Quitter la ville pour la campagne, sa campagne. Un pas qu'a franchi l'architecte Bernard Quirot en partant de Besançon (Doubs) pour s'installer à 35 km de là, à Pesmes (Haute-Saône), le village médiéval où il a grandi. L'enfant du pays, né en 1959 à Dole (Jura), y ouvre une première agence en 2008 avec ses trois associés de l'époque : Olivier Vichard (décédé en 2014), Francesca Patrono (partie en 2016) et Alexandre Lenoble, son ancien élève à Paris-Belleville.
Ensemble, ils aménagent en lieu de travail l'une des maisons de la rue des Châteaux. Jusqu'au jour où un confrère allemand, à la recherche d'une résidence secondaire dans le département de la Haute-Saône, propose de la racheter.

S'offre alors l'opportunité, avec l'apport financier de la vente, d'entreprendre les travaux d'une deuxième agence, plus spacieuse, située à deux pas. En effet, pour déménager de l'ancienne à la nouvelle adresse, l'hiver dernier, il a suffi de traverser la rue. « A chaque fois que l'on ouvrait la porte de nos précédents bureaux, ces vieilles bâtisses en ruine, qui menaçaient de s'écrouler, nous faisaient face, se souvient Bernard Quirot. Nous voulions leur redonner une dignité. Et montrer l'exemple. »

« Rendre habitable les centres anciens ». Le Pesmois n'a pas conservé la ferme dans laquelle, petit, il allait chercher du lait. « Il faut accepter de démolir pour rendre à nouveau habitable les centres anciens, souvent très denses », soutient-il.
Une construction neuve, de moindre échelle, a été édifiée à sa place. Comprenant bureaux et salle de réunion, celle-ci s'intègre à son environnement avec la même modestie qui caractérise l'ensemble de l'œuvre de Quirot.

L'habitation attenante à la ferme, quant à elle, a été préservée. Ses poutres en bois et cheminées en pierre participent à l'atmosphère cosy des lieux. Outre des bureaux, on y trouve la pièce fédératrice de l'agence : la cuisine. Toute l'équipe, composée à présent d'une douzaine de personnes, y déjeune à la bonne franquette, parfois pieds nus. Sauf le patriarche, puisqu'il réside non loin de là dans la énième maison du village qu'il a rénovée, près des remparts, juste à côté du groupe scolaire et périscolaire dont il a aussi mené la restructuration. « Bernard compare son métier à celui de son père qui était médecin de campagne », rapporte Alexandre Lenoble. La proximité avec le terrain et ses habitants est donc fondamentale pour lui, afin d'en prendre soin. « Il rêve que tout le monde habite à Pesmes, vive en communauté autour d'un potager et que les enfants aillent à l'école ici », plaisantent Julie Vielle et Chloé Blache, associées à l'agence BQ+A en 2020. Un projet d'autoconstruction germe en ce moment dans sa tête. Résidence d'artistes ou gîte pour héberger des stagiaires, le programme n'est pas encore précis. Mais il pourrait pousser sur une friche avoisinante.

Un séminaire annuel de projet. Pour l'heure, ce qui occupe tous les esprits est le bon déroulement du séminaire annuel, dont la septième édition se tient jusqu'au 30 juillet dans la salle des fêtes du village. L'association Avenir radieux, coordonnée par Chloé Blache, organise l'événement. L'idée consiste à convier de jeunes architectes - une trentaine cette année - à venir se confronter au tissu urbain historique de Pesmes et élaborer des projets (logements, maison funéraire, aménagement de berges, etc. ). Conférences, exposition, concert de jazz, cinéma en plein air et ateliers de dessin dans les rues animent la quinzaine. Une présentation de l'ouvrage « Pesmes, art de construire et engagement territorial », dirigé par Emeline Curien et illustré par les photographies de Luc Boegly, est prévue à cette occasion. Le reste du temps, l'association conseille gratuitement la commune et ses administrés en matière de travaux sur l'existant.

Fabriquer du mobilier. Sur les chantiers de réhabilitation conduits par BQ+A, dont leur agence, il y a toujours une cuisine à aménager ou une table à réaliser sur mesure. D'où la volonté de créer un atelier dédié au dessin et à la fabrication de mobilier. Grâce à l'arrivée du designer et ébéniste Paul Michelon dans l'équipe, le « vieux rêve » de Bernard Quirot est désormais réalisé. Un local d'environ 150 m², pourvu de multiples machines et d'outils, est loué près de la zone industrielle du village. « J'ai travaillé six ans à Mumbai, en Inde, dans un quartier ultrabruyant ; ici c'est le calme absolu », savoure l'artisan, qui sera rejoint à la rentrée par un apprenti. Ses nouveaux collègues n'hésitent pas à lui prêter main-forte pour assembler ou vernir un objet. L'un d'eux lui a confié qu'il ne s'assiéra plus de la même manière sur un banc en bois, désormais conscient du travail fourni.

Bernard Quirot est un homme passionné et qui partage beaucoup, apprécient Alexandre (né en 1973), Julie (née en 1984) et Chloé (née en 1995). Un trio qu'il nomme « la relève ». Au visiteur d'un jour, il peut ouvrir aussi bien les tiroirs de son meuble vintage contenant des dessins de Le Corbusier récupérés juste avant qu'ils ne partent à la benne, que la trappe de sa cave à vins. Aux retraités du village qui souhaiteraient le recruter pour jouer aux boules avec lui, il répond : « Si seulement j'avais le temps… » L'architecte, lauréat de l'Equerre d'argent en 2015, veut d'abord réaliser deux programmes dans sa vie : une église et un chai. Pour le premier, la commande attend toujours. Le second, en revanche, est en cours pour le Château Lafite Rothschild à Pauillac (Gironde), en association avec l'Atelier EGR. D'ailleurs, un marathon dans les vignes du Médoc attend les plus sportifs de l'agence le 10 septembre prochain. Objectif fixé par le boss : monter sur le podium !
