Une tuile qui limite le ruissellement des pluies et contribue à la gestion de l’eau en ville : c’est le sens de la solution élaborée par Cactile. Le projet a été lancé en 2021 par Jean-Baptiste Landes, fort d’une expérience de vingt ans dans l’hydroélectricité et le pilotage des étiages des rivières. « Au fil des années, j’ai vu s’aggraver les effets du changement climatique sur la ressource : des températures plus chaudes, une eau plus rare dans les sols et les nappes, une plus grande fréquence des fortes précipitations. Les enjeux sont importants en ville, l’imperméabilisation des sols renforce le risque de saturation des réseaux, voire d’inondations », insiste Jean-Baptiste Landes.
Dès le départ, il pose un principe : sa solution doit intégrer les contraintes des charpentes, donc ne pas ajouter de charges. Si une couverture en tuiles pèse entre 40 et 70 kg/m², Cactile ne devra pas dépasser pas 60 kg/m² : 20 kg de matériaux et jusqu’à 40 litres d’eau stockée. Menée avec le soutien de l’IMT Mines Albi (Tarn), la conception associe trois partenaires : DDC-Industrialisation pour l’ingénierie mécanique, le BET Apygec pour l’écoconception et Laëtis pour le développement informatique et les services associés.
Une solution adaptée à la rénovation
« Un des objectifs était de développer la solution pour la rénovation. Outre la contrainte de poids, il fallait s’adapter aux entraxes existants », poursuit Jean-Baptiste Landes. Les acteurs imaginent de larges réceptacles (120 x120?cm) combinables pour couvrir la surface de la toiture. Ces éléments accueillent les réservoirs et sont surmontés de panneaux de couverture de 60 x 120 cm. Le système est facile à poser : quatre équerres suffisent à fixer les réceptacles, qui se chevauchent pour assurer l’étanchéité. Avec une surface de 1,44m² par élément posé, la mise hors d’eau de la toiture se fait rapidement.
« Nous avons travaillé en collaboration avec la Capeb et des couvreurs pour optimiser la mise en œuvre et limiter le nombre de tâches à accomplir, ajoute le créateur de Cactile. Les réceptacles fixés, les installateurs positionnent les réservoirs, les connexions hydrauliques, les panneaux de couverture avec prises d’eau, puis les tuyaux d’évacuation, soit vers le réseau, soit pour un usage privé (sanitaires, arrosage). » Le système comprend aussi un capteur qui évalue en temps réel le niveau de remplissage : si besoin, une vanne réalise la vidange des réservoirs, par exemple en cas d’orage. Ce service numérique sera fourni avec le système.
Un design efficace et contemporain
Selon les premiers essais, Cactile permet de capter 96 % des eaux de pluie en cas de précipitations modérées et 94 % en cas d’averse (3 mm d’eau par minute). Le design spécifique des panneaux (en acier galvanisé et disponibles en plusieurs coloris) contribue à cette efficacité.
À l’origine, Jean-Baptiste Landes envisageait d’imiter l’apparence des tuiles. « Le risque était que l’évacuation des pluies soit trop rapide. Un architecte nous a également fait remarquer qu’une esthétique plus contemporaine conviendrait mieux à un produit si différenciant. La forme finalement retenue a l’avantage de ralentir la course des pluies et de favoriser l’absorption de l’eau, tout en créant des zones plates pour la circulation des couvreurs » indique le concepteur.
La conception des prises d’eau a aussi été un axe stratégique, avec l’enjeu de maximiser l’entrée des eaux de pluie sans laisser passer les feuillages et autres déchets végétaux. Une nouvelle version de cet élément est toujours en cours de finalisation, avec une grille qui filtrera encore plus efficacement les éléments parasites et évitera les projections d’eau.
Davantage de stockage qu’un récupérateur
Après des études de faisabilité, Cactile a mis au point son premier prototype au printemps 2023. Plusieurs artisans sont déjà intéressés par le produit, notamment la société des Couvreurs occitans, qui a accompagné la start-up dans l’évolution du produit. « Les premiers retours de la profession sont très positifs, se félicite Jean-Baptiste Landes. Certains suggèrent même des évolutions pour faciliter encore la mise en œuvre, par exemple en pré-assemblant le réceptacle et le réservoir au sol, pour ne monter qu’un élément en toiture, avec un poids limité à 16 kg. »
Les premiers chantiers en toiture sont prévus au début 2025 : d’ici là, la start-up va boucler une levée de fonds pour lancer l’industrialisation. Et dès la fin 2024, un premier chantier pilote devrait voir le jour en façade, autre application possible du système.
Pour convaincre le marché, Cactile espère positionner son produit autour des 150€ par m² : un prix comparable aux coûts cumulés d’une couverture classique et d’un récupérateur d’eau en pied d’ouvrage, avec des capacités de stockage bien supérieures. La société a aussi prévu des diversifications possibles de son système, puisque le design des panneaux de couverture permet l’installation de panneaux photovoltaïques : cette configuration sera testée sur des chantiers d’ombrières de parking dès 2025.
