« Beaubourg de la musique » et temple des sciences

Le parc de la Villette -

Le complexe multiculturel du nord-est de la capitale est un projet hors-norme par son ampleur et son étalement dans le temps.

 

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Avec sa surface totale de 55 ha, son impressionnante Cité des sciences et une myriade de lieux culturels et musicaux, c'est peu dire que l'aménagement du parc de la Villette constitue la réalisation la plus ambitieuse de l'ère Mitterrand. « Ce projet est à l'image de ce dont nous rêvions : l'entremêlement des cultures scientifique et artistique, mariant une exigence de haut niveau avec la création d'un lieu populaire », s'enflamme encore l'ancien ministre de la Culture, Jack Lang.

Lancée sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, la transformation de l'ancien site des abattoirs se déploie sur plus de trois décennies : de juillet 1979, avec la création de l'établissement public du parc de la Villette présidé par Paul Delouvrier, à janvier 2015, qui voit l'inauguration de la Philharmonie de Paris. « Terrain d'une course de relais entre architectes », selon Bernard Reichen qui sera chargé, avec Philippe Robert, de la réhabilitation de la Grande Halle, la reconquête culturelle de ce territoire a associé aménagement urbain, réhabilitations industrielles et constructions neuves.

La première réussite du parc réside dans son caractère composite et évolutif. Déjà, le choix de son implantation, dans le nord de Paris et en bordure du périphérique, apparaît comme visionnaire. Prenant acte du développement urbain de la capitale extra-muros , François Barré, directeur de la mission du parc et l'une de ses chevilles ouvrières, y voyait « un nouveau centre à l'échelle d'une agglomération ». Surtout, la proposition de Bernard Tschumi, retenue à l'issue du concours international lancé en 1982 pour l'aménagement du parc, offrait suffisamment de souplesse dans un cadre très structuré pour permettre l'enrichissement progressif du site par de nouveaux équipements.

Un chantier par à-coups. Pour Bernard Reichen, cette « matrice spatiale dans laquelle chaque pièce indépendante s'imbrique dans un tout global » est pour beaucoup dans la réussite du parc. Le plan de Tschumi pour les 35 ha non construits s'organise en un ensemble de lignes (deux galeries nord-sud et est-ouest), de surfaces (les prairies et l'espace chapiteaux) et de points (25 « folies » thématiques réparties tous les 120 m). Quand il remporte le concours en mars 1983, ce jeune architecte franco-suisse dont le projet est retenu parmi 472 dossiers n'avait pourtant jamais rien construit. « Le chantier s'est étalé sur près de quinze ans et a fonctionné par à-coups », se souvient-il. En raison des alternances politiques, pas moins de quatre ministres de la Culture se succèdent sur le chantier. Et pour des questions budgétaires, « les folies seront livrées par groupes de quatre ou cinq ».

Au cours du précédent septennat, Valéry Giscard d'Estaing avait confié la transformation de l'ancienne salle des ventes des abattoirs en musée des Sciences et techniques à Adrien Fainsilber. L'architecte choisit de révéler la structure porteuse de cet édifice imposant de 270 m de long. Il prend le parti de dégager les niveaux inférieurs alors enterrés et de relever la toiture de 8 m, donnant à l'édifice son caractère monumental. Quant à la Géode, dont Giscard souhaitait l'implantation à l'intérieur du musée, elle est finalement édifiée hors les murs, à la demande de Mitterrand. L'autre réhabilitation industrielle importante concerne donc la Grande Halle, ou ancienne halle aux bœufs, construite par un élève de Baltard et dont les dimensions sont également hors-norme : 245 m de long sur 85 de large.

Le premier concert de Johnny Hallyday au Zénith suscita de nombreuses plaintes.

Mais Mitterrand introduit une autre composante majeure dans le projet. Dès 1981, le candidat socialiste avait rêvé de doter Paris d'un « Beaubourg de la musique ». C'est à Jack Lang que revient l'idée d'une salle de spectacles de rock et de variétés. Le Zénith devait être provisoire, avant l'ouverture d'une salle définitive prévue porte de Bagnolet, mais qui ne sera finalement jamais construite.

De la musique partout. Philippe Chaix et Jean-Paul Morel imaginent alors une immense structure recouverte de toile, à la manière d'un chapiteau. Les éléments de la charpente métallique, d'une portée de 70 m, sont préfabriqués puis livrés par p éniche. Philippe Chaix se souvient du premier concert que Johnny Hallyday y a donné, « avec une sono saturée au maximum, ce qui a entraîné de multiples plaintes des riverains. Nous avons immédiatement réagi en posant une double peau isolante intérieure en métal perforé et en panneaux absorbants, derrière les poteaux, ainsi que de lourdes toiles en sous-face de toiture. » En janvier 1985, l'architecte Christian de Portzamparc est, lui, choisi comme maître d'œuvre pour la nouvelle Cité de la musique. Le conservatoire national de musique et de danse de Paris (aile ouest) est inauguré en décembre 1990, pour remplacer l'ancien site de la rue de Madrid (Paris VIIIe ), dont les « conditions de délabrement étaient inimaginables », se souvient Jack Lang. L'architecte fragmente les différents éléments du programme en de multiples bâtiments et ouvre largement le conservatoire sur le parc, afin que « celui-ci vienne à la ville ». L'aile est, réservée au public et comprenant le musée instrumental, réunit sous une toiture ascendante salle de concerts et médiathèque. Dix-huit ans plus tard, Jean Nouvel vient à son tour apporter sa contribution à la Villette avec sa Philharmonie. « Si Portzamparc a ouvert le parc, la Philharmonie lui a donné de la densité », analyse aujourd'hui Bernard Tschumi. Lui-même a certainement réussi son pari, celui de faire de la Villette un lieu pour le XXIe siècle.

Image d'illustration de l'article
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