Un peu plus d’un an après sa publication, le syndicat Syntec-Ingénierie a voulu en savoir plus sur l’utilisation du tout nouveau CCAG relatif à la maîtrise d’œuvre. « Si les CCAG ont été publiés en avril 2021, nous avons constaté que les premiers marchés faisant référence à ces documents sont en réalité sortis au cours du mois d’octobre. Nous avons donc attendu quelque temps avant de lancer cette étude », explique Benjamin Valloire, délégué aux affaires juridiques.
Pour mener à bien cette enquête, le syndicat a utilisé deux outils : une boite mail sur laquelle les adhérents ont pu faire remonter des exemples de contrats. « Elle est directement reliée à nos permanences, afin d’anonymiser le processus et permettre une réflexion collective par la suite », précise Benjamin Valloire. Le deuxième outil était un court sondage.
Connaissance des outils
La première série de questions concernait la connaissance du nouveau CCAG MOE et des outils que la Direction des affaires juridiques de Bercy et le syndicat ont publiés au cours des derniers mois. « Dans l’ensemble, nous remarquons que les outils sont connus surtout de la part des personnes impliquées dans les travaux de notre organisation. Un point négatif toutefois : le modèle de marché public de maitrise d’œuvre, rédigé conjointement avec le Cnoa, que l’on avait mis à jour en juin 2021 semble le moins bien connu des documents », admet Benjamin Valloire.
Le CCAG MOE nouvelle norme
Autre enseignement et non des moindres : la grande majorité des maîtres d’ouvrage vise aujourd’hui le tout nouveau CCAG MOE dans les contrats. « Il existe encore quelques contrats conclus sous le régime du CCAG prestations intellectuelles de 2009, et fait surprenant, certains utilisent le CCAG PI de 2021 », note Philippe Pons, président du bureau infrastructures. "Nous sommes donc rassurés de voir que le CCAG MOE tend à s'imposer comme étant la nouvelle norme, mais aussi surpris les CCAG PI encore utilisés pour des marchés de maîtrise d'œuvre".
La question des dérogations
Elément incontournable, le syndicat s’est penché sur le sujet des dérogations. « C’est pour nous important car on sait que le CCAG cristallise un point d'équilibre entre les parties. Nous cherchons donc à savoir si ces relations ne sont pas déséquilibrées par les dérogations », détaille Christophe Mérienne, président de la commission juridique. Dans l’ensemble, les résultats montrent que le nombre de dérogations s’élève entre 1 et 5 ou entre 5 et 10. L’étude révèle aussi quelques cas isolés de contrats avec plus de 20 dérogations, mais dans ce cas « le marché devient compliqué et dénature complétement le CCAG MOE », assure Philippe Pons.
Autre point à noter : les dérogations proviennent surtout de grosses structures disposant d’un service marché ou juridique et pour des marchés complexes.
Pénalités de retard
Dans le détail, et sans réelle surprise, le sujet des pénalités de retard revient systématiquement chez tous les répondants. « Sur le plafonnement à 10 % évidemment, mais aussi, et c'est plus regrettable, sur le principe du contradictoire qui permet au maître d’œuvre de s'expliquer avant d'appliquer la pénalité », précise Benjamin Valloire.
Philippe Pons regrette vivement cette position des maîtres d’ouvrage : « Le fait de déplafonner les pénalités peut inciter un certain nombre d'entreprises à ne pas répondre à des marchés. C’est donc au détriment du maître d’ouvrage qui, de fait, va réduire la concurrence. Pire même : certains candidats vont intégrer des provisions pour faire face à ce déplafonnement des pénalités. Mais, selon lui, le plus grave reste la suppression des clauses de rencontre qui permettent de faire le point sur le déroulé du contrat ».
Réclamation et primes
Au cours de cette étude, le syndicat s’est également intéressé au tout nouveau système de réclamations porté par l’article 35.2 mis à jour par un arrêté du 30 septembre 2021. « Il y a très peu de dérogations sur ce point, ce qui est positif analyse Benjamin Valloire. Cela montre qu’il y a des avancées portées par le CCAG MOE qui prennent place dans les relations contractuelles ». Autre sujet abordé : celui des primes. Pour rappel, le CCAG MOE prévoit que des primes environnementales ou de performance financière (article 17.2) peuvent être versées. « C’est très marginal », constate Philippe Pons.
Enfin, Christophe Mérienne note deux derniers points : « Nous avons vu le retour de l'article sur l'arrêt de l'exécution des prestations (article 20 du CCAG PI 2009) qui était perçu comme étant le moyen pour le maître d’ouvrage de résilier un marché sans indemnisation. La dérogation à l’obligation de reprendre la liste des dérogations (article 1er du CCAG MOE) persiste également, ce qui complique considérablement l’analyse des marchés. C’est l’héritage de pratiques anciennes qui se prolongent ».