« C’est la course à l’innovation pour minimiser le poids carbone », constate Michel Daniel, directeur aménagement et ville durable de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France. A La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes), le distributeur accompagne un chantier de trois maisons R+1, d’une surface au sol entre 45 et 60 m² à partir d’un béton de terre excavée. L’enjeu, éviter les matières premières primaires et utiliser un béton décarboné prêt à l’emploi. Ce béton de terre, préfabriqué et coulé dans des cadres d’ossatures bois sur site, se compose de 98% de matériaux recyclés, les 2% restants étant la colle du bois. « Il ne s’agit plus de se contenter de miser sur un matériau unique qui serait magique. Nous adoptons une approche systémique adaptée » poursuit Michel Daniel. Ainsi, la laine de verre, le plâtre et même le liant sont recyclés. A partir d’une réaction de laitier de haut fourneau, le liant utilisé pèse 250 kg d’éq/t/CO2, le plus bas carbone. L’exception dans ce modèle concerne les fondations et les murs de contreventement en béton traditionnel car, « en zone sismique 4, il faut prendre soin d’éviter toute déformation », poursuit-il.

Pour les cadres, il explique avoir « opté pour du bois éclairci (PEFC) qui permet de réguler la densité du matériau et d’obtenir une ductilité. La préfabrication à plat permet d’ajouter moins d’eau dans le mortier. » Un même gisement de terre, de Florac (48), est utilisé pour ce projet expérimental. Elle doit être caractérisée afin de trouver la bonne recette. La région Paca compte chaque année 2,2 millions de tonnes de terre excavée, considérée comme un déchet particulièrement encombrant. Saint-Gobain souhaite désormais la valoriser localement pour son béton, réponse à la pénurie mondiale de granulats et de sable. L’entreprise envisage de remplir ces cadres en usines éphémères à proximité du chantier pour un circuit court complet, en collaboration avec les artisans locaux.
La construction en ossature bois selon la norme DTU 31.2 alourdit considérablement les murs mais, moins larges, ils demeurent plus mobiles. Le chantier comprend une mécanisation plus développée pour éviter de porter ces charges lourdes. Ainsi, pas de quoi augmenter le besoin de main d’œuvre. La préfabrication présente l’avantage non négligeable de garder un chantier sec, dans la perspective de la Rep. Elle permet aussi de réduire les délais. Une semaine de séchage des cadres était prévue, à laquelle a été ajoutée une semaine supplémentaire, par précaution. Ensuite, compter une semaine de chantier pour édifier une maison hors d’eau avec le toit. La livraison des trois maisons aura duré 8 mois au lieu d’un an, et pourrait descendre, à terme, à 6 mois.

Les matériaux sélectionnés permettent d’afficher une excellente performance énergétique : classe A en énergie consommée, classe A en énergie grise. Le confort d’été est assuré sans climatisation, grâce à l’inertie de la terre. « En stockant les calories, elle diffère la sensation de chaleur de plusieurs heures », explique Michel Daniel. Pour l’hiver, 180 mm de laine de verre isolent par l’extérieur, recouverts d’un enduit minéral. Pas de quoi se passer de chauffage pour autant et une bonne VMC demeure indispensable. Seules trois fenêtres, orientées sud, éclairent la maison, certifiée HQE. En effet, le constructeur voulait une « maison raisonnable, en évitant le surplus de fenêtres qui causent des perditions. » Les maisons se veulent recyclables, avec des matériaux démontables. Seul le béton, déchet inerte, ne se réutilise pas. Les coûts s’avèrent légèrement supérieurs au standard RE2020 mais avec le développement de la filière, Michel Daniel pense voir les prix baisser et anticipe déjà l’exportation internationale d’un modèle duplicable.

D’autres projets de Saint-Gobain en béton de terre excavée émergeront à Marseille, via la zone Euromed. Redman veut construire (début du chantier en fin d’année 2023), un établissement scolaire de 6 700 m² avec la terre creusée directement sur site. Eiffage, avec l'écoquartier Smartseille, lancera la construction de deux immeubles résidentiels en R+6, de 3e famille (premier coup de pioche attendu fin 2024), toujours avec ces ossatures bois. Saint-Gobain aura cette fois recours à un calepinage numérique pour construire au cœur de ville.