En tant qu’avocate spécialisée dans le droit de la commande publique, avez-vous observé une bascule vers les nouveaux CCAG ?
Tous les contrats en cours d’attribution ne font pas encore référence aux nouvelles versions, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, car les acheteurs publics n’ont pas eu le temps de les maîtriser entièrement. D’autre part, car ces derniers craignent que les opérateurs économiques ne soient également perturbés par ces nouvelles références, ce qui pourrait conduire à des phases de questions/réponses sur le DCE plus longues voire des demandes de report de remise des offres pour les marchés les plus complexes.
A priori, d’ici au 1er octobre, les acheteurs devraient être prêts, du moins pour les marchés courants. Pour les marchés plus sophistiqués, notamment ceux qui peuvent donner lieu à une combinaison de plusieurs CCAG, tels que les marchés globaux de performance ou les marchés de conception-réalisation, cela risque de prendre plus de temps car jusqu’alors peu d’acheteurs le pratiquaient même si cela était possible.
Que pensez-vous de l’idée d’aller piocher une ou des clause(s) dans les nouveaux CCAG avant même d’y faire pleinement référence ?
Il faut bien garder à l’esprit que la commande publique est aussi guidée par le principe de la liberté contractuelle. Un pouvoir adjudicateur est donc libre de faire ce qu’il souhaite tant qu’il reste dans le cadre fixé par le Code de la commande publique. Autrement dit, pour rédiger leurs CCAP, rien n’interdit aux acheteurs publics d’aller piocher sans attendre dans les CCAG 2021 une clause qui apparaît mieux rédigée (ou mieux répondre à leurs besoins) que dans les CCAG 2009 - sous réserve toutefois de s’assurer de la cohérence des stipulations de leurs CCAP.
Quels conseils donneriez-vous aux acheteurs publics qui apportent des dérogations aux CCAG dans les documents particuliers des marchés ?
Déroger ne pose pas de difficulté juridique, ce n’est pas sanctionnable. En revanche, cela suppose que l’ensemble reste cohérent. En effet, les CCAG sont construits de telle sorte qu’il y a des renvois d’un article vers un autre. Le risque est donc qu’un renvoi soit loupé et qu’il n’y ait plus cette cohérence. A mon sens, les dérogations doivent donc être limitées et justifiées pour tenir compte des caractéristiques propres au marché.
Que pensez-vous de la clause plafonnant les pénalités de retard à 10 %, particulièrement décriée par les acheteurs publics ?
Je peux comprendre que ce plafond de 10 % heurte les acheteurs publics, surtout que le juge administratif a toujours eu le pouvoir de moduler le montant des pénalités appliqués par ces derniers. Ces 10 % peuvent concrètement ne représenter pas grand-chose notamment lorsque le marché en question comporte de forts enjeux pour l’acheteur (délais de mise en service d’une activité, réception d’ouvrages importants, performances à atteindre, etc.). La pénalité est ainsi souvent perçue comme un bon de moyen de pression face à un cocontractant défaillant.
Toutefois, là encore, il est possible de déroger à cette règle des CCAG 2021. A ce titre, les acheteurs peuvent prévoir dans leurs CCAP un pourcentage plus important ou alors ne pas en prévoir, voire négocier le seuil de ce plafonnement avec les soumissionnaires dans les procédures avec négociation sous réserve de bien en maîtriser le cadre et l’appréciation.