A qui donc la fédération des OPH va-t-elle remettre les actes de son assemblée générale annuelle en dépit de l'absence de ministre du logement ? Réunis à Rennes pour les 100 ans de leur fédération, les bailleurs sociaux publics tirent la sonnette d'alarme. Car en ce début de quinquennat, ils posent une autre question : comment financer une demande de logements sociaux croissante - qui a plus doublé en 20 ans dans les zones tendues - tout en suivant la trajectoire bas carbone d'ici 2050 ?
Sévèrement entamé par une succession de mesures lors du précédent quinquennat, les ressources des organismes HLM ne cessent de se contracter. Et la production de logements s'en ressent. En 2021, l'objectif fixé de 125 000 unités à produire n'a pas été atteint avec seulement 94 500 agréments délivrés. Alors qu'entre 2010 et 2020, la production se situait autour de 120 000 unités. Une étude de l'OFCE réalisée par l'économiste Pierre Madec montre que les aides publiques adressées aux bailleurs sociaux ont diminué de 23% entre 2014 et 2020. Tandis que dans 20 % des ECPI, on observe une attribution pour sept demandes.
Très cher Pinel
« L'instauration de la fameuse RLS - réduction de loyer de solidarité imposée aux bailleurs par la loi de finance 2018 et visant à compenser la baisse des APL pour les locataires -, représente 5 à 6 % du montant des loyers perçus, relève Marcel Rogemont. Cela équivaut à une perte de 2 milliards d'euros pour les bailleurs publics quand les bailleurs privés en ont gagné autant. Chaque organisme HLM a vu sa capacité d'autofinancement baisser de 20 à 30%. D'où les moins 20 % d'agréments en moins en 2021. » Le président de la fédération des OPH insiste donc sur la nécessité de supprimer la RLS. Prévue avant les élections, la discussion sur son réexamen n'a pas même été ouverte. Face à ce besoin accru de logements sociaux voire très sociaux, de nombreuses voix s'élèvent pour réinterroger la pertinence du dispositif Pinel.
« Le Pinel coûte cher, très cher, il représente la moitié de la promotion immobilière et contribue à la hausse des prix dans un grand nombre de villes, remarque la sénatrice Dominique Estrosi-Sassone. Ce dispositif de défiscalisation ne produit pas de logement à loyer modéré là où l'on en a besoin. Quand bien même la pression des lobbys de la promotion immobilière est forte, il faut réinterroger l'investissement locatif et étudier des alternatives. Des sociétés civiles de placement immobilier pourraient par exemple mobiliser l'épargne pour créer du logement intermédiaire plutôt que de produire du locatif de type Pinel. ».
Les chiffres de l'étude réalisée par Pierre Madec, économiste à l’OFCE, démontrent que le coût des 69 000 logements produits en Pinel en 2017 équivaut à celui de 105 500 PLUS ou encore 815 000 PLS. Des typologies d'habitations à loyers très sensiblement inférieurs.
Une TVA à 2,1 % pour décarboner le parc
« Comment voulez vous continuer à construire 250 000 logements en deux ans tout en réhabilitant dans la perspective de la Stratégie nationale bas carbone ? Comment investir lorsqu'on déshabille nos fonds propres ? », renchérit Denis Bouad, sénateur du Gard et administrateur d’Habitat du Gard. Les cabinets spécialisés Carbone 4 et Erese ont montré que la trajectoire carbone à horizon 2034-2050 nécessitera 3 voire 3,5 fois le montant des investissements annuels pour atteindre le palier 2034 et son doublement entre 2034 et 2050.
Afin de parvenir à la rénovation thermique de ces 1,6 millions de logements, le président de la fédération des OPH réclame l'instauration « d'une TVA à 2, 1 % et d'une Prime rénov' HLM ». Il s'interroge aussi sur le fléchage des fonds du 1% logement : « L'accès à des capitaux gratuits, notamment pour les filiales du groupe Action logement n’a rien à voir avec l’accès à des fonds gratuits pour les offices, remarque Marcel Rogemont. Constatant que le 1% logement représente de l’argent public, il serait normal que tous les organismes aient un égal accès à la ressource gratuite. La Cour des comptes l’a rappelé récemment dans son rapport sur le 1%. »
Alors que se préparent différentes textes sur le pouvoir d'achat et la loi de Finances 2023, les organismes HLM redoutaient un nouveau coup dur : un gel du montant des loyers sans mesure de compensation, ce qui obèrerait à nouveau leurs fonds propres soit 780 millions supplémentaires.
« La question du pouvoir d'achat est centrale, déclarait Stéphane Peu, député de Seine Saint-Denis et administrateur de Plaine Commune Habitat. Il est nécessaire de trouver une proposition qui fasse converger les intérêts des locataires et des bailleurs. »
Il semblerait que cette demande ait été entendue puisque malgré l’inflation, le gouvernement a renoncé au gel les loyers, plafonnant leur augmentation à 3,5 % pendant un an conformément à la valeur attendue de l'Indice de revalorisation (IRL). En compensation, les aides personnalisées au logement seront revalorisées en juillet plutôt qu'en octobre.