A Nesle, dans la Somme, la haute armature de béton détonne dans le paysage. Que fait donc cette tour d’une dizaine d’étages dans ce village de 2300 habitants entre Péronne et Compiègne ? Renseignements pris, le bâtiment de 10 000 m2 sp (dont 6 600 m² avec une hauteur sous poutre de 28,50 mètres) accueillera d’ici un an des occupants d’un genre particulier : de grosses mouches pondeuses de larves. Innovafeed, producteur de protéines d'insectes destinées à l’alimentation animale agrandit son site de production picard. Cette fois, tout en hauteur. Car à la différence des trois bâtiment de plain pied déjà existants, cette extension affichera 36 mètres de haut.
« Bâtir des bâtiments industriels sur plusieurs niveaux, c’est l’avenir », prophétise Laurent Montreuil, directeur régional délégué de Cathelain, entreprise de construction à la manœuvre de ce chantier à 17 millions d’euros pour le clos et couvert. Le responsable de la filiale nordiste de Gagneraud anticipe ici l’adoption de la loi ZAN (Zéro artificialisation nette), encore en discussion à l’Assemblée.
Planchers intermédiaires
Une mesure qui dans le cadre de la loi Climat et Résilience de 2021 vise une artificialisation nette de 0% d'ici à 2050. Confrontés à la rareté du foncier constructible, les logisticiens – très présents dans les Hauts-de-France - n’ont pas attendu cette nouvelle loi pour aller chercher de la surface en hauteur. Cathelain est de plus en plus sollicité pour bâtir des planchers intermédiaires – l’équivalent de mezzanine dans une maison – dans les bâtiments logistiques.
Une nouvelle donne qui n’en pas vraiment une pour Cathelain. A sa naissance en 1920 à Herlies dans le Nord (où elle est toujours basée), l’entreprise fondée par Achile Cathelain construisait parfois des silos. Elle n’était alors qu’une modeste ferme familiale spécialisée en travaux agricoles. Un siècle plus tard, la société de gros œuvre de VRD emploie 350 personnes, possède une filiale à Abbeville et a réalisé un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros en 2022. Dont 60% dans la construction de bâtiments industriels (20% équipements publics, 20% logements et bureaux).
Plus contraignant
« Bâtir des bâtiments en hauteur coûte plus cher et nous obligent à des études de prix très poussées pour trouver le système constructif le plus rentable » révèle Laurent Montreuil. Outre une optimisation du béton et de l’acier nécessaire, les études préalables au chantier doivent tenir compte de la capacité portante du sol. Par ailleurs, les systèmes de défense incendie sont beaucoup plus contraignants que dans un bâtiment de plain-pied. « Optimiser la surface, c’est aussi bien réfléchir à ce que l’on trouvera sur la toiture. « Serres maraîchères, panneaux photovoltaïques, parkings, restaurant panoramique… Chaque bâtiment est un prototype » explique Laurent Montreuil.
Projets à l’étude
Actuellement le bureau d’études technique de Cathelain planche sur plusieurs projets, notamment en Ile-de-France : des aires de stockage automatisées dont certaines culmineraient à 45 mètres de hauteur, ainsi que des messageries urbaines (plate-forme de stockage temporaire des colis avant la livraison sur les derniers kilomètres) intégrant des parkings en sous-sol et plusieurs étages. Une nécessité en prévision de la généralisation des zones à faible émission mobilité (ZFE-m) dans les grandes agglomérations.
