Trouver sa place au sein d'une lignée n'est jamais simple.
Surtout quand on arrive après de puissantes aînées. Sur le quai d'Arenc à Marseille (Bouches-du-Rhône), la tour Mirabeau, inaugurée en juin dernier, n'a pourtant pas à rougir de sa position de petite (85 m) entre deux grandes, la tour CMA CGM (145 m) et La Marseillaise (135 m). L'édifice conçu par l'architecte Hala Wardé préfère dorer sous le soleil du Sud, se faire bleue comme le ciel ou argent comme la mer. Et poursuivre l'épopée d'une autre famille, les Saadé. Né au Liban, l'homme d'affaires Jacques Saadé (1937-2018) s'installe à Marseille en 1978 et y fonde une compagnie maritime qui va devenir un empire, l'actuel groupe CMA CGM. Il occupe alors un bureau dans un immeuble du port, le Mirabeau… qu'il finit par investir totalement et par acheter.
« Etablir un dialogue respectueux ». En 2010, Jacques Saadé s'offre son navire amiral avec le gratte-ciel conçu par l'architecte star anglo-irakienne Zaha Hadid. Huit ans plus tard, une figure de l'immobilier, le Méditerranéen Marc Pietri (1946-2020), plante lui aussi sur ce quai son étendard, la Marseillaise, une tour bleu-blanc-rouge dessinée par Jean Nouvel.
En 2017, le groupe CMA CGM, en partenariat avec Bouygues Immobilier, lance un concours pour trouver l'équipe qui donnera un successeur au Mirabeau des origines, à bout de souffle. Mais sans la volonté cette fois de rivaliser à nouveau en hauteur ou en faste. « Il ne nous a pas été demandé de créer une nouvelle icône, explique Hala Wardé. Et heureusement, car il allait de soi que nous n'allions pas détrôner le bâtiment de Zaha Hadid et qu'il fallait plutôt établir un dialogue respectueux avec cette tour et sa longue traîne. » La même attitude était de mise avec la Marseillaise pour cette architecte qui venait d'achever le Louvre Abu Dhabi avec Jean Nouvel et avait effectué l'essentiel de son parcours professionnel chez ce dernier.
Une singularité affirmée. Pas question pour autant de s'effacer. L'IGH se devait « d'apporter sa participation au front de mer de Marseille, mais plutôt comme un contrepoint », explique Hala Wardé qui, musicienne, aime à user de cette formule. Le Mirabeau nouveau semble donc sobre, avec ses nuances lumineuses de verre et de gris et ses lignes apparemment simples. Apparemment seulement car en plan, il forme une figure géométrique complexe, sculptée pour s'étirer au maximum sur le site. Cet édifice tertiaire où tous les éléments, depuis les sols en terrazzo jusqu'aux luminaires, sont mis en œuvre avec une rigoureuse élégance, affirme aussi sa singularité. Par son rez-de-chaussée transparent qui rompt avec l'anonymat habituel de pied d'immeuble tertiaire pour s'ouvrir sur la ville. Ou encore ce volume posé à la perpendiculaire du sommet, en porte-à-faux, qui casse l'image de verticalité des tours génériques. Cet espace événementiel en belvédère est, selon l'architecte, l'élément dont « on ne peut savoir de loin ce qu'il est exactement mais qui donne à la tour sa part de mystère. »




Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : SCCV Le Mirabeau Marseille (CMA CGM et Bouygues Immobilier, copromoteurs).
Maîtrise d'œuvre : HW Architecture (architecte, mandataire). BET : Egis (maîtrise d'œuvre d'exécution), Setec TPI (structure), Barbanel (fluides), Arcora (façades), Avel (acoustique), Greenaffair (environnement), Geos et ABO-ERG (géotechnique).
Principales entreprises : Soletanche Bachy (parois moulées, terrassement), Léon Grosse (gros œuvre, corps d'état architecturaux), Engie (corps d'état techniques), Simeon (façades).
Surface : 21 600 m² SP.
Coût des travaux : N. C.