L'association architecture et maîtres d'ouvrage (AMO)« Rapprocher les maîtres d’ouvrage des architectes »
Cette association vise à diffuser la culture architecturale auprès des maîtres d’ouvrage et à mieux faire comprendre aux architectes les contraintes de la maîtrise d’ouvrage. C’est Jean-Pierre Duport qui en est à l’origine alors qu’il était directeur de l’Architecture. Il partait du constat que ces deux professions se comprennent mal parce qu’elles se connaissent peu…Vingt-trois ans plus tard, AMO continue de contribuer efficacement à rapprocher les maîtres d’ouvrage – publics et privés – des architectes, à dissiper les malentendus de leur partenariat et les ambiguïtés de leur relation. Au fil des visites, rencontres, et voyages, les regards se croisent et les pensées se fécondent. C’est un travail de « passeur ».
L'innovation dans l'architecture « L’époque est riche, inventive et diverse dans ses courants »
Notre société n’accorde plus une foi aveugle dans le progrès ni dans le sens de l’Histoire ; la mode n’est ni au progrès, ni à l’innovation, ni à tout ce qui irait vers une certaine forme de provocation comme cela a pu être le cas pendant trente ans. L’expression architecturale transcrit naturellement ces tendances. Beaucoup de villes font preuve de conservatisme, réclament des protections contre « trop de béton ». En matière d’urbanisme, la muséification est souvent préférée à la politique de la table rase assortie de la création de formes nouvelles. En ce qui concerne l’architecture, au contraire, j’ai le sentiment que l’époque est riche, inventive et diverse dans ses courants.
Dans la promotion privée, j’observe un phénomène récent : beaucoup d’aménageurs demandent que la compétition s’exerce aujourd’hui sur la qualité architecturale, fréquemment sur le développement durable, et non plus seulement sur le montant de la charge foncière. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec quelques aménageurs, comme la Semapa, Euralille, Lyon Confluences, Toulouse… Je ne vous aurais pas dit cela, il y a cinq ans.
La qualité architecturale« L’unité entre la fonction, la forme et l’écriture »
Je vois deux pistes pour l’approcher. La première est d’apporter une bonne réponse à une commande correctement formulée. Bien sûr, l’architecture est un art, mais un art appliqué. Sans commande, pas d’architecture. Sans commanditaire, pas de réalisation. Une seconde caractéristique me paraît essentielle : cette réponse architecturale pose le problème du dialogue avec le contexte, généralement urbain. Une telle intégration est de la responsabilité de l’architecte : une fois réalisé, son ouvrage appartiendra à celui qui l’a commandé ou acquis, mais aussi à la ville, aux passants, aux utilisateurs… En clair : il marquera la ville. Si j’ajoute à cela la relation entre l’intérieur et l’extérieur – le dedans et le dehors, puisque l’extérieur du bâtiment est l’intérieur de la ville – on comprend que l’architecte se mesure à la question de l’unité entre la fonction, la forme et l’écriture ; au juste point d’équilibre des contraintes réglementaires, techniques, financières et de calendrier.
L'apprentissage du regard « Quelle histoire nous raconte ce bâtiment ? »
Je ne regarde plus un bâtiment de la même façon si je sais qu’il répond à une commande. Aussi longtemps que je reste sur le registre « j’aime/je n’aime pas », je parle de moi, ce qui est d’un intérêt assez limité… Si je me demande : quelle est la réponse à quelle commande ? Comment s’intègre-t-il dans la ville ?… j’objective les choses. Cela ne m’empêche pas de trouver que c’est beau ou laid, mais j’apprends ainsi à lire, c’est-à-dire à enregistrer des éléments de compréhension qui deviendront des références de comparaison. « Quelle histoire nous raconte ce bâtiment ? » (Franck Hammoutène).
La forme du logement « Les plans des appartements se sont normalisés et donc banalisés »
En trente ans, les plans des appartements se sont normalisés et donc, d’une certaine façon, banalisés. En gros, il n’y a plus de « mauvais plans ».
Ceci dit, deux pistes d’amélioration au moins subsistent : celle du volume, dans la mesure où nous vivons en trois dimensions, et celle de l’utilisation de la lumière naturelle. Deux aspects qui n’entrent pas encore suffisamment dans les préoccupations des maîtres d’ouvrage et qui constituent une fréquente source d’incompréhension avec les architectes. Or, « l’architecture se parcourt », disait Le Corbusier, et lorsque l’on visite un bâtiment, l’utilisation pertinente de la lumière naturelle et des espaces provoquent souvent de profondes émotions esthétiques.
Bâti et crise urbaine « On est très injuste avec l’urbanisme et l’architecture de l’après-guerre »
On est très injuste avec l’urbanisme et l’architecture de l’après-guerre. A-t-on ou non apporté la bonne réponse à la commande de l’époque, qui était de loger dans une urgence extrême des dizaines de milliers de gens ? On s’est donné les moyens de le faire. Evidemment, ces logements étaient industrialisés au maximum, répétitifs, construits à l’économie… Mais, c’était une réponse à la question du moment. De nombreux témoignages montrent à quel point les gens étaient alors heureux d’accéder au « confort moderne ». Globalement, je ne suis pas persuadé que l’on aurait pu faire très différemment. Le fait que l’on se soit ensuite installé dans cette situation et qu’on l’ait laissé se dégrader progressivement est plutôt, me semble-t-il, le vrai sujet.
Une définition de l'architecture « L’architecte est celui qui construit avec culture »
Une définition de l’Autrichien Adolf Loos (1877-1933) : « L’architecte est un maçon qui parle latin ». Construire avec culture…«L’architecte est d’abord un intellectuel », nous dit Yves Lion. L’architecture étant par nature publique, chaque passant dans la rue s’approprie ce qu’il voit. Ainsi l’architecture est-elle deux fois partagée, non seulement entre les différents intervenants de l’acte de construire, entre celui qui commande et celui qui utilisera le produit fini ; mais également entre le propriétaire du bâtiment et le flâneur. C’est un bien commun et c’est pourquoi il faut parler d’architecture aux enfants, aux élus, aux citoyens, il faut leur apprendre à lire l’architecture et il ne serait pas absurde que les architectes s’y attellent. Je milite pour cela autour de moi ! Il faut sortir la culture architecturale de la forteresse où elle vit retranchée, se parlant à elle-même. Les architectes ne doivent pas s’adresser aux seuls architectes…
La crise de l'acte de construire « Une ville doit se renouveler, faute de quoi elle s’atrophie »
Ne soyons pas dupes des mots : si je construis pour moi, j’investis « dans la pierre » mais, autour de moi, les autres « bétonnent » ! N’ayons pas peur du développement urbain. Apprenons plutôt à le juger et à le qualifier. Il faut évidemment construire, les besoins sont là. Une ville doit se renouveler, faute de quoi elle s’atrophie. L’histoire de la ville, c’est celle des strates successives de son développement et de la plus ou moins grande mise en scène de ses constructions, et non celle de son entretien… Il en résulte souvent une très grande variété morphologique qui est un des éléments constitutifs de sa richesse : immeubles de rapport, hôtels particuliers, bâtiments administratifs, ateliers, etc.
Faut-il densifier ? « La nappe de villages de maisons individuelles consomme tout l’espace »
De quelle densité parle-t-on au juste ? Densité de population ou densité de construction ? La plus forte densité de constructions, c’est la nappe de villages de maisons individuelles, qui laisse peu de terrains libres, consomme tout l’espace pour une très faible densité de population, à grands frais d’infrastructures et d’énergie. A l’inverse, une tour affiche une très faible densité au sol et une forte densité de population, libérant ainsi de vastes espaces publics, des jardins et initiant une forte activité urbaine. La confusion entre tours et densité à Paris introduit un étrange débat. Ne confondons pas certains exemples médiocres des années 70 réalisés sur des emplacements discutables, et le sujet de fond : la tour d’Edouard Albert, rue Croulebarbe dans le XIIIe, est aujourd’hui inscrite à l’Inventaire des monuments historiques…
Architecture trop chère ?« L’architecture crée de la valeur, d’ordre moral mais aussi économique »
Le bâtiment crée des emplois, l’architecture crée de la valeur. Un bâtiment pétri d’architecture rayonne dans tout un quartier et en modifie la composition. Il se valorisera davantage qu’un autre dont les seuls effets de style se faneront rapidement. Cette valeur est d’ordre moral, mais aussi économique. Et puisque la qualité architecturale crée de la valeur, soyez certains que les financiers vont commencer à s’y intéresser ; il nous reste à leur inventer les moyens de mesurer le « retour sur investissement »...



