Le Musée du Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) propose jusqu'au 5 novembre au grand public, aux artistes et aux professionnels de la construction une initiation à l'alchimie du béton.
"Le Musée a choisi les bétons, et non le béton, le matériau le plus innovant de l'Antiquité", explique Anne-Catherine Hauglustaine, directrice de l'exposition. "Au tiers de l'exposition, on a l'impression que tous les bétons ont été inventés à la deuxième guerre mondiale", poursuit-elle, "puis on fait un grand bond dans le temps et l'innovation jusqu'à la révolution architecturale que nous connaissons aujourd'hui avec des bétons de plus en plus légers et transparents, aussi solides que le béton armé".
De la voûte hémisphérique du Panthéon d'Hadrien au projet de tour Hypergreen de Jacques Ferrier, le visiteur suit un parcours d'initiation à l'histoire et la technologie des bétons sur quelque 500 mètres carrés quadrillés de larges dalles de ductal (béton fluide et innovant à haute résistance). Les premières vitrines proposent les applications techniques et artistiques du béton: parpaings bruts, joaillerie insolite, alliage de béton, d'or et de diamant modelé par le designer Patrice Fabre, et flaconnages de parfum architecturés de Thierry Bogaert. Un premier volet de l'exposition raconte l'histoire du béton en quelques jalons: un segment de canalisation du premier cloaque romain et la barque en ciment armé de 600 kg construite en 1855 par l'agriculteur Joseph Lambot.
Dans une alcôve, se retrouve la presse à agglomérer conçue par le manufacturier François Coignet, acheteur en 1854 du premier brevet de "béton économique", expérimenté un an plus tard sur le toit-terrasse de sa maison à Saint-Denis. Les portraits des ingénieurs François Hennebique, Edmond Coignet et Eugène Freyssinet, pionniers européens des bétons "économique", "armé" et "précontraint", rythment une bande-dessinée pédagogique qui mène jusqu'au prototype de béton renforcé de textile (FRC) conçu par l'architecte américain Lancelot Coar. "Le béton ne rouille pas, il est liquide donc fluide, et le textile se plie parfaitement aux forces naturelles de ce matériau", dit-il en expliquant ses travaux expérimentaux menés au laboratoire de recherche (Center for Architectural Structures and Technology) de l'Université du Manitoba (Canada).
Sur une table en ductal, la maquette de la Pixel Chapel de Bill Price pour la ville de Houston (Etats-Unis), aux murs éclairants en béton translucide LiTraCon oriente le jeune visiteur vers un atelier de tests ludiques de "résistance et d'affaissement des bétons". On peut se reposer sur les poufs "caresses" et les bancs en ductal du designer Francesco Passaniti qui expose aussi dans une alcôve de l'atelier un mobilier en bétons fluides "auto-plaçants", conçu dans l'ancien laboratoire du couple Joliot-Curie à Ivry-sur-Seine. "Le LiTraCon", explique Anne-Catherine Hauglustaine, "conduit la lumière solaire et dispense donc les édifices d'éclairage artificiel, tout en gardant toute sa capacité de résistance". Pour illustrer les applications écologiques de la nouvelle génération de bétons, la dernière alcôve présente la tour Hypergreen "du développement durable", couronnée d'eoliennes et équipée de 3000 m2 de cellules photovoltaïques, de résilles assurant une climatisation naturelle, de collecteurs et filtres d'eaux usagées.