L’article 54 du nouveau CCAG travaux impose aux cocontractants, en cas de survenance d’un événement qui ne leur est pas imputable, d’en examiner les conséquences sur l’exécution du marché. Cette clause rend donc obligatoire une pratique très largement répandue qui consiste à discuter des incidences – tout particulièrement financières – de la survenance d’un événement dont les cocontractants ne sont pas responsables.
Conditions préalables au réexamen
L’article 54 limite doublement le champ d’application de l’obligation de réexamen des conditions d’exécution du marché. Tout d’abord, le réexamen ne peut intervenir qu’en présence d’une « circonstance que les parties diligentes ne pouvaient pas prévoir dans sa nature ou dans son ampleur ». Cette rédaction se rapproche fortement de celle de l’article R. 2194-5 du Code de la commande publique qui permet la modification du marché lorsque celle-ci est « rendue nécessaire par des circonstances qu'un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir ». Ensuite, l’événement en question doit modifier « de manière significative les conditions d’exécution du marché ».
Ces deux conditions renvoient à la notion de sujétion technique imprévue dont la survenance, selon la jurisprudence, ouvre droit à indemnisation au profit du titulaire lorsqu’elle a pour effet de bouleverser l’économie du contrat (voir par exemple : CE, 12 novembre 2015, "Société Tonin", n° 384716, mentionné dans les tables du recueil Lebon). La rédaction de l’article 54 du CCAG travaux est cependant plus stricte que celle de l’article L. 6 du Code de la commande publique qui prévoit que le cocontractant a droit à une indemnité dès lors qu’il y a un bouleversement temporaire de l’équilibre du contrat et non une modification significative de ses conditions d’exécution.
Le recours au dispositif de l’article 54 du CCAG travaux impose au titulaire de solliciter du maître d’œuvre la réalisation de constats contradictoires dans les conditions prévues à l’article 11 afin d’apprécier l’ampleur des moyens supplémentaires mis en œuvre pour faire face à l’événement imprévu et partant, d’en déterminer les incidences financières. La rédaction de l’article 54 laisse clairement à penser que l’absence de réalisation de tels constats ne permettra pas la prise en compte des surcoûts exposés.
Contenu du réexamen
Le réexamen peut, le cas échéant, aboutir à la conclusion d’un avenant qui détermine les modalités de prise en charge des surcoûts générés par l’événement, dont notamment les « surcoûts liés aux modifications d'exécution des prestations » et les « conséquences liées à la prolongation des délais d’exécution du marché ». Peuvent entrer dans ces catégories, par exemple, la mobilisation de moyens humains et matériels supplémentaires, la modification des caractéristiques des ouvrages à réaliser, l’augmentation du volume des travaux, la reprise de certains d’entre eux, la désorganisation du titulaire par rapport à ses autres opérations, une augmentation du montant des frais de garde…
Dans tous les cas, l’augmentation du montant du marché induite par l’avenant devra respecter le plafond prévu à l’article R. 2194-3 du code : elle ne pourra pas dépasser 50% du montant du marché, soit une marge de manœuvre plus que confortable pour les parties. La conclusion d’un avenant est bien évidemment l’enjeu du réexamen du contrat.
La clause de réexamen prévue à l’article 54 du CCAG travaux pourrait réduire le nombre de mémoires de réclamation, tout particulièrement au stade du règlement définitif du marché en imposant aux cocontractants de discuter ensemble. Bien évidemment, il n’est toutefois aucunement garanti que ces discussions puissent aboutir à la conclusion d’un avenant.