La RT 2012 et les problématiques environnementales ont donné un coup d’accélérateur aux isolants biosourcés qui sont même arrivés en GSB. Conscients de cette aubaine, les fabricants historiques du secteur ont été rejoints par de nouveaux acteurs prêts à profiter de ce relais de croissance. En prévision de la hausse « programmée » du marché, ceux-ci ont réalisé de nombreux investissements productifs. L’an passé, Naptural a inauguré une unité de 6 000 m² en Dordogne ; Buitex a lancé une unité de production de 2 500 m/jour ; nrGaïa s’est allié au papetier Norske Skog pour sortir 12 000 tonnes d’isolants en ouate de cellulose dès 2010.
Effets de gamme...
De nouveaux investisseurs proposent aussi des débouchés aux productions agricoles régionales. Ainsi, à Amboise, il devrait se créer prochainement une unité de fabrication de blocs de chanvre et chaux. « Si l’expérience est concluante, nous pourrions la dupliquer dans d’autres régions », convient Renaud Gille-Naves, patron d’Escale Bio à Houdan et membre du groupement Nature & Développement. Mais cette stratégie ne vise pas qu’à répondre aux attentes du marché en volume. Les industriels investissent aussi dans la qualité et de nouveaux produits. Ainsi, Buitex annonce un élargissement de gammes pour fin 2010. Naptural a augmenté, fin 2009, la densité de ses produits de 25 % avec la ligne Bati’HD. Ce printemps, Soprema lance un panneau semi-rigide en ouate en 1,35 m de long « pour répondre à la demande en produits manufacturés », selon Benoît de Pous, le directeur France des ventes Négoce. TechniChanvre a aussi étendu son offre avec une laine de chanvre en 145 mm et une autre en 200 mm d’épaisseur « pour les artisans travaillant sur la Mob et les charpentes industrielles, précise Sébastien Le Borgne, son directeur commercial. Ces produits permettent des gains de temps importants répondant aux besoins de productivité des poseurs ». Actis, lui, propose cette année trois produits Sylvactis supplémentaires : un panneau à 110 kg/m pour des applications toiture par l’extérieur ou pour une IPE ; un panneau mince à 230 kg/m comme complément d’isolation pour toiture ; et du vrac pour épandage ou soufflage. L’offre alternative s’enrichit donc de manière exponentielle.
... et baisses tarifaires
Les investissements des fabricants visent aussi à faire baisser les prix… identifiés comme frein majeur à leur essor. Déjà, les outils industriels redimensionnés ont permis des économies d’échelle, donc des baisses de tarifs. « Il faut travailler tous les éléments de la vie du produit (sourcing, production, distribution) pour être plus compétitif », martèle Christophe Buffet, directeur commercial de Naptural qui a annoncé une baisse de 20 % de ses prix lors du dernier Batimat. Selon Benoît de Pous, c’est une condition pour vraiment ouvrir ce segment au marché de masse. « C’est le projet qui nous a conduit vers la ouate de cellulose, explique-t-il. La ressource est là, disponible, pas trop chère. Nos tarifs sont ainsi en phase avec le marché. » Tous, cependant, savent qu’ils ne peuvent sortir vainqueurs d’une comparaison pure sur le prix avec les laines de verre. Même si certains relativisent cette problématique en la rapportant au coût total du chantier, les isolants alternatifs doivent jouer une autre carte : celle de leur technicité. « Nous devons mettre en avant les bénéfices produits ! affirme Claire Mellinand, responsable marketing d’Actis. Nos produits isolent en hiver, mais assurent aussi un confort d’été. Ils se comportent en véritable pare-vent face aux infiltrations d’air grâce à leur haute densité. Ils résistent au tassement dans la durée et ont une isolation acoustique intéressante. » Pas question donc, pour les fabricants, de se battre sur la dimension écologique de leur matériau. « Nous sommes des industriels, pas des militants, même si nous expliquons d’où vient la ressource », note Jean-Pierre Buisson, Pdg de Buitex. De nombreux fabricants s’engagent tout de même dans la rédaction de FDES pour valider les caractéristiques environnementales des produits et intégrer les projets HQE. TechniChanvre a déjà commencé la démarche, Soprema y songe et le projet de Métisse a abouti fin 2009. Manière d’ancrer les isolants biosourcés dans une logique encore plus industrielle. Pour crédibiliser ce positionnement, de plus en plus d’acteurs s’investissent dans la certification de l’offre, même s’ils reconnaissent tous que c’est « long et coûteux ». « Le marché doit aller vers une amélioration permanente des produits, de leurs performances. Les démarches d’avis techniques (AT) et d’Acermi sont extrêmement importantes », note Christophe Buffet. Naptural est d’ailleurs en phase de renouvellement de son AT - obtenu dès 2003 ! - et a décroché l’Acermi fin 2009 pour Bati’Plum. Isonat de Buitex, qui avait déjà l’Acermi, vient de recevoir son AT tandis que Bati’Ouate et Bati’Coton sont en cours de démarche. Presque tous suivent cette voie car les enjeux de l’étiquetage et de la communication sont devenus fondamentaux comme en témoigne la « guerre de l’information » que se livrent, sur Internet, acteurs de l’isolation traditionnelle et de l’isolation alternative. Conscients que les prescripteurs sur ce segment sont encore largement les particuliers, les industriels - souvent des PMI qui ne peuvent investir dans de vastes campagnes médias - soignent leur site web. TechniChanvre, par exemple, a refait le sien en avril. Internet permet en plus de pallier le faible maillage des négociants ayant en stock leurs produits.
Démocratisation en cours
Car le marché n’a pas passé le cap : c’est encore la demande qui pousse artisans et négociants à travailler avec les isolants biosourcés. Les industriels utilisent aussi les ressorts classiques des commerciaux sur le terrain. Ceux-ci travaillent à la fois en direct auprès des entreprises de pose et par le relais de négociants pour diffuser informations et formations. Ainsi Naptural a réalisé un support écrit générique diffusé largement auprès des distributeurs. Soprema forme depuis quatre ans quasi quotidiennement les professionnels à la pose de sa ouate en vrac. Buitex anime des événements dans les agences. Un travail qui porte ses fruits, puisque les isolants d’origine végétale et animale ne sont plus l’apanage des distributeurs spécialisés. « La mise à disposition de ces produits se généralise notablement depuis un an », constate Claire Mellinand. Après avoir conquis les spécialistes bois, ils occupent désormais une place légitime chez le négoce matériaux.


