de « direction de l’exécution des contrats de travaux » et « d’opérations préalables à la réception » par ce document.
Cependant, même lorsqu’il s’agit de professionnels avertis, combien disposent réellement du CCAG Travaux dans leur bureau (9), ou ont lu en entier ses dispositions ? L’expérience nous autorise à poser la question.
La mention du CCAG Travaux dans leur propre marché contribuerait au moins, pensons-nous, à amener tous les maîtres d’œuvre à mieux prendre en compte ce dernier. Le CCAG est en effet un véritable plan d’assurance qualité pour leur propre action. Un certain nombre de maîtres d’ouvrage publics recourant à des maîtres d’œuvre privés ont par ailleurs organisé avec ces derniers des réunions de sensibilisation au CCAG. Cela doit être encouragé.
1er degré : Loi MOP, art. 7 |
Le maître de l’ouvrage peut confier au maître d’œuvre tout ou partie des éléments suivants :6°) la direction de l’exécution du contrat de travaux. |
2e degré : décret de 1993, art 9 |
La direction de l’exécution du ou des contrats de travaux a pour objet :c) de délivrer tous ordres de service. |
3e degré : arrêté de 1993 ANNI.6 |
La direction de l’exécution du ou des contrats de travaux a pour objet :- de délivrer tous ordres de service (ce point n’a pas été autrement explicité). |
4e degré : CCAG 1976 |
Art.2.51Les ordres de service sont écrits ; ils sont signés par le maître d’œuvre, datés et numérotés. Ils sont adressés en deux exemplaires à l’entrepreneur. |
Art.2.52Lorsque l’entrepreneur estime que les prescriptions d’un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d’œuvre dans un délai de quinze jours. |
Art.5.3Lorsqu’un document doit être remis dans un délai fixé par l’entrepreneur au maître d’œuvre ou encore lorsque la remise d’un document doit faire courir un délai, le document doit être remis au destinataire contre récépissé ou lui être adressé par lettre recommandée avec demande d’avis postal. |