Bâle : coup de cœur pour une ville monde

La mise en synergie d'une agglomération fragmentée entre trois Etats s'accélère autour de Bâle, grâce à la dynamique d'IBA Basel 2020.

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L’exposition internationale d’architecture IBA Basel se tiendra en 2020

Le 11 mars 2011 sur les coups de midi, une trentaine de membres de l'association Architectes et Maîtres d'ouvrage (AMO) Alsace Lorraine Franche-Comté ressent la puissance d'attraction exercée par une terre promise du développement urbain : l'agglomération trinationale de Bâle.

Stars locales et mondiales

Sous l'enchevêtrement de toitures dessinées par Herzog & De Meuron pour la Vitra Haus de Weil-am-Rhein (banlieue allemande de Bâle), tous les ingrédients du rayonnement architectural local se révèlent : après Nicholas Grimshaw et Alvaro Siza pour les bâtiments industriels en 1981 et 1993, Frank Gehry pour le musée de la chaise et du mobilier de bureau en 1989, Tadao Ando et Zaha Hadid en 1993 pour le centre de conférences et la caserne de pompiers, le P-DG de Vitra, Rolf Fehlbaum, industriel du meuble implanté dans la banlieue allemande de Bâle, a mis la cerise sur son gâteau d'architecture en appelant ses voisins et amis Jacques Herzog et Pierre De Meuron, stars mondiales et locales.

Le bâtiment livré en 2010 met en scène la place de Vitra dans l'aménagement intérieur de l'habitat. D'éblouissement en éblouissement au fur et à mesure de la descente des escaliers donnant sur des espaces labyrinthiques, le visiteur croise les regards réjouis de touristes japonais ou américains. Métaphores ironiques de maisons à double pans, les galeries empilées comme un jeu de mikado encadrent tantôt les pentes de la Forêt noire, tantôt le centre historique de la capitale de la Suisse du nord-ouest, tantôt les zones industrielles rhénanes, dont celle du port de Mulhouse Rhin.

10 ans pour gommer les frontières

Emotion d'autant plus intense que brève : un quart d'heure pour Herzog & De Meuron, au bout de deux heures pour tout le campus Vitra. L'après-midi commence par une mise en perspective du pari de l'exposition internationale d'architecture IBA Basel 2020 (en allemand : Internationale Bau Ausstellung, d'où le sigle IBA) : en 10 ans, les élus des 830.000 habitants de l'Eurodistrict trinational espèrent amplifier le rayonnement mondial de l'agglomération, grâce à l'architecture. Ils s'appuient sur un siècle d'expérience d'IBA en Allemagne, conforté au cours des 20 dernières années par les éditions de Hambourg (2003-2013) et celles de la Ruhr (1989-1999).

Le 28 mars à Bâle, le 30 mars à Lörrach (Allemagne) et le 1er avril à Saint-Louis (Haut-Rhin), le lancement de l'appel à projets « Au-delà des frontières ensemble » montrera que Bâle ne se contente pas d'ajouter un site de plus à la longue liste des IBA. « La valeur ajoutée transfrontalière constituera le principal critère d'éligibilité, avant la désignation des lauréats fin juillet. Le 4 novembre prochain, nous espérons l'adhésion et la mise en réseau, grâce à un forum populaire », précise Martin Jann, directeur de l'équipe du projet, implantée depuis la fin 2010 dans un site emblématique : l'ancienne usine de production d'énergie d'un quartier post-industriel en pleine mutation, à deux pas de la frontière française et du campus Novartis. La proximité de ce dernier a inspiré l'initiative publique : pour attirer la matière grise internationale des sciences de la vie autour de son siège mondial, le groupe chimique bâlois mobilise le gotha mondial de l'architecture, dont Frank Ghery pour l'auditorium.

Une pépinière de talents

En sortant du siège d'IBA le long de la Volta Strasse, quelques mètres suffisent pour se convaincre de la fertilité du terreau local : « Une quarantaine de jeunes agences dépotent partout dans la ville. Les Herzog & De Meuron de demain ont déjà pris le relais », s'enthousiasme l'architecte mulhousien Guillaume Delemazure, guide de la journée bâloise d'AMO et ancien associé des lauréats bâlois du prix Pritzker. Avec une typologie de 60 appartements différents pour un ensemble de 92 logements répartis dans une surface hors œuvre nette de 16.000 m2, le projet de Christ & Gantenbein conforte son propos : la diversité des espaces de vie s'accorde avec la cohérence urbaine du programme en cours de livraison à l'assureur Swisslife, lauréat d'une compétition d'investisseurs orchestrée en 2005 par le canton de Bâle ville pour fermer un îlot et créer un front urbain.

Les briquettes anthracite de Christ & Gantenbein se prolongent dans les briquettes rouges choisies pour le bâtiment curviligne qui épouse la courbure de la Volta Strasse en direction de la gare Saint-Jean. Devant le parvis de cette dernière, l'immeuble de béton blanc, allégé par des angles aigus et des lignes obliques dessinées par Bründler et Buchner, développe magistralement la mixité fonctionnelle, avec ses deux premiers niveaux occupés notamment par un supermarché et un cordonnier. Quelques centaines de mètres plus loin, le festival d'architecture contemporaine se poursuit sur les trois pièces les plus récentes de l'hôpital inter-cantonal : la pharmacie de Herzog & De Meuron, l'unité d'obstétrique de Livio Vacchini, et l'hôpital pour enfants livré début 2011 par Stump und Schibli. Cette jeune agence bâloise a créé un événement urbain, avec l'irisation des panneaux de façade vert ou orange, selon l'angle de vue.

Heintz-Kehr transforme l'opacité en transparence

Les Français sauront-ils trouver leur place dans le concert de talents orchestré par IBA Basel 2020 ? Présentée par Martin Jann, la vue aérienne de l'agglomération laisse une impression cruelle : signe du fossé fiscal qui empêche un développement économique harmonieux, une ligne de champs de maïs sépare la France de la Suisse entre le ban du village alsacien d'Hegenheim et la florissante zone d'activités suisse d'Allschwill, banlieue de Bâle.

La première étape de la journée baloise d'AMO n'en a pas moins témoigné des talents alsaciens présents sur le territoire de l'agglomération trinationale. Dans les bâtiments administratifs et techniques de la subdivision de Voies Navigables de France livrés en décembre dernier à Niffer, tout près de la maison éclusière construite voici 50 ans par Le Corbusier, les Strasbourgeois Heintz-Kehr n'ont pas eu besoin d'irisations pour changer radicalement l'aspect des façades : l'opacité de l'acier rouillé, depuis les ponts de l'écluse rhénane, contraste avec la transparence des panneaux de verre de pleine hauteur depuis l'angle opposé. La modestie du budget d'1,3 million d'euros n'a pas empêché la nomination du projet au palmarès 2011 du prix Mies Van der Rohe.

Pour effacer les frontières de son esprit, le visiteur de Bâle s'appuiera sur la méditation zen à laquelle l'invite Tadao Ando. L'architecte japonais a multiplié les angles droits, dans le cheminement qui conduit à son centre de conférences semi-enterré, sur le campus Vitra de Weil-am-Rhein. Cette trajectoire à emprunter en file indienne vise à disperser les démons, pour concentrer l'esprit sur les thèmes des conférences. Le démon des égoïsmes nationaux ne résistera pas à une telle préparation, au moment où démarre l'aventure d'IBA Basel 2020. « Maintenant que nous y avons mis un pied, nous savons que nous y reviendrons », prédit Eric Hartweg, président d'AMO Alsace Lorraine Franche-Comté.

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