Quitte à révolutionner l’enseignement du Building information modeling (BIM), autant intégrer au cursus la prise en compte des matériaux issus du réemploi et régler la question de la fracture numérique dans le BTP.
Karim Fathi et Regina Fayruzova co-fondateurs de la start-up Arsenio ont ainsi choisi de faire d’une pierre, trois coups. « Après 10 ans d’expérience professionnelle marqués notamment par un passage au sein de la direction immobilière du ministère des Affaires étrangères, une thèse chez Colas et plus de deux ans au sein du groupe Saint-Gobain, je me suis formé au BIM en mettant l’accent sur ce qui compte le plus : les données », résume Karim Fathi.
L’ingénieur en génie civil, qui a également passé un diplôme de développeur informatique, a constaté que toutes les potentialités offertes par le BIM étaient finalement assez peu exploitées. « Correctement renseigné, un modèle numérique permet de maîtriser les coûts comme les plannings, mais le plus souvent les données ont une durée de vie limitée et les maquettes ne permettent même pas de sourcer les matériaux dans une optique d’économie circulaire », déplore-t-il.
Apprendre en expérimentant
Fort de son parcours riche et iconoclaste – Diplômé de l’ENS Cachan, de l’EIVP et d’un master à HEC, Karim Fathi a accompagné pendant un an un dirigeant expérimenté du groupe Saint-Gobain dans le cadre d’un "reverse mentoring" – l’ingénieur et son associée ont mis sur pieds une formation au BIM pour la construction durable inspirée des pratiques anglo-saxonnes. « Au lieu d’installer un enseignant face à des élèves pour diffuser ses connaissances, nous misons sur l’échange entre les apprenants lors de sessions intensives de plusieurs semaines pour des bootcamps ou lors de mentorat de quelques heures en entreprise », explique-t-il. L’objectif est bien d’apprendre à maîtriser les logiciels à travers des projets.
Formule Bootcamp intensif ou mentorat
Les bootcamps réunissent ainsi un maximum de 20 participants pendant trois à cinq semaines. « Les cours se déroulent en deux parties : l’appropriation du BIM, puis la réalisation de projets fictifs en équipe. Nous organisons alors les groupes de façon à reproduire les rôles des équipes lors d’un projet : architecte, ingénieurs, spécialiste de la thermique ou de la structure et entreprises de travaux, poursuit Karim Fathi. L’idéal est que chaque promo compte des maçons, des plaquistes… soit de fins connaisseurs des matériaux et de leurs mises en œuvre, ils sont particulièrement aptes à renseigner rigoureusement les champs de données dans un modèle BIM. »
Quant aux mentorats, un format plus adapté aux TPE/PME, Arsenio dispose d’un réseau d’une quinzaine d’experts qui donnent de leur temps lors de sessions qui s’étalent sur plusieurs demi-journées.
Sur la plateforme en ligne où tous les cours sont disponibles en permanence, les apprenants, qui peuvent être de jeunes diplômés, des professionnels en reconversion ou des demandeurs d’emploi, peuvent accéder à des contenus comparables à ceux des cours en ligne gratuits de type MOOC (Massive open online course), soit des vidéos, des quizz, des ressources documentaires diverses… « et des maquettes numériques où s’entraîner », indique Karim Fathi en montrant une visionneuse sur laquelle les apprenants peuvent prendre des mesures.
Réemployer les matériaux
Outre l’enseignement du BIM, la priorité des deux co-fondateurs est d’utiliser la maquette numérique pour mieux connaître les matériaux mis en œuvre. « Notre objectif est d’apprendre aux stagiaires à renseigner rigoureusement les champs de données liés aux produits de façon à récupérer cloisons, portes, briques, etc. issus de chantiers de déconstruction. Maîtriser ces information est essentiel pour assurer la traçabilité des matériaux, mais cela implique de traiter une telle quantité d’informations que le recours au digital est incontournable », explique Karim Fathi.
Objectif : lever un million d’euros
Créée en mars 2021, l’entreprise a réalisé 100 000 € de chiffre d’affaires la première année et table sur un doublement pour 2022. Les tarifs pour un mentorat oscillent entre 500 et 800 €/jour et ceux du bootcamp tournent autour de 6500 euros. Arsenio vient de rejoindre le programme Seed de Leonard, l’accélérateur de start-ups du groupe Vinci, et vise de réaliser une levée de fonds d’un million d’euros d’ici la fin de l’année.