Sur le plateau de Saclay, la conception de ce bâtiment, qui combine résidence étudiante et parking public en silo, suit le parti d'aménagement du quartier de l'Ecole polytechnique, pensé par Michel Desvigne, Xaveer de Geyter et Floris Alkemade comme un « parc-campus ». Le plan orthogonal dessine de grands îlots rectangulaires délimités par des frontalités continues, chacun contenant des jardins intérieurs, qui font pénétrer partout l'environnement naturel du plateau.
Les agences associées Bruther et Baukunst se sont saisies pleinement de ce parti urbain, qui utilise la forme classique de l'îlot fermé - par opposition à celui ouvert, largement plus répandu ces dernières décennies. Ils ont revisité cette unité urbaine en réalisant un bâtiment en quelque sorte inversé, dont la face arrière se trouve côté rue, tournant sa face avant vers le cœur d'îlot devenu un condensé de vie urbaine.
En prévision de l'arrivée de la ligne 18 du Grand Paris Express qui attirera entreprises et nouveaux habitants à l'horizon 2030, le cahier des charges demandait qu'une partie du parking prenne place sur des niveaux en superstructure pour offrir la possibilité d'une réversibilité fonctionnelle en logements ou bureaux. Lors du concours, tandis que les projets concurrents séparaient parking et résidence dans des corps de bâtiments distincts, celui-ci optait pour l'unité architecturale par la superposition programmatique - deux niveaux de parking et quatre de logements étudiants -, malgré la grande hétérogénéité des deux fonctions.
Certes, l'emploi d'un matériau unique, le béton brut (avec finition sablée pour les ouvrages singuliers tels les escaliers extérieurs) constitue un grand vecteur d'unité. Mais c'est par la trame structurelle, capable de fusionner ce double programme par ce qu'il y a de plus essentiel dans l'architecture, qu'elle s'exprime véritablement. Et si le bâtiment affiche un caractère résidentiel dans sa globalité, c'est la structure du parking qui est à la source de la composition d'ensemble, avec une trame régulière de 7,60 m. Cette dernière correspondant à trois places de stationnement, deux studios et un T4 pour la colocation. Le défi fut ici de préserver une continuité parfaite de l'ossature, avec des poteaux qui plombent de bas en haut sans aucun report de charges entre les parties logements et parking. Et ce, tout en respectant pointilleusement les surfaces réglementaires des logements et en cherchant à les concevoir sans qu'aucun espace ne souffre d'absence de lumière naturelle, de vues médiocres sur l'extérieur, ou d'espaces résiduels. L'unité architecturale se révèle jusqu'aux détails des équipements techniques, avec les circuits d'évacuation d'eaux pluviales et d'alimentation de VMC parfaitement verticaux, sans aucun dévoiement entre les deux parties. De jolis détails surgissent alors, comme les descentes d'eaux pluviales qui, longeant les poteaux sans les toucher, deviennent des mats d'éclairage dans le parking.
Le Corbusier réactualisé
L'évocation de l'unité d'habitation corbuséenne imprègne le bâtiment, parce que les « cinq points de l'architecture moderne » sont tous là : bâtiment sur pilotis, plan libre, façade libre, fenêtre en bandeau, toit-terrasse habité. Ces standards sont réactualisés avec les spécificités du programme, et notamment sa mixité, à la lumière des usages actuels. A l'interface de la rue et de l'intérieur d'îlot, une agrégation d'espaces, indépendants les uns des autres, prend place librement parmi les pilotis : salles polyvalentes, laverie, atelier de réparation de bicyclettes, administration, boutique, boîtes aux lettres, stationnements à vélos, et l'entrée du parking avec sa double rampe monumentale à la Chambord. Suspendue dans le vide à triple hauteur de la trémie, accrochée à des poutres de grande portée, celle-ci est démontable sans avoir à effectuer de travaux sur la structure, répondant à l'exigence de réversibilité du parking public. Au dessus, sur les quatre niveaux, les 185 logements fonctionnent comme une grande maison formant un U, fédérée par un jardin avec, en guise de toiture, une série de voûtes dans lesquelles prennent place les salons à volume cathédrale des duplex en colocation.
