L'info ne pouvait pas mieux tomber : alors qu'Holcim France et son directeur-général François Petry était conviés à Bercy, jeudi 5 avril, par le ministre de l'Industrie, Roland Lescure pour faire un point d'étape sur les feuilles de route de décarbonation des 50 sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre, le cimentier publiait son plan climat dans lequel il s'engage à financer à hauteur de 2 Mds € la séquestration de 5 Mt de CO2 par an.
Le CCS ("Carbon capture and storage"), la capture et le stockage du CO2, a en effet animé une bonne partie des présentations des industriels, à qui le président de la République avait proposé, en novembre 2022, un effort de réduction de 50 % de leurs émissions d'ici 2030 et la neutralité à horizon 2050 contre une aide renforcée de 5 Mds € - en plus des 5 Mds € déjà programmés dans le plan France 2030 - pour leur décarbonation.
Un processus qui intéresse particulièrement les cimentiers Calcia, Eqiom, Holcim donc et Vicat dont 19 sites sont concernés par cet effort.
« Le point très positif c’est que l’on est en train de confirmer notre capacité à séquestrer le carbone, via le CCS, sur nos bassins industriels », confirme François Petry. « Nous aurons les moyens de parvenir à la neutralité carbone mais nous savons déjà que nous sommes capables de réduire de 50% en France, nos émissions sur nos sites. »
Des objectifs partagés par Bruno Pillon, président des activités France de HeidelbergCement (Ciments Calcia) : "Sur notre usine d’Airvault dans les Deux-Sèvres nous mettons en place la capture du CO2 (technologie de CCS « Carbon capture and storage) via le hub de Saint-Nazaire, avec Lhoist et Lafarge", a-t-il expliqué. "L'objectif est de 700 000 t de CO2 fatales séquestrées par an."
Carboducs
Le CO2 capturé sera ensuite traité (fumées purifiées et filtrées) et liquéfié par Air Liquide, transporté jusqu’au hub puis envoyé dans des puits dans des couches géologiques anciennes, des poches d’hydrocarbures "vides", en mer.
Un process qui demande une infrastructure complète dont seule une planification rigoureuse peut justement permettre la mise en place. "Nous planifierons, avec les 50 sites pionniers, leurs besoins : les technologies (investir dans la R&D par exemple 9Mds € via la stratégie nationale hydrogène ou le stockage de carbone), les ressources (SNBC, PPE, dont une part devra correspondre aux besoins de l’industrie, et notamment la biomasse), les infrastructures (hubs de production d’hydrogène dans chaque grande zone industrielle, circuits d’approvisionnement en biomasse, raccordement électrique, « carboducs » qui transporteront le CO2 vers des zones d’enfouissement off-shore comme en mer du Nord avec la Norvège par exemple", expliquait ainsi le cabinet de Roland Lescure.
Pour tout cela les milliards supplémentaires promis par Emmanuel Macron, qui devrait se prononcer en juin, sont essentiels : « La taille des investissements est tellement gigantesque que si on veut aller vite, il faut du cofinancement, confirme François Petry. Il y a la nécessité de mutualiser des infrastructures de transport, de stockage et d’envoi du CO2 pour sa séquestration tout simplement parce qu’aucun industriel seul ne peut financer tout cela. Certains dirigeants conviés aujourd’hui ont expliqué que leurs besoins pour décarboner leurs sites équivalaient aux Capex de leur groupe. »
Le jeu en vaut la chandelle : une décarbonation des 50 sites équivaudrait en terme de CO2 évité à la rénovation énergétique de 10 millions de logements ou à la conversion de 10 millions de voitures thermiques à l'électrique.