Création et métamorphose, l'histoire de la piscine de plein air de Gerland, à Lyon (Rhône), se raconte en deux épisodes que plus d'un siècle sépare. Et qui ont abouti à sa réouverture le 28 juin dernier. Tout démarre au début du XXe siècle, avec les ambitions de modernité et de progrès social que partagent Edouard Herriot (1872-1957), nouveau maire de la ville, et l'architecte Tony Garnier (1869-1948). Selon eux, les Lyonnais doivent vivre avec un esprit sain dans un corps sain. Mais le projet que se voit d'abord confier Tony Garnier en 1913 est la construction d'un grand stade.
L'édile en est convaincu : « Construire un hôpital, c'est de l'assistance ; construire un stade, c'est de la prévoyance. » Stratège, il caresse aussi l'espoir de décrocher pour sa ville les Jeux olympiques de 1924.
Garnier conçoit ainsi l'enceinte de Gerland, reconnaissable à son plan ovale et ses quatre grandes arches néo- antiques. Mais il voit plus grand et dessine tout un quartier des sports avec une cité pour les athlètes, une autre pour les cyclistes, le tout selon un plan symétrique axé sur une magistrale entrée aux lions.
Sur fond de Première Guerre mondiale, la suite est marquée par l'attribution des Jeux… à Paris, l'achèvement du stade en 1926, le manque d'argent et l'abandon du reste de la cité sportive. Cependant, aux beaux jours, les Lyonnais ont l'habitude de se baigner dans le Rhône et la Saône, et on déplore beaucoup de noyades. Si bien qu'en 1928, Edouard Herriot demande à Tony Garnier de réaliser en urgence une piscine à Gerland. C'est ainsi qu'un simple bassin de plein air, juste équipé d'un plongeoir, est livré au tout début des années 1930. Et l'affaire en reste là.

Un ensemble dénaturé. En 2019, alors que Gerland est depuis deux ans le stade d'attache du Lyon olympique universitaire (LOU) Rugby, le club, propriété du groupe GL Events, lance la restructuration de la piscine. L'équipement est toujours en fonctionnement, mais de rudimentaire dans sa conception d'origine, il est devenu vétuste. Et il a été dénaturé par les vestiaires ajoutés dans les années 1960 et les carrelages colorés venus recouvrir les gradins.
Les architectes de 4_32 sont désignés pour mener un projet qui va bien au- delà de la restauration : un ensemble bâti doit venir encadrer le bassin pour accueillir des programmes variés. Les cofondateurs de l'agence, Claire Bertrand et Pierre-Benoît Thévenon, accompagnés par leur confrère Albert Constantin, qui a œuvré à l'évolution du site de Gerland depuis 1995, et l'architecte du patrimoine Didier Repellin, se mettent alors dans les pas de Tony Garnier. « Nous nous sommes basés sur son esthétique pour produire un dessin très épuré », souligne Pierre-Benoît Thévenon.
Le nouvel édifice joue sur les différences d'épannelage et les retraits entre le corps central et les ailes perpendiculaires. La trame créée par de grands portiques en béton préfabriqué en fait un édifice à la fois altier et discipliné. Avec sa disposition en « U », il met en scène la piscine extérieure qui a changé sans en avoir l'air. Restaurés, les gradins d'origine ont retrouvé leur couleur sable initiale. Mais un nouveau bassin de 45 m s'est glissé dans les 50 m de l'ancien. Il est aussi moins profond. Ainsi la piscine consomme moins d'eau et d'énergie.
Néo-temple sobre. Les nouveaux bâtiments accueillent des bureaux et des locaux d'entraînement pour le LOU Rugby ainsi que des salles de sport et un nouveau bassin couvert pour le centre UCPA qui gère aussi la piscine historique. Si l'ensemble est un hommage manifeste au néo-temple autrefois rêvé par Garnier, il dégage une sobriété élégante qui sied bien à l'époque actuelle. Tenir jusqu'au bout cette apparente simplicité a requis l'attention des architectes. Tout ce que les contraintes techniques peuvent produire de laid a été habilement caché, notamment derrière les acrotères des toitures.