Le contraste entre Noisy-le-Grand et Thiais (Val-de-Marne) en témoigne : tous les chemins de l’aménagement peuvent mener à la biodiversité. Au moment de lancer leur troisième appel à projets, le 3 juin au titre du programme Nature 2050, CdC Biodiversité et la Métropole du Grand Paris ont choisi de mettre à l’honneur ces deux exemples, parmi les neuf lauréats de la promotion 2022.
Une méthode validée
37 M€ d’investissement d’un côté, 1,2 de l’autre, mais à l’arrivée, un bilan comparable : gain de fraîcheur par le végétal, écoulements pluviaux ralentis et création d’espaces favorables à l’épanouissement des vivants, humains et non humains. Une méthode réunit les deux projets : les fonds publics de la métropole s’ajoutent à ceux des entreprises privées, collectés par CdC Biodiversité, qui garantit la rigueur et le suivi scientifiques des opérations.
Dans la seconde promotion métropolitaine de Nature 2050, le parc André Malraux de Thiais se distingue comme le seul exemple de reconversion d’espace vert urbain datant des Trente glorieuses. « Le site se résumait à des allées goudronnées, quelques arbres et un bac à sable », décrit Nicolas Tryzna, adjoint au maire en charge de la Transition écologique.
Jardin permacole à Thiais
Entourée des expertises du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement et du cluster Eau-Milieux-Sols du Val-de-Marne, la commune a pensé la nouvelle couverture végétale multi-strates en fonction du potentiel du sol. « Nous avons privilégié des espèces peu gourmandes en eau », précise Nicolas Tryzna. L’animatrice du jardin permacole assure son entretien et contribue à la formation des collégiens et lycéens.
A Noisy-le-Grand, la Socarest a profité de l’opportunité offerte par l’ancienne gare routière pour relever le défi de l’aménagement écologique d’une dalle. Certes, « la pleine terre n’est pas toujours possible », concède Laurent Foret, directeur de la Société publique locale (SPL). Pour rendre possible l’implantation durable des végétaux sans trop solliciter le réseau d’eau potable, le projet a intégré des installations de stockage pluvial, associées à une percolation lente.
Dalle fertile à Noisy-le-Grand
« La SPL s’engage dans l’exploitation du site à long terme, en s’appuyant sur les experts de Nature 2050 », poursuit Laurent Foret. Le directeur constate le bénéfice pour la collectivité : « Le projet a professionnalisé les équipes techniques municipales », se félicite-t-il.
« Les progrès de la nature en ville nous aideront à gérer le climat méditerranéen attendu en région parisienne, quand la température aura augmenté de 4°C par rapport à l’ère préindustrielle », embraye Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle. Cette institution fait partie des membres du comité de pilotage de Nature 2050, aux côtés de l’Agence de la transition écologique, de l’Office français de la biodiversité, des Eco-maires, de la Ligue pour la protection des oiseaux, de France Nature Environnement, et de la Fondation pour la Nature et l’homme.
Antidote au court-termisme
Sponsor privé de la première heure, Transdev voit dans son adhésion une « évidence ». « Notre moteur, c’est le local », proclame son directeur régional Pierre-Edouard Dubois, fier d’avoir contribué à renaturer 50 000 m2 en Ile-de-France, à proximité des dessertes de ses bus. Autre sponsor de Nature 2050 avec 24 projets soutenus à ce jour, la Maif finance sa contribution avec son « dividende écologique » lancé en 2022. La compagnie d’assurance y consacre 10 % de ses résultats.
Moins attendu et plus récent parmi les sponsors privés, le distributeur et logisticien américain Amazon trouve dans le programme de CdC Biodiversité les trois critères qui conditionnent l’engagement de son fonds d’urgence Right Now Climat Fund, doté de 100 millions de dollars : « Le suivi scientifique, l’engagement à long terme et l’ancrage local », énumère Claire Scharwatt, directrice des affaires publiques et du développement durable en France.
Tout faire pour retenir l’eau
En ajoutant aux financements privés ceux de son Fonds Biodiversité doté de 80 M€, la métropole du grand Paris a trouvé un cadre opérationnel qui répond aux ambitions des élus, à commencer par celles de son président Patrick Ollier : « J’ai mis longtemps avant de comprendre l’importance du changement climatique », reconnaît-il.
Aujourd’hui, son mandat de président du syndicat mixte Seine-Grand Lac aiguise sa prise de conscience : « Face aux perspectives catastrophiques de baisse du niveau de la Seine, évaluées à 1,50 m à 2 m dans une quinzaine d’années, il n’y a pas à hésiter : tout ce qu’on peut faire pour ralentir les écoulements, faisons-le ! ». Le diagnostic des espaces verts communautaires l’encourage : « 95 de nos 131 communes sont carencées », rappelle le président.
CdC Biodiversité sonne l’alerte
Dans ce sombre tableau, la présidente de CdC Biodiversité identifie une lueur : « Tous les outils sont là pour intégrer l’écologie dans les modèles d’affaires », affirme Marianne Louradour. Encore faut-il que chacun s’en saisisse. Or, « les Solutions fondées sur la nature ne recueillent que 15 % de financement privé », regrette la présidente.
Le partenariat avec la métropole trouve son sens dans l’ambition d’une mobilisation générale plus nécessaire que jamais : « La nature va de plus en plus mal. Elle est peu entendue, ces temps-ci, dans certaines instances européennes et nationales. Elle ne se plaint pas, et nous ne l’entendons pas, alors que sa dégradation menace notre survie », alerte Marianne Louradour.