Quel bilan dressez-vous de l’arrêt des chantiers depuis le 16 mars en France ?
Ambroise Lecat : Le 16 mars dernier c’est toute la France qui a été mise à l’arrêt, tous les secteurs ont été touchés, et le secteur de la construction n’y a pas échappé. Depuis maintenant trois semaines, nous assistons à un redémarrage timide de l’activité : 30 à 50 % des chantiers ont ainsi pu reprendre. Il s’agit surtout des grands chantiers qui bénéficient de plus de moyens financiers, matériels et organisationnels. Les dégâts économiques sont déjà énormes avec des pertes de productivité de 10 à 30 % mais aussi un surcoût lié au matériel de protection supplémentaire obligatoire.
Matthis Baudet : La reprise et le fonctionnement des chantiers vont dépendre de la mise en place des nombreuses normes édictées dans le Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction-Covid-19 de l’OPPBTP. De nouveaux usages émergent qui sont à respecter très scrupuleusement. Pour les structures qui avaient déjà adopté certaines normes QHSE, le redémarrage de chantiers sera plus simple, pour les autres cela risque d’être plus compliqué avec un gros effort d’adaptation à effectuer.
Finalcad est très présent en Asie également. Quels impacts avez-vous constatés là-bas ? Quels enseignements ont été tirés ?
Matthis Baudet : Certains pays de la zone Asie-Pacifique sont encore en confinement (Singapour notamment) et l’activité dans le secteur du BTP tourne toujours au ralenti. Cependant, à l’inverse de la France, et de l’Europe en général, la situation a été un peu différente. Pour ne pas fermer complétement les chantiers, l’Asie a adopté en amont des mesures sanitaires obligatoires accompagnées d’importants contrôles. En France, des guides de bonnes pratiques ont également été adoptés mais en aval, pour permettre aux chantiers de rouvrir. Que ce soit en Asie ou en Europe, la leçon à en tirer est que les normes de sécurité et d’hygiène sont essentielles pour protéger les équipes sur les chantiers et permettre leur fonctionnement.
Ambroise Lecat : L'Asie présente un niveau de préfabrication beaucoup plus élevé que l'Europe, ce qui facilite la reprise car les pertes de productivité et la complexité du redémarrage sont moins élevées. En France, à plus long terme, la construction hors-site pourrait constituer un facteur de résilience face aux crises sanitaires mais aussi à d’autres phénomènes comme par exemple les conditions météo extrêmes.
En quoi les outils digitaux peuvent-ils être utiles pour la relance des chantiers avec les mesures Covid-19 ?
Ambroise Lecat : Le digital est aujourd’hui devenu incontournable en cette période de crise sanitaire. Il remplit deux missions essentielles. D’une part, la mise en sécurité des chantiers en permettant notamment de réduire les contacts, grâce à des solutions utilisant des objets connectés ou facilitant la communication dématérialisée entre les intervenants. Et d’autre part, de renforcer leur productivité grâce à la géolocalisation, la commande de matériaux ou de services à distance, la planification et le suivi en temps réel des chantiers.
Matthis Baudet : En effet, le digital est passé du « nice to have » au « must have » et la principale raison de son succès est sa simplicité et les gains constaté dès son déploiement. A titre d’exemple, pour la mise en place des nouveaux formulaires sécurité santé hygiène, imaginez le nombre de personnes d’une grosse entreprise qui devraient se déplacer pour signer un même document et le nombre de documents à signer et à archiver. Avec la digitalisation, en quelques clics le formulaire peut être signé et archivé, le tout sans aucun contact.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise générale pour digitaliser son activité ?
Matthis Baudet : Le plus important est d’embarquer toutes les équipes, de s’assurer de l’adoption et du bon usage des solutions digitales ! Cela signifie qu’il est important d’associer les compagnons mais aussi les équipes dans les bureaux à la prise de décision. Il est essentiel que tout le monde suive.
Autre conseil, prévoir le temps nécessaire de l’adhésion des équipes, de leur adaptation aux nouveaux outils. C’est pourquoi il est également essentiel de choisir un outil facile d’utilisation pour tous, sur et hors site. Les entreprises de la construction prennent conscience du besoin de cette digitalisation, ce sont les conclusions sans appel de notre récente étude « La transformation digitale globale dans la construction »
Ambroise Lecat : Il est nécessaire que la hiérarchie donne l'exemple et "évangélise" l'ensemble des intervenants. Il est important aussi de réévaluer régulièrement l’utilisation des outils et de les faire évoluer par rapport à l’usage et au besoin du chantier.
