Cent dix ans se sont écoulés entre l'inauguration de Nancy Thermal en 1913 et sa rénovation-extension en 2023. Ce changement d'époque a été l'occasion de renverser le mode de fonctionnement de l'établissement : d'introverti à extraverti. A l'origine, l'édifice néoclassique dessiné par l'architecte Louis Lanternier (1859-1916) était refermé sur lui-même pour préserver l'intimité des curistes. Les regards se focalisaient alors sur la piscine ronde, autour de laquelle s'enroulaient les cabines de bains. L'équipe de maîtrise d'œuvre en charge de la réhabilitation des lieux, conduite par l'agence Architectures Anne Démians, a déplacé les vestiaires et décloisonné l'espace afin d'élargir le champ de vision.
Depuis la piscine, la ligne d'horizon s'éloigne petit à petit, à 360°, tels les cercles concentriques provoqués par l'impact d'un caillou jeté dans l'eau. Apparaissent ainsi successivement : la colonnade soutenant la coupole historique, la circulation périphérique, le nouveau spa avec ses traditionnels jacuzzi, sauna et hammam, ainsi que divers bassins intérieurs et extérieurs avec vue imprenable sur le parc Sainte-Marie. Cette perspective aujourd'hui dégagée était auparavant obturée par les studios de radio et de télévision de l'ORTF, aménagés dans les années 1960 sur ce site qui avait cessé son activité thermale en 1945.
Un projet d'envergure qui rejaillit. L'idée de réutiliser cette eau minérale naturelle puisée à 800 m de profondeur rejaillit en 2016. La réalisation d'un quatrième forage et l'approbation de l'Académie nationale de médecine pour pouvoir traiter les rhumatismes confortent André Rossinot, alors président de la métropole du Grand Nancy, de lancer un projet d'envergure mêlant santé, sport, loisir et bien-être. Toutes ces composantes sont à présent réunies dans un complexe aquatique de 30 000 m², qui comprend également un hôtel de 76 chambres. Ce dernier s'insère au bout du bâtiment d'origine - là où était prévue initialement une extension - et enserre le nouveau pôle santé, dont la date d'ouverture n'est à ce jour pas fixée.
Anne Démians, volontairement « impertinente », juxtapose deux écritures architecturales de part et d'autre de l'entrée principale afin, justifie-t-elle, « d'éveiller la conscience face à l'histoire ». En façade, la blancheur du béton-pierre de 1913 contraste avec la noirceur du bardage métallique de 2023.
Le rythme vertical des colonnes est contrebalancé par celui horizontal des bandeaux vitrés. Et sur les toits, la conceptrice réplique à la coupole par un dôme. Malgré les dissonances créées par cette partition recomposée, il se dégage une certaine harmonie de l'ensemble.
La reconfiguration urbaine du site a rendu également le reste du programme plus fluide. La piscine de plein air Louison-Bobet, inaugurée en 1967, a laissé place à une esplanade plantée. Son bassin de 50 m a été déplacé de l'avant vers l'arrière de l'édifice thermal, où se trouvait déjà une piscine couverte de même longueur conçue par Louis Lanternier. Rénovée, elle accueille aujourd'hui les sportifs souhaitant se mesurer aux records olympiques de Léon Marchand, mais aussi les enfants venus patauger en famille. Pour Anne Démians, « Nancy Thermal est un équipement transgénérationnel qui fédère tous les membres de la cité autour de l'eau ».
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Grand Nancy Thermal Développement.
Maîtrise d'œuvre : Architectures Anne Démians (mandataire), Chabanne Architecture (architecte associé), Pierre-Antoine Gatier (architecte en chef des monuments historiques).
Surfaces : 22 000 m² SP construits et 8 000 m² réhabilités.
Coût des travaux : 80 M€ HT.