L’union fait la force. L’établissement marseillais de l’Ecole nationale supérieure du paysage (ENSP) de Versailles-Marseille en administre une double démonstration. Après le coup de tonnerre déclenché en novembre 2015 par la décision de fermeture arrêtée par le cabinet de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, la mobilisation de la profession, relayée par les forces vives de la métropole, aboutit à une consolidation de l’établissement créé en 1992, et qui dispense un cycle complet depuis 2007.
Retour gagnant
Motivée par un rapport de la cour des comptes qui concluait à l’impossibilité de financer à la fois la modernisation du site de Versailles et la pérennité de l’établissement de Marseille, la décision ministérielle a d’abord provoqué la réponse de l’école : « Nous ne siégerons à nouveau qu’après avoir été entendus par Monsieur le ministre », avaient annoncé les enseignants administrateurs. Une mission d’audit confiée à Michel Desvigne, président du conseil d’administration, avait ensuite souligné la puissance des partenariats locaux qui contribuent à porter la seule école de paysage du quart sud-est de la France, dans une métropole multipolaire naissante, située aux avant-poste du changement climatique, de la pression urbaine, de la déprise rurale et des reconversions industrielles.
Catalyseur métropolitain
La seconde réponse s’est matérialisée dans un projet phare du contrat de plan Etat région signé en juillet dernier : l’établissement marseillais de l’ENSP fait partie des trois piliers de l’institut méditerranéen des Villes et des territoires (IMVT), à côté de l’Ecole nationale supérieure d’architecture (Ensam) et de l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional de l’université d’Aix-Marseille. Unique en France par le croisement entre les compétences de paysage, d’architecture et de planification territoriale, ce projet de 50 millions d’euros, porté par le ministère de la Culture, a motivé un appel d’offres de maîtrise d’œuvre lancé le 30 janvier, pour une ouverture à la rentrée 2022. A la porte d’Aix proche de la gare Saint-Charles, l’établissement de 9600 m2 contribuera à la reconquête de fonctions universitaires par le centre-ville.
Chaire Eau et paysage
La délégation interministérielle qui a préfiguré la métropole considère l’IMVT comme l’une des premières expressions emblématiques de son projet. Certes, les paysagistes n’ont pas remporté le bras de fer sans concéder une première année commune entre Versailles et Marseille. Mais l’école méditerranéenne portera, à la rentrée 2017, une des premières chaires de la profession, sur le thème Eau et paysage, dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse.
Le défi du titre
Ce 27 janvier à la Villa Méditerranée, l’élan unitaire de l’IMVT a déteint sur les directeurs des sept écoles françaises de paysage, face à un défi commun : se mettre au diapason du titre de Paysagiste Concepteur, créé en août dernier par la loi Biodiversité. Tous ont contribué à la rédaction du décret qui en fixe les conditions d’accès, en cours d’examen au Conseil d’Etat après un travail coordonné par le ministère de l’Environnement. « Dans la négociation, nous avons veillé à ce que l’application de la loi préserve au moins le niveau d’exigence internationale fixé par l’Ifla (ndlr : association internationale des architectes paysagistes) », rappelle Vincent Piveteau, directeur de l’ENSP. Ciment inter-écoles et socle du référentiel international, la défense d’une pédagogie centrée sur le projet de paysage a conduit les directeurs à refuser d’admettre l’Itiape, école d’ingénieurs paysagistes basée à Lille, parmi les établissements qui ouvrent l’accès au titre : un enjeu d’autant plus important que l’Ifla doit renouveler ses accréditations à la fin 2017.
Héritages préservés
L’autre défi majeur concerne les cinq écoles publiques qui se positionnent sur le nouveau diplôme d’Etat de paysagiste (DEP), créé par un décret de novembre 2015 : Blois, Bordeaux, Lille, Marseille et Versailles. La mise en place de la bformation de trois ans, à partir d’un diplôme bac + deux, nécessite une année de rodage de la nouvelle dernière année : « Les échanges sur ce sujet ont montré comment, à partir d’une même exigence pédagogique, chacun invente des parcours originaux, en s’appuyant sur son héritage », témoigne Vincent Piveteau. Non concernée par le DEP, l’Ecole supérieure d’architecture des jardins (Esaj), seul membre privé du club des 7, engage une démarche parallèle programmée pour trois ans, à partir de la rentrée 2017 : « Le référencement au répertoire national de la certification professionnelle ouvrira la voie au titre de paysagiste concepteur pour nos diplômés, et créera un modèle dont pourraient s’inspirer d’autres projets privés », indique Matthias Pottier, son président.
Coopération renforcée
Tout en préservant leur diversité, les établissements se préparent à renforcer leur coopération dans le domaine de la recherche, promise à une nouvelle impulsion, dans la foulée du DEP : confortée par l’audit de l’Agence de l’évaluation de la recherche scientifique, leur revue « Projets de paysage » va connaître une nouvelle aura, avec son intégration dans le site revue.org, commun aux revues scientifiques françaises. La coopération inter-écoles pourrait également se décliner dans la communication : la rencontre de Marseille a impulsé une réflexion sur un stand commun, au salon Paysalia, en décembre prochain à Lyon.